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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 30 juin 2010 à 12h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, Rapporteur général :

Monsieur le ministre, le président de la commission vous a interpellé sur la mise en place de différentes règles de gouvernance en matière de finances publiques. Pour ma part, je tiens à vous féliciter des évolutions majeures de ces dernières semaines. Ainsi, pour la première fois, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire mardi prochain et de l'examen du projet de loi de programmation en septembre, le Parlement pourra avoir connaissance du programme de stabilité et prendre position sur celui-ci. Voilà dix ans que les gouvernements successifs envoient à Bruxelles des programmes de stabilité sans que le Parlement en soit informé ! Il s'agit donc d'une rupture majeure.

Voilà aussi des décennies que les lois adoptées sont truffées d'exonérations fiscales ou sociales. Or, au début du mois de juin, le Premier ministre a adressé à tous les membres du Gouvernement une circulaire imposant que, dans les projets de loi à venir, les mesures d'exonération soient réservées aux seules lois de finances et de financement de la sécurité sociale. C'est, là encore, un progrès considérable.

De même, nous avons adopté pour la première fois en février 2009 une loi de programmation pluriannuelle qui doit être révisée en raison de la crise et vous proposez de le faire en septembre prochain. Le rapport de la commission Camdessus propose parallèlement de donner une force juridique constitutionnelle à certains éléments des lois de programmation pluriannuelle, ce qui nécessitera une réforme de la Constitution – du reste, la circulaire du Premier ministre, que j'ai évoquée précédemment, exige elle aussi une réforme de la Constitution afin de bénéficier d'une assise juridique suffisante. Le rapport Camdessus propose notamment que, dans la loi de programmation, des éléments normatifs président aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale annuelles : il prévoit, d'un côté, un plafond de dépenses normatif, pouvant faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité des lois de finances et de financement et, de l'autre, un plancher protégeant les recettes dans le cadre des mesures nouvelles. Je me réjouis des progrès considérables en termes de règles de bonne gouvernance que, grâce à vous, nous réalisons. J'espère que ces progrès feront l'objet du même consensus qu'en 2000, lorsque nous avons soutenu la démarche conduisant à la loi organique relative aux lois de finances de 2001, que nous sommes très heureux d'avoir adoptée.

Le débat d'orientation des finances publiques – autre innovation – revêtira, quant à lui, une solennité particulière puisqu'il sera l'occasion d'appliquer une nouvelle disposition de la Constitution, l'article 50-1, qui permet d'organiser un débat public et de le faire suivre d'un vote – je remercie le Gouvernement d'avoir fait ce choix.

Mes questions concerneront uniquement l'année 2011 qui, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, sera marquée par une diminution du déficit public de huit à six points de PIB pour un effort de quelque 40 milliards d'euros, un objectif que vous avez qualifié à l'instant d'« intangible » et d'« incontournable » puisqu'il est « le coeur de la stratégie ».

Compte tenu de l'évolution probable des taux d'intérêt et de l'augmentation du stock de dettes, quelle peut être l'augmentation de la charge de la dette en 2011 par rapport à 2010 ? Notamment, quel sera l'impact de l'emprunt national dans cette augmentation ? Je rappellerai que lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, qui a mis en place le grand emprunt de 35 milliards d'euros, le coût en était évalué dès 2011 à 1,2 milliard d'euros.

Vous prévoyez de geler au niveau actuel la charge des pensions : comment y parviendrez-vous ?

S'agissant des prélèvements sur recettes, il n'est pas acceptable que l'Union européenne ait augmenté le sien de 1 milliard d'euros en 2009, comme nous avons pu le constater lors de l'examen du projet de loi de règlement. L'augmentation de 6 % que vous avez évoquée serait, quant à elle, inadmissible. Comment comptez-vous bloquer une telle augmentation du prélèvement de l'Union européenne ? Vous avez en effet raison : les mêmes efforts, qui sont demandés aux États, doivent être fournis par Bruxelles.

Pouvez-vous nous confirmer que l'augmentation de la charge constituée par les pensions, le prélèvement de l'Union européenne et les intérêts de la dette, en raison de l'augmentation mécanique des crédits, rend suffisant le choix « zéro valeur » pour toutes les autres dépenses ? Ou conviendrait-il de faire mieux que « zéro valeur » ? Je pense à la masse salariale des fonctionnaires en activité, qui représente 85 milliards d'euros. En effet, alors que le « 1 sur 2 » a été pratiqué en 2009, on a observé une augmentation de 800 millions d'euros entre l'exécution 2008 et l'exécution 2009 et de 600 millions entre la prévision en LFI 2009 et l'exécution 2009. L'objectif, par-delà le « 1 sur 2 », d'une reconduction en valeur en 2011 de la masse salariale est-il réalisable ? Si oui, comment peut-il être atteint ?

