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Intervention de Philippe Vuilque

Réunion du 23 juin 2010 à 21h30
Modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vuilque :

Très bien. Avouez néanmoins que, par rapport aux besoins, cette somme est relativement faible. Depuis 1991, les admissions à l'aide juridictionnelle – totale ou partielle – ont augmenté de 160 %. Le système actuel est notoirement insuffisant. En théorie, le principe est excellent. L'aide juridictionnelle –sorte de sécurité sociale judiciaire – s'applique à toutes les matières et permet d'obtenir un avocat gratuit, ou pas cher. Toutefois, les barèmes d'accès sont à revoir : moins de 916 euros de revenus pour être totalement pris en charge ; moins de 1 367 euros pour une prise en charge partielle. Ces plafonds laissent totalement de côté les justiciables qui ne sont pas totalement pauvres, mais qui sont tout sauf riches et ont un mal de chien à payer leur avocat.

Simple en principe, le système d'obtention de l'aide juridictionnelle n'est pas satisfaisant. Le justiciable doit déposer, au bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance, un dossier justifiant de ses revenus et charges – ce qui est bien normal –, avant de se voir notifier la décision et attribuer un avocat. Dans la pratique, c'est moins simple. Nombre de dossiers sont rejetés par manque de pièces qui s'avèrent souvent inutiles. Je songe à l'exemple d'une jeune femme majeure, sans aucun revenu, placée avant sa majorité, à qui l'on a demandé un avis de non-imposition qu'elle ne pouvait fournir, car elle était rattachée fiscalement à sa mère avec qui elle n'avait plus aucun contact. On l'a fait patienter pendant des mois.

S'ajoute à cela la longueur des délais : il faut compter six mois dans les grandes villes pour obtenir l'aide juridictionnelle. Pendant ce temps, le divorce, par exemple, n'avance pas ou mal, le justiciable ne comprend pas et l'avocat plaide quand même sans être sûr de l'aboutissement de la demande d'aide juridictionnelle. L'aide juridictionnelle devrait être prioritaire. Or ce n'est pas le cas, faute de moyens, faute d'une réelle politique d'aide, alors que la justice s'adresse plus souvent aux citoyens démunis qu'aux gens aisés.

Un autre problème concerne la rémunération de l'avocat. Dans le cadre de l'aide juridictionnelle, celui-ci n'est pas rémunéré mais indemnisé, et seulement à la toute fin de la procédure. Il ne perçoit donc pas de provision et avance tous les frais. La procédure peut être longue. Il ne touchera son indemnisation qu'en fin de mission, sans compter les délais et le passage par la CARPA. En pratique, pour pouvoir assurer la défense de ses clients à l'aide juridictionnelle, l'avocat doit faire payer ses autres clients. Ce système n'est évidemment pas satisfaisant.

Si nous ne revoyons pas l'indemnisation de l'avocat, nous continuerons d'avoir des avocats désignés plutôt inexpérimentés ou se bornant au minimum syndical. Cette situation est grave pour le justiciable et entraîne, de fait, une justice à deux vitesses qui n'est pas acceptable.

Soyons clairs : aujourd'hui, l'avocat qui accepte l'aide juridictionnelle accepte une mission de solidarité qui lui coûte de l'argent. Il paye pour travailler avec tout ce que cela peut engendrer soit de médiocrité, soit de difficultés, pour lui mais surtout pour le justiciable.

Nous devons réfléchir à l'évolution du dispositif, aux moyens qui sont mis à sa disposition, et donc à sa réforme. Les avocats s'en préoccupent d'ailleurs : le 25 juin, à Lille, ils organisent les états généraux de l'aide juridictionnelle. Il faudra nous inspirer de leurs travaux pour entreprendre cette réforme indispensable. Nous devrons aussi nous inspirer du rapport de M. Roland du Luart, présenté dans le cadre de la commission des finances du Sénat en octobre 2007 et qui a avancé diverses recommandations, ainsi que du rapport Darrois, qui propose notamment de mieux rétribuer les avocats.

L'aide juridictionnelle se situe au coeur de toute réforme destinée à moderniser et à humaniser le droit. Elle concerne donc au premier chef la réforme des professions du droit. Je crois savoir qu'à l'initiative de son président, la commission des lois va se saisir de ce sujet. J'espère, madame la ministre, que vous tiendrez compte de ses réflexions et de ses travaux dans un avenir proche.

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