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Intervention de Danièle Hoffman-Rispal

Réunion du 7 juillet 2010 à 15h00
Interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Hoffman-Rispal :

Monsieur le président, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre d'État de la justice et des libertés, mes chers collègues, « il ne faut demander à la loi que ce qu'elle peut faire » écrivait Condorcet, le dernier philosophe des Lumières. J'ajouterai qu'il faut lui demander tout ce qu'elle peut faire. En dehors de ce cadre serré, légiférer, c'est nuire, et nuire d'abord à la loi.

Le texte sur lequel nous nous prononçons a-t-il valeur de symbole, de déclaration solennelle ? En mai dernier, nous avons voté, à l'unanimité, une résolution. Aujourd'hui, nous l'anéantissons pour lui substituer une loi, dont nous savons tous qu'elle doit répondre à d'autres fins que des fins symboliques.

Cette loi présente une faiblesse. Sa simplicité ne peut nous cacher ses défauts, qui tiennent à son élaboration, à la façon dont nous posons la question du voile intégral. Cette manière est trop étroite pour que la loi ne le soit pas. Je m'explique. Depuis un an, nous demandons : « Faut-il interdire le port du voile intégral ? » Oui, répondent le Gouvernement et la majorité, oui et partout. Cette réponse commande ce projet de loi. Oui, mais pas n'importe comment, pas n'importe où, disons-nous au sein du groupe socialiste, radical et citoyen. Et c'est cette réponse qui guide nos amendements.

Au sein de cette assemblée, il en est pour croire que notre société est travaillée par une maladie qui aurait pour nom fanatisme et pour symptôme le voile intégral. Heureux de cette comparaison, nos collègues proposent d'employer le scalpel, comme s'il suffisait de supprimer le symptôme qui éclaire le médecin sur la nature du mal pour dissoudre ce mal.

Le voile intégral n'est pas une maladie. Signe sectaire, il est d'abord le signe le plus spectaculaire d'une crise générale de notre société. Il est le signe que la transmission des principes d'une génération vieillissante à la génération nouvelle ne s'est pas faite ou n'a pas été acceptée. Il en est l'expression la plus extrême. Et, naïfs que nous sommes, nous n'aurions rien d'autre à proposer qu'une interdiction générale ?

La question posée par le voile intégral demeurera après le vote de cette loi, car nous n'avons pas demandé à la loi une réponse à ces questions : de quoi le voile intégral est-il le signe ? Comment y remédier ? Nous avons exigé d'elle qu'elle nous débarrasse de ces questions. Voilà ce que nous ne pouvions lui demander.

Comment résister au voile intégral ? En nous attaquant à ses causes, qui sont le fanatisme, l'enfermement social, devenu l'enfermement communautaire, la religion pour seul horizon d'espérance, l'ignorance, l'inculture, le manque de repères pour seul moteur d'une foi dont on ne saurait rien, dans laquelle on se jette avec désespoir, comme au bord de la noyade. Des esprits se noient dans notre pays. Ils se raccrochent à cette bouée – un linceul ! – parce que nous ne leur apprenons plus à nager et que nous leur refusons cette main que nous devrions leur tendre. Les porteuses du voile intégral et les hommes qui les y contraignent nous disent qu'ils ne font plus partie de la société, qu'il n'y a plus de société. À cela, nous répondrions par une pure condamnation, quand la source de ce geste demeure, quand dans notre pays se multiplient les dénis de solidarité, du simple particulier au ministre d'État ?

Mes chers collègues, le groupe socialiste, radical et citoyen vous proposera des amendements. Ces amendements offrent un compromis entre la répression d'un voile intégral qui insulte les femmes et les dégrade, et la prévention du fanatisme, qui doit l'accompagner.

Je n'ai pas abordé la fragilité juridique du texte. Jean Glavany vous en a parlé hier soir, je n'en reprendrai pas l'argumentaire. Mais une question me vient : serions-nous aussi ignorants des libertés fondamentales que ces femmes qui revêtent le voile intégral ?

Pour cette raison, j'insiste sur le rôle que doit jouer l'école dans ce pays. Ayant débuté avec Condorcet, j'achève avec lui. Ce pionnier de l'instruction publique proposait une école singulière, qui demeure révolutionnaire. Son but était d'apprendre aux citoyens à nager, plutôt que de leur jeter une bouée s'ils se noient. En d'autres termes, apprendre à tous les droits attachés à la citoyenneté et les moyens de les défendre contre les tenants du pouvoir, religieux, traditionnel ou élu.

Si nous accomplissions cela, le calme ne régnerait pas dans notre pays, mais au lieu du voile intégral, nous aurions à répondre aux questions d'un peuple éclairé qui demanderait : qu'avez-vous fait de nos espoirs ? Que faites-vous de notre désespoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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