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Intervention de Jean-Ludovic Silicani

Réunion du 3 novembre 2009 à 18h30
Commission des affaires économiques

Jean-Ludovic Silicani, président de l'ARCEP :

Pour ce qui concerne la fonction de régulation de l'ARCEP, je plaide depuis plus de quinze ans pour une régulation de l'État dans tous les domaines et l'histoire m'a plutôt donné raison. Gardons par exemple en tête le renforcement récent de la régulation des marchés financiers. A fortiori lorsque l'on part d'un marché monopolistique : il faut alors favoriser la « construction » d'un marché en établissant un niveau raisonnable de concurrence. Dans ce contexte, la régulation se doit d'être asymétrique ; lorsque la situation de monopole s'estompe puis disparaît, la régulation devient symétrique.

L'organisation de la régulation constitue un sujet ultrasensible. Plusieurs modèles de régulation existent d'ailleurs dans le domaine des réseaux (audiovisuel, télécoms, chemins de fer, énergie…). Il s'agit d'infrastructures essentielles qui obéissent à des logiques économiques et concurrentielles similaires. La Grande-Bretagne et les États-Unis ont le même régulateur pour l'audiovisuel et les télécoms, l'Allemagne, le même pour les télécoms, les postes, l'énergie et le ferroviaire. En France, la situation est plus dispersée puisqu'il y a le CSA, la CRE, l'ARCEP notamment. Je n'ai pas, à ce stade, d'avis à formuler dans ce domaine. J'observe cependant que le président Accoyer a annoncé la constitution d'une mission devant étudier nos autorités administratives indépendantes.

Concernant la couverture en 3G mobile, un rapport devrait être remis au Parlement d'ici quelques semaines. Le constat est que les opérateurs sont en retard par rapport aux engagements qu'ils ont pris, SFR plus qu'Orange. Les objectifs fixés dans les licences devront être tenus, au besoin en faisant usage des sanctions nouvelles prévues par la loi de modernisation de l'économie.

Concernant l'attribution des fréquences mobiles, le calendrier qui a été fixé comporte trois étapes. D'ici le début de l'année 2010, l'ARCEP étudiera le dossier de candidature pour la 4ème licence 3G déposé à l'ARCEP. Je rappelle que l'attribution d'une quatrième licence 3G est susceptible, en accroissant la concurrence, de faire baisser les prix de la téléphonie mobile, particulièrement élevés par rapport au reste de l'Europe. Ensuite, si le dossier de candidature apparaît satisfaisant, les engagements qu'il comporte seront transcrits dans l'autorisation. Il faudra alors vérifier leur respect lors du déploiement du réseau. Les indications orales qui ont été données à l'ARCEP semblent indiquer que la « pression » exercée sur Free a été plutôt bénéfique. En matière d'équipements, il nous a été indiqué qu'il était probable qu'il y aurait très peu de recours à des équipementiers asiatiques. Si tel est le cas, ce serait plutôt satisfaisant pour l'emploi en France et en Europe. Concernant l'emploi, je voudrais faire quelques remarques. Si on s'intéresse aux centres d'appel, par exemple, on voit que les opérateurs qui privilégient des implantations en France ne sont pas ceux auxquels on penserait spontanément. Par ailleurs, le secteur des télécommunications a perdu 20 000 emplois les cinq dernières années, alors que le revenu des opérateurs a augmenté : ce phénomène est dû à de forts gains de productivité. L'emploi figure enfin dans les critères pris en compte pour l'attribution de la licence, même si la pondération de ce critère est faible. La deuxième étape consistera en l'attribution du reliquat des fréquences 3G, au cours du premier semestre 2010. Enfin, dans une troisième étape, des fréquences seront attribuées pour le très haut débit mobile, notamment celles du dividende numérique, entre le second semestre 2010 et le début de l'année 2011.

Concernant la DSP 92, la décision de la Commission européenne a paru surprenante à certains. Je rappellerai simplement que la commission a fait un raisonnement classique en droit, en suivant les critères fixés dans l'arrêt Altmark de la CJCE, qui impose pour valider un service d'intérêt économique général trois principales conditions : premièrement, existence d'un service d'intérêt général, fourni à toute la population concernée ; deuxièmement, procédure de choix d'un délégataire transparente ; troisièmement, limitation de la subvention à la couverture des activités non rentables. En ce qui concerne l'appréciation des faits, je rappelle que la Commission ne réalise qu'un contrôle restreint, technique juridictionnelle répandue. Les règles que fixe l'ARCEP dans son projet de décision concernant la zone 1 s'appliquent à tous les opérateurs, notamment en matière d'ouverture des réseaux. Elles s'appliqueront donc à l'opérateur en charge de la DSP 92. L'ARCEP peut également être saisie pour régler un différend entre le délégataire et un autre opérateur s'agissant des conditions d'accès au réseau.

Concernant les contacts que j'ai eus avec Mme Neelie Kroes, ils ont porté essentiellement sur le projet de décision relatif à la fibre optique. L'avis de la commission européenne sur ce projet de décision sera rendu très prochainement. Il devrait être favorable.

Concernant le respect de la loi de modernisation de l'économie, il me semble que l'ARCEP respecte parfaitement dans son projet de décision l'esprit et la lettre de cette loi. La LME a posé le principe d'une mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre optique en un point situé hors des propriétés privés sauf dans les cas définis par l'ARCEP. Il revenait à l'ARCEP de préciser ces cas ainsi que les modalités techniques de l'accès. Pour le point de mutualisation, l'ARCEP a suivi l'avis des spécialistes en retenant un critère de densité fonction à la fois de la taille de l'agglomération et de l'immeuble. Pour les modalités d'accès, il apparaît nécessaire de respecter le principe général du droit des communications électroniques de neutralité technologique ; peut-être y a-t-il eu un malentendu au moment du vote de la LME sur ce point, mais il apparaît nécessaire aujourd'hui pour respecter ce principe comme pour établir une régulation symétrique, de demander aux opérateurs d'immeuble de mettre en place les équipements qui permettront à tous les opérateurs tiers de se connecter à la partie terminale des réseaux de fibre.

Sur les modalités financières de partage des coûts dans les cas de pose de fibre dédiées, il apparaît clairement aujourd'hui que le schéma retenu dans le projet de décision de l'ARCEP fait consensus, ce qui n'était pas encore le cas au début du mois d'août. Évoquer dans la loi, au-delà du partage équitable des coûts, la notion de coûts supplémentaires m'apparaît comme une source de confusion et une manière de confier au juge et à l'ARCEP un pouvoir exorbitant d'interprétation de ces termes. D'un pur point de vue légistique, je me permets donc de vous conseiller plutôt d'en rester à la formule générale et claire qui figure dans la proposition de loi votée par le Sénat.

Enfin, concernant la question de M. Brottes sur les pylônes TDF, j'ai demandé des renseignements. Sur un parc de 6 600 pylônes, 4 000 sont déjà utilisés par les opérateurs de téléphonie mobile et 3 500 pour la diffusion de la télévision hertzienne. Sur les 1 900 sites qui seront désactivés avec le basculement au tout télévision numérique, 600 sont déjà utilisés pour des usages télécom. Concernant le reliquat, TDF m'a affirmé avoir intérêt à le conserver et le valoriser.

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