L'OPECST, créé il y a vingt-cinq ans, est un organe parlementaire comprenant dix-huit députés et dix-huit sénateurs, dont la présidence est assurée alternativement, tous les trois ans, par l'une ou l'autre assemblée. Il est chargé d'éclairer le Parlement sur les conséquences des choix scientifiques et technologiques.
L'OPECST ne peut pas s'autosaisir : il est saisi soit par une commission, soit par le président ou le bureau de l'une ou l'autre assemblée – ou, par leur intermédiaire, par les présidents de groupe. Sa saisine peut également être prévue par la loi elle-même : ainsi, je suis en train de procéder, à la demande du président de la Commission des affaires économiques, à une évaluation des normes techniques de consommation d'énergie du bâtiment suite à l'adoption de la loi dite « Grenelle I ».
Au fil des ans, nous avons amélioré notre système de contrôle. Nous organisons désormais, sur des sujets d'actualité, des auditions publiques ouvertes à la presse. Pour ne prendre que ce seul exemple, Pierre Lasbordes a organisé il y a quelques semaines une audition publique sur le dossier médical personnel : il a fallu cette occasion pour que certains acteurs qui travaillent sur le sujet depuis cinq ans et ont déjà dépensé des sommes considérables se rencontrent pour la première fois !
Nous diffusons également des notes d'information générale à l'ensemble des parlementaires.
En ce qui concerne nos méthodes, nous désignons un rapporteur, quelquefois plusieurs. Le rapporteur présente une étude de faisabilité : il fait un état de l'art, en précisant ce qui est connu et ce qui doit être vérifié, et établit un programme d'études. Il s'entoure d'une expertise scientifique : l'Office bénéficie d'un conseil scientifique de vingt-quatre membres, qui fournit des membres aux comités de pilotage scientifiques. La réunion annuelle de l'Office avec le conseil scientifique est d'ailleurs l'occasion d'un échange très intéressant sur des questions d'actualité.
Le comité de pilotage scientifique assiste le rapporteur jusqu'au bout de son travail. Toutefois, les conclusions du rapport sont bien celles du rapporteur, qui en endosse la responsabilité politique.
Nous travaillons en général en binôme. J'ai ainsi présenté un rapport avec Christian Bataille sur la stratégie nationale de recherche en matière d'énergie ; vient, de même, de paraître un rapport de Jean-Yves Le Déaut et Catherine Procaccia sur les pesticides aux Antilles.
Pour l'information du Parlement, nous éditons des résumés de quatre pages, en couleur, qui sont envoyés à chaque député. Leur présentation visuelle est soignée, de façon à inciter à leur lecture immédiate ou ultérieure. Si l'on a besoin d'informations détaillées, on consulte le rapport ; si l'on cherche une idée générale, le résumé suffit. Le Comité d'évaluation et de contrôle pourrait s'inspirer utilement de ce système.
Le rôle des rapporteurs ne s'interrompt pas avec la présentation du rapport à la presse : lorsqu'elles le demandent, ils vont présenter leurs conclusions devant les commissions permanentes.
Nos rapports sont-ils efficaces ? Entre 1997 et 2002, Christian Kert a travaillé sur les risques naturels et la sécurité des tunnels. Jean-Claude Gayssot, le ministre des transports de l'époque, a fait une conférence de presse sur son rapport en présentant les réponses du Gouvernement aux demandes du Parlement !
De même, les travaux de Christian Bataille et de moi-même sur la législation et la réglementation de la sûreté nucléaire et de la gestion des déchets radioactifs nous valent d'être invités par des sociétés savantes et dans des conférences internationales.
Enfin, nous avons une audience internationale. En 2005, j'ai présenté nos travaux devant la Chambre des communes. Mardi prochain, je recevrai George Atkinson, l'ancien secrétaire d'État adjoint américain, pour une discussion sur les échanges scientifiques à travers le monde.
En conclusion, si l'OPECST fonctionne, c'est grâce à l'engagement considérable des parlementaires. En présentant ce matin son rapport sur les pesticides aux Antilles, Jean-Yves Le Déaut rappelait d'ailleurs que sa préparation avait nécessité 285 heures d'auditions.
Cela requiert également une certaine souplesse. Les parlementaires sont libres de conduire leur étude comme ils le veulent : ils vont sur le terrain, rencontrent les chercheurs sur leur lieu de travail, effectuent des missions à l'étranger afin de recouper les informations disponibles pour des analyses comparées et identifier les meilleures solutions possibles.
Par ailleurs, des experts bénévoles nous apportent une aide qu'il faut utiliser au mieux. Je me souviens d'un rapport réalisé en 2004 avec Christian Bataille : les douze membres du comité de pilotage assistaient aux auditions munis d'un cahier, qu'ils noircissaient comme de simples étudiants !
J'ajoute qu'à la différence des autres pays, en France, ce sont les parlementaires qui font le travail, et non un consultant appointé par le Parlement comme le fait notamment le service d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (STOA) – notre équivalent au Parlement européen. Celui-ci décide ainsi du choix des sujets, mais les confie par appel d'offres à des sous-traitants. Or, M. Graham Chambers, son ancien directeur, m'a conté à ce sujet une anecdote significative. En 2002, trois mois après la commande d'un rapport par la Commission de l'environnement, il eut la surprise de recevoir un appel téléphonique d'un étudiant de l'Université libre de Bruxelles, lui demandant quelles conclusions il souhaitait pour cette étude. Surpris, M. Chambers répondit que le travail avait été confié à un cabinet privé pour 150 000 euros ! L'étudiant répliqua que ce cabinet le lui avait sous-traité, et que, si cela lui permettait de payer ses études, il ne souhaitait pas pour autant perdre trop de temps à justifier ses conclusions !