La proposition de loi du président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer, qui vous est à nouveau soumise aujourd'hui, apporte une contribution importante à la mise en oeuvre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. En effet, elle entend tirer les conséquences de la consécration, à l'article 24 de la Constitution, de la fonction de contrôle du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques du Parlement.
Cette proposition de loi doit permettre la pleine application du nouvel article 47-2 de la Constitution en précisant les modalités d'assistance de la Cour des comptes dans l'évaluation des politiques publiques. Pour ce faire, elle modifie l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et le code des juridictions financières.
Telle qu'elle a été adoptée par l'Assemblée nationale, la proposition de loi donne tout d'abord aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation des politiques publiques les prérogatives conférées aux commissions d'enquête : les pouvoirs de convocation, de contrôle sur pièces et sur place ainsi que le droit de communication de tout document.
Le Sénat a estimé que l'octroi inconditionnel de tels pouvoirs aux instances permanentes de contrôle était une source de déséquilibre dès lors que les commissions permanentes ne disposent pas, de droit, de telles prérogatives. Elles ne peuvent, en effet, en bénéficier que sur autorisation de l'assemblée, pour une durée et dans un cadre déterminés. Le Sénat a donc appliqué aux instances de contrôle le régime prévu pour les commissions permanentes.
Votre commission des lois, à l'initiative de son rapporteur, M. Claude Goasguen, dont je tiens ici à saluer le remarquable travail et auquel j'associe M. Guy Geoffroy, a considéré que la condition posée par le Sénat constituait une limitation excessive des nouvelles prérogatives conférées aux instances permanentes de contrôle. Elle vous propose, en conséquence, de revenir au texte adopté par votre assemblée en première lecture.
Le Gouvernement approuve pleinement la démarche engagée en vue de renforcer les moyens de contrôle et d'évaluation du Parlement. À cet égard, la création du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, à votre initiative, monsieur le président, s'inscrit pleinement dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Proposée par le comité présidé par l'ancien Premier ministre, M. Édouard Balladur, la création d'un véritable comité d'audit parlementaire permettra sans aucun doute à l'Assemblée nationale d'exercer de la meilleure façon qui soit sa fonction de contrôle et d'évaluation.
La reconnaissance, unique en son genre, d'une compétence générale au comité d'évaluation et de contrôle, les attributions du comité comme sa composition, les délais qui lui sont imposés : tous ces éléments justifient sans aucun doute que les pouvoirs des commissions d'enquête puissent lui être octroyés de façon permanente.
En revanche, le bénéfice de tels pouvoirs ne paraît pas s'imposer avec évidence pour les autres instances permanentes de contrôle. Celles-ci remplissent déjà leur mission de façon remarquable sans avoir besoin de telles prérogatives, ce qui démontre bien que la détermination et l'implication des parlementaires sont plus importantes, pour l'exercice de la fonction de contrôle, que la détention de quelque pouvoir coercitif. Pour sa part, le Gouvernement entend répondre à toutes les demandes d'information. L'ordonnance du 17 novembre 1958 lui fait déjà obligation de communiquer aux délégations parlementaires les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
Il apparaît également au Gouvernement qu'il serait préjudiciable de banaliser le recours aux prérogatives exceptionnelles que constituent le pouvoir de convocation, celui de contrôler sur pièces et sur place, ainsi que le droit de communication de tout document de service. Une diffusion trop large de ces pouvoirs coercitifs serait de nature à mettre en cause le rôle des différentes instances parlementaires dans leur rapport avec le Gouvernement. Elle serait également de nature à fragiliser le dialogue constructif et équilibré qui existe aujourd'hui entre le pouvoir exécutif et les assemblées parlementaires.
La proposition de loi détermine, ensuite, les organes internes à chaque assemblée chargés de solliciter l'assistance de la Cour des comptes ainsi que les modalités de leurs demandes d'assistance. Le Sénat a souhaité prévoir une priorité de traitement par la Cour des comptes des demandes d'enquête formulées par les commissions des finances et celles des affaires sociales. Il a, en outre, précisé dans le texte que les demandes transmises par les présidents des deux assemblées ne pourront pas porter sur le suivi et le contrôle de l'exécution des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale, ni sur l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale.
Votre commission des lois a supprimé ces deux dispositions nouvelles en raison des difficultés d'interprétation et d'application qu'elles pouvaient poser. Le Gouvernement n'a évidemment pas d'appréciation à porter sur les modalités de l'assistance que la Cour des comptes peut apporter au Parlement dans l'évaluation des politiques publiques. Il tient simplement à souligner que la suppression de la seconde disposition ne saurait être interprétée comme une remise en cause de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009. Cette décision affirme, en effet, le monopole des commissions des finances et des affaires sociales pour « le suivi et le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale ».
Cette proposition de loi, telle qu'enrichie par les débats parlementaires, permettra indiscutablement de renforcer l'efficacité du travail parlementaire. Le texte qui pourra être voté en termes conformes par les deux assemblées contribuera à la revalorisation du Parlement dans le respect des équilibres constitutionnels. C'est la raison pour laquelle, vous l'aurez compris, le Gouvernement, attaché à la pleine mise en oeuvre de la révision constitutionnelle de 2008, est favorable à l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)