Il faut reconnaître, monsieur le ministre, que certains articles de cette loi proposent des solutions intéressantes : le contrat, le fonds national de garantie, les GAEC entre époux et la politique de l'alimentation, par exemple. Hélas, bien que vous ayez multiplié les initiatives en la matière, le traitement de la question du foncier me laisse un peu amer. À l'occasion du Grenelle de l'environnement, nous avons eu un très important débat sur l'étalement urbain, mais le Grenelle 2 avait reculé sur cette question. Le lien est pourtant évident entre la consommation des espaces agricoles et l'étalement urbain. Plus vous luttez contre l'étalement urbain, mieux vous structurez la densité urbaine, plus vous rendez disponibles des terres agricoles.
Plusieurs dispositifs ont été retenus. Par le PLU et le SCOT, vous renforcez les possibilités de mieux zoner et de renforcer la lutte contre l'utilisation des terres agricoles. Mais vous mettez en place deux instruments en leur donnant, dès le départ, un titre qui semble compromettre leurs chances de succès. D'une part, l'Observatoire de la consommation des espaces agricoles semble fondé sur le principe que les terres agricoles sont destinées à être consommées. Ne faudrait-il pas plutôt parler de « préservation » des terres agricoles ? Je parle ici de la forme, sans préjuger du contenu : il est sans doute nécessaire que cet observatoire fasse son travail. Vous créez d'autre part des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles. Derrière tout cela, vous mettez en place un important mécanisme : la fiscalisation de la plus-value. On commence par créer une dynamique de consommation, puis, pour la freiner, on fiscalise comme on peut.
Vous avez mis le doigt sur un problème extrêmement important et dangereux pour l'avenir : la consommation effrénée des terres agricoles. Les chiffres qui ont été donnés pour la France sont considérables ; ils le sont encore plus pour les pays d'outre-mer. En Martinique, ce sont environ 1 000 hectares de terres qui, chaque année, sont perdus pour l'agriculture – soit un peu moins de 100 hectares par mois. Lorsqu'un pays qui disposait, il y a quinze ou vingt ans, de 60 000 hectares de terres agricoles, n'en compte plus aujourd'hui que 27 000, on peut se demander s'il est bien pertinent de vouloir continuer à y développer l'agriculture.
Je voudrais prendre un exemple extrêmement précis qui vous convainque d'adopter les amendements qui vous seront soumis, qui ont pour but une meilleure préservation des terres agricoles plutôt qu'une politique de consommation de celles-ci.
Vous avez parlé des panneaux photovoltaïques destinés à diversifier la production d'électricité. Sachez que la combinaison de la défiscalisation, de la spéculation et, notamment, du déclassement des terres agricoles est un cocktail explosif susceptible, en Martinique, d'aboutir très facilement à des situations inacceptables.
La capacité d'introduction d'énergie alternative par EDF en Martinique est de 70 mégawatts. Aujourd'hui, le potentiel résultant de la défiscalisation et du déclassement organisé, malgré le décret pris en novembre 2009 à votre instigation, est déjà de 200 mégawatts, soit le triple de la capacité que j'évoquais. Par ailleurs, les permis délivrés aujourd'hui portent sur des puissances de l'ordre de 85 mégawatts, pour une capacité d'introduction dont je répète qu'elle est de 70 mégawatts.
Cela vient du fait que, si vous affirmez clairement que les terres agricoles ne sont pas destinées à recevoir des fermes photovoltaïques, c'est pour préciser immédiatement après cela que, s'il est avéré que ces terres ne sont pas utilisées pour l'agriculture, on peut imaginer que le maire puisse déclasser. Ce faisant, vous invitez le maire à pareil déclassement, vous lui dites qu'il peut déclasser ! Or un déclassement n'est pas provisoire mais définitif. Celui qui louera ses terres à une SNC à fin de défiscalisation va réaliser une bonne opération spéculative qui ne laissera aucune place à d'autres possibilités de développement d'énergie alternative, notamment sur des toitures ou des terres incultes.
J'insiste auprès de vous : acceptez de durcir les mesures que vous prenez, allez plus loin. En outre, il serait heureux que vous puissiez substituer le mot de protection à celui de consommation.