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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 1er juillet 2010 à 21h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 5, amendement 296

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Notre échange me paraît des plus importants. Dans votre réponse, monsieur le ministre, vous avez, d'une certaine manière, fait un aveu, encore que ce ne soit pas la première fois, depuis le début de la discussion, que vous abordez ce point.

Vous avez considéré que ce texte était avant tout, et même par nature, un texte d'adaptation à ce que sera l'Europe agricole après 2013. Nous nous trouverons alors dans un système de libre-échange, avec très peu d'accompagnement, très peu de régulation, un système très bien décrit par l'économiste du XIXe siècle David Ricardo, selon lequel l'équilibre de l'économie se réalise là où les coûts sont les moindres. Dès lors, il n'y a plus de limites, plus de frontières. Un tel système tire le prix mondial vers le niveau le plus bas.

Je schématise à peine le sens de vos propos tant il est vrai que vous cherchez à adapter notre économie à une logique de performance. Vous ne souhaitez donc pas arrêter l'évolution actuelle du système agricole européen et même mondial, vous ne souhaitez pas la contrecarrer à l'aide de mesures de protection.

En ce qui concerne le coefficient multiplicateur, on peut se demander pourquoi il n'a jamais été appliqué, alors que la loi le prévoyait. Au moment de l'examen du texte au terme duquel ce dispositif a été adopté, nous avions longuement débattu et savions quelles en étaient les limites. Nous pensions toutefois qu'il était possible de le mettre en oeuvre.

Ainsi, au mois de juillet 2009, les services du ministère de l'agriculture ont noté une chute des prix par rapport à 2008 allant de 7 % pour les tomates en grappes à plus de 30 % pour les abricots. Le service des nouvelles des marchés relevait des cours anormalement bas pour cinq produits dont trois – abricots, courgettes, poireaux – présentaient les symptômes d'une crise conjoncturelle. En juillet 2009, il nous était donc possible, forts de ce constat, d'appliquer le coefficient multiplicateur.

La seule réponse des pouvoirs publics a consisté à autoriser à titre exceptionnel la vente directe des fruits et légumes à l'extérieur des magasins pour huit catégories de produits – melons, nectarines, poires d'été, abricots, poireaux, courgettes, artichauts et tomates – pendant trois week-ends de juillet et début août. Le choix a été fait de ne pas appliquer le coefficient multiplicateur au profit d'autres formules de vente qui permettaient de contrecarrer les profits excessifs que pouvait réaliser la grande distribution, de contourner cette dernière en procédant à la vente directe. On peut regretter, alors que les conditions étaient réunies, que le coefficient multiplicateur n'ait pas été appliqué.

Que ferions-nous aujourd'hui ? Au lieu de nous contenter, comme vous le faites, de nous laisser porter par l'évolution de l'économie, il s'agirait de faire montre de volontarisme et de prendre des mesures comme celles que j'avais préconisées à l'occasion de la discussion d'une proposition de loi, du reste en votre présence, monsieur le ministre. On pourrait ainsi octroyer un pouvoir très important à l'Observatoire des prix et des marges, en lien avec la DGCCRF, de façon à réaliser un suivi précis des prix et des marges réalisées non seulement entre distributeur et consommateur mais aussi entre producteur, transformateur-fournisseur et distributeur. Il s'agirait de savoir exactement ce qui se passe, où sont les marges.

Peut-on dès lors fixer un prix minimum indicatif ? Oui si, chaque année, une conférence par production est organisée. Dans une région donnée, en réunissant toutes les parties concernées, on peut déterminer ce que serait le prix minimum, sorte de prix d'alerte en deçà duquel on peut déclencher le coefficient multiplicateur et appliquer des mesures d'urgence pour accompagner les agriculteurs et essayer de les sortir de leurs difficultés.

Or tel n'est pas, curieusement, ce que prévoit le texte, alors que ma position est la même que celle défendue par le président Sarkozy dans son discours de Poligny.

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