Je partage l'imparable constat de M. Muet. À dire vrai, je m'étonne que l'on trouve encore des candidats à la fonction de ministre du Budget. S'occuper des comptes publics doit être un calvaire, car ce que dit le ministre ne correspond pas à la réalité. Le budget reflète des choix économiques, et ceux qu'a faits le Gouvernement, loin d'améliorer notre situation, l'aggraveront et feront grossir le cortège du chômage et de la souffrance. Le Premier président de la Cour des comptes nous a dit, en fait, que toutes les déclarations du Gouvernement sur les caractéristiques conjoncturelles et structurelles du déficit n'étaient que balivernes. Il fallait que ce fût dit, et je n'ai entendu personne contester la Cour des comptes.
En vous écoutant, monsieur le ministre, on a le sentiment de revoir Le Dernier Empereur, ce film dans lequel Bernardo Bertolucci met en scène l'empereur de Chine Pu Yi, le seul à ne pas savoir que le régime qu'il incarne n'existe plus… Ce dont vous parlez, monsieur le ministre, n'est pas le réel – on verra demain, dans le pays, l'irruption du réel. Vous évoquez « le consensus des économistes ». Mais enfin ! Le consensus de ces économistes tout à leurs certitudes idéologiques qui sont aussi les vôtres débouche immanquablement sur des prévisions qui ne correspondent pas au réel. La capacité d'analyse de la crise manque à ces gens qui vivent grassement de leurs prévisions irréalistes et toujours démenties. Mais, puisque vous nous avez dit avoir confié une mission à l'inspection générale des finances « pour y voir un peu plus clair », nous voilà rassurés !
Il est deux domaines dans lesquels vous et surtout votre prédécesseur avez dépassé vos prévisions : qu'il s'agisse du nombre de postes supprimés ou de l'augmentation des niches fiscales, vous vous êtes surpassés – et les résultats sont là. Dans le cadre de la Milolf, M. Michel Bouvard, M. Thierry Carcenac et moi-même étions la semaine dernière en région. Nous avons entendu la complainte des grands commis de l'État, des argentiers qui, coincés comme ils le sont entre la LOLF et la RGPP, voient la situation se détériorer chaque jour. Au-delà de finances impossibles à gérer, le consensus social se délite dans nos départements. C'est très grave.
Enfin, vous vous êtes imprudemment engagé, monsieur le ministre, lors d'une de vos dernières interventions dans l'hémicycle, en parlant du système d'information Chorus. Nous avons maintenant la certitude que l'on nous a menti, que l'on vous a menti. Vous avez relayé des propos qui ne correspondent pas à la réalité. On peut former l'hypothèse que nous sommes à la veille d'un nouveau scandale d'État, qui coûtera trois à quatre fois ce qu'a coûté l'Imprimerie nationale. Que l'on en soit, comme nous l'ont dit de hauts fonctionnaires, obligé d'en revenir au papier pour tenir les comptes publics parce que le système Chorus est en panne devrait faire rougir de honte ceux qui osent dire que nous avançons.