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Intervention de Étienne Blanc

Réunion du 23 juin 2010 à 21h30
Modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Blanc :

Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, beaucoup ayant déjà été dit, je me contenterai de quelques brèves observations. Les textes qui nous sont soumis entendent répondre à trois objectifs : renforcer la sécurité juridique au profit des Français, simplifier les procédures – ce qui, eu égard à la complexité que chacun connaît, ne peut être qu'opportun – et moderniser l'exercice et les pratiques des professionnels du droit.

Deux exemples montreront que les objectifs poursuivis sont satisfaits par ces dispositions.

Le premier concerne la simplification du droit pour les huissiers de justice. Le monde dans lequel nous vivons est tout de même curieux : grâce à internet, l'information y circule rapidement, mais les procédures imposées aux huissiers pour signifier des actes, qui circulent librement de manière dématérialisée, sont devenