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Intervention de François Fillon

Réunion du 29 juin 2010 à 15h00
Éloge funèbre d'henri cuq

François Fillon, Premier ministre :

Madame, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la France a perdu l'un de ses loyaux serviteurs, l'Assemblée nationale a perdu l'une de ses figures, et nous avons perdu un compagnon.

Issu de la Résistance et du Gaullisme, le terme de compagnon symbolise cette façon fraternelle de cheminer ensemble sur les voies escarpées de la grandeur nationale. Dans les bons et les mauvais jours, Henri incarne l'image de ce compagnonnage fait d'épreuves et de souvenirs partagés. Même ceux qui ne le connaissent pas personnellement, même ceux qui n'étaient pas de son bord politique savaient qu'Henri Cuq était authentique et droit. Il venait de l'Ariège. Son enfance avait été campagnarde, éclairée par les beautés tranchantes du pays d'Oc. Il avait gardé cet accent rocailleux qui révélait l'homme simple, l'homme franc, l'homme chaleureux qu'il n'a jamais cessé d'être, au long d'une carrière politique où les succès avaient pourtant été nombreux.

Tout au long de sa vie, Henri Cuq fut animé par l'amour de la France, un amour direct, sanguin, sans fioritures. Son sens du bien public n'était pas théorique, il était l'expression d'une bienveillance naturelle vis-à-vis de ses concitoyens.

Dès sa jeunesse, Henri Cuq se consacra à leur protection. Diplômé de criminologie, il devint commissaire de police, puis directeur des Renseignements généraux en Corrèze.

C'est là qu'il rencontra Jacques Chirac, qui le convainquit de prolonger un engagement républicain par un engagement politique. De cette rencontre, date une loyauté à toute épreuve, une loyauté farouche à l'égard du Président Chirac, dont l'allant et la cordialité s'accordaient à la spontanéité et au goût de l'action d'Henri Cuq.

Entre l'homme de la Corrèze et celui de l'Ariège, un pacte intime se noua et il ne pouvait se briser qu'avec la mort. Henri Cuq rejoignit Jacques Chirac à la mairie de Paris. Il fut dès lors, à ses côtés et pour notre majorité, un artisan des reconquêtes : celle de 1986, année où il fut élu député, comme celle de 1995.

La loyauté d'Henri Cuq est le reflet de l'idée qu'il se faisait de la politique. Pour lui, la politique était avant tout une aventure humaine, une affaire de coeur et d'amitié, une vocation de militant qui ne renie pas la foi jurée. Il était là dans les jours fastes comme dans les jours d'infortune. Il savait que les joies sont plus fortes quand ceux qui les partagent ont aussi partagé les coups durs et les tristesses. Il connut l'électricité des réunions publiques, ces longues soirées improvisées où l'on refait le monde. Il connut aussi la traversée du désert, les moments de solitude où le téléphone ne sonne plus et, soudain, l'éclat des rebondissements, les élections gagnées en dépit des sondages et des prévisions fatalistes.

Henri Cuq n'était pas de ceux qui volent au secours de la victoire. Il était de ceux qui la construisent patiemment, sur le terrain, dans l'adversité. Il était un roc sur qui on pouvait s'appuyer dans la difficulté, un roc dont le bon sens et la sagesse étaient aussi la meilleure des préventions contre les vertiges du succès.

Henri Cuq était un militant. Du vrai militant, il avait la rudesse et la tolérance forgées au creuset de longues années d'expérience. Il en avait la fraternité, fraternité avec les siens, avec son camp, avec aussi les autres – ceux d'en face, les adversaires – sans lesquels il n'y a pas ce choc qui nous grandit personnellement et politiquement. Vous savez tous, sur ces bancs, de quoi je parle. C'est ce mélange d'ardeur et de bienveillance qui anime ceux qui ne sont pas, qui ne sont plus les premiers venus dans l'arène politique.

Henri Cuq était profondément républicain. Cette république n'était pas, pour lui, qu'un simple numéro, mais une façon d'accorder les passions humaines, lui qui n'en manquait pas. Il fut un pilier de votre Assemblée. Cette maison était la sienne parce qu'il en aimait l'atmosphère, celle qui règne dans cet hémicycle sacré, mais aussi celle qui règne dans ces couloirs, là où les amitiés se forgent, là aussi où les compromis se nouent.

Henri Cuq appréciait les confrontations raisonnées, les échanges d'arguments où chacun sort grandi d'avoir cherché le bien commun en défendant ses convictions.

De son oeil pétillant, il observait avec affection les jeux de notre démocratie. Il n'était dupe de rien, mais n'était cynique en rien. Il oeuvrait pour qu'à la fin des échanges les plus vifs, les hommes et les femmes de bonne volonté se retrouvent sur l'essentiel.

Entre 2004 et 2007, il occupa avec talent le poste de ministre des relations avec le Parlement. Dans les couloirs du palais Bourbon, il cherchait la conciliation sans ménager son énergie. Derrière sa fermeté jacobine, il y avait la finesse de l'élu expérimenté et enjôleur.

Au nom de la République et de l'intérêt général, Henri Cuq était un homme de discussion, de négociation, de consensus. Il était à l'écoute des républicains de tous les partis. Il excella dans sa charge ministérielle parce qu'elle lui convenait à merveille. Gaulliste dans l'âme, il y avait en lui cette part de radicalisme qui n'est pas étranger aux vertus chaleureuses des terres ariégeoises.

Henri Cuq incarnait l'héritage d'un humanisme politique. Respectueux de tous, il prisait le dialogue et la mesure. À ses yeux, tout conflit pouvait succomber aux attraits d'une bonne table et d'une conversation les yeux dans les yeux.

En Ariège d'abord, puis dans les Yvelines, la confiance de ses électeurs ne lui fit jamais défaut. Trente ans de vie politique lui avaient appris à connaître intimement la France et les Français. Au soir de son existence, il put contempler sans regret, avec le sentiment du devoir accompli, tout le travail qui avait été le sien, loin des lumières médiatiques, avec intégrité, avec dignité, avec fidélité à sa famille politique, fidélité surtout à notre pays. Nous nous souviendrons d'Henri Cuq. Nous nous souviendrons du patriote. Nous nous souviendrons du parlementaire. Nous nous souviendrons de l'enfant de la République qui en avait gravi les échelons en s'imposant par ses qualités humaines et en ne cessant de donner aux autres et d'apprendre des autres.

À Henri Cuq, j'exprime l'hommage reconnaissant du Gouvernement et de la République et je veux dire à son épouse, ses enfants et ses petits-enfants, ainsi qu'à tous ses proches, qu'ils peuvent être fiers de son parcours. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

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