S'agissant des autres économies, les 15 milliards, qui doivent être réalisés chaque année pendant trois ans pour atteindre les 45 milliards d'euros annoncés par le Premier ministre d'ici à 2013, sont répartis entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales. S'agissant des dépenses de l'État, vous avez annoncé une baisse de 10 % d'ici à 2013. Or le Premier ministre a dit dans un courrier que la moitié de cette baisse serait réalisée en 2011. Comment vous y prendrez-vous pour les dépenses d'intervention, qui s'élèvent à 66 milliards d'euros, alors même que vous avez indiqué que l'effort ne concernerait pas l'hébergement d'urgence ou les minima sociaux ? Sur quel poste ferez-vous porter l'effort ? S'agissant des dépenses de fonctionnement, une baisse de 5 % représente un effort important, qui est bien documenté par la RGPP : confirmez-vous que l'effort s'appliquera également aux opérateurs ?

En matière de recettes, d'ici au débat d'orientation des finances publiques, il conviendrait de clarifier l'articulation des différentes problématiques : réforme des retraites, niches fiscales et sociales, CADES et diminution des déficits.

Si je me réfère au programme de stabilité et aux déclarations du Premier ministre, les 100 milliards d'euros d'économies annoncés entre 2011 et 2013 permettront de passer d'un déficit de huit points de PIB en 2010 à un déficit de trois points en 2013 – je rappelle qu'un point de PIB représente 20 milliards. La répartition annoncée par le Premier ministre serait la suivante : 45 milliards de baisse de la dépense et 35 milliards liés à l'élasticité des recettes, dans le cadre du retour de la croissance. Or le programme de stabilité évalue cette élasticité à 1 point de PIB, à savoir quelque 20 milliards d'euros. Pourrions-nous savoir comment vous décomposez recette spontanée – en vous fondant sur 2001 – et phénomène d'élasticité ?

Enfin, le Premier ministre a annoncé un effort de 5 milliards d'euros de réduction des niches fiscales et sociales dès les projets de loi de finances et de financement pour 2011. Le volet fiscal et social des retraites porte, lui, sur 3,7 milliards d'euros de recettes supplémentaires. S'agissant des recettes en provenance des entreprises, le Gouvernement s'est engagé, dès le début de l'année, à compenser les effets de la décision prise par le Conseil constitutionnel d'annuler la taxe carbone, qui était remboursée aux ménages, euro pour euro, mais compensée, pour les entreprises, par la baisse de la taxe professionnelle. Comme celle-ci a eu lieu, il reste donc, entre les ménages et les entreprises, un déséquilibre fiscal de 1,7 à 1,8 milliard d'euros de créances au profit de ces dernières. Quant à l'annulation par le Conseil constitutionnel du régime particulier de contribution économique territoriale applicable aux titulaires de BNC employant moins de cinq salariés, elle conduit à une perte de recettes de l'ordre de 500 à 600 millions d'euros. Que prévoit le Gouvernement en la matière ? Nous devrons du reste nous interroger sur la fiscalité des entreprises dès le projet de loi de finances pour 2011 – Alain Claeys et Jean-Pierre Gorges ont remis, à ce propos, un excellent rapport sur le crédit d'impôt recherche.

Si nous ajoutons aux cinq milliards d'euros de réduction des niches fiscales, 3,7 milliards liés à la réforme des retraites et 2,2 milliards de recettes à rétablir en raison de l'annulation par le Conseil constitutionnel de diverses dispositions, la reconstitution de recettes s'élève à 10,8 milliards d'euros, chiffre qui est proche de celui que vous avez annoncé. Cette méthode de calcul, qui part des seuls engagements du Gouvernement, vous paraît-elle adéquate ? Les dispositions fiscales liées à la réforme des retraites sont-elles, à vos yeux, imputables en diminution de l'effort de réduction des niches fiscales et sociales ou s'y ajoutent-elles ? Comment arrivez-vous à plus de 10 milliards d'euros ?

Enfin, l'effort de reconstitution de recettes portera-t-il uniquement sur certains impôts – impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, impôt sur les sociétés – ou concernera-t-il également l'imposition indirecte, laquelle a le mérite de jouer dès l'année suivante, contrairement aux impôts directs pour des motifs de non-rétroactivité ? J'ai évoqué la mise en place d'un taux réduit. Dans le cadre de la présentation de mon rapport annuel sur la loi fiscale, je m'interroge sur l'envolée des coûts d'exonération de TIPP, en particulier au titre des biocarburants. La révision des niches fiscales exclut-elle des sujets qui seraient tabous ou allez-vous, comme nous le souhaitons, procéder à un inventaire exhaustif ?

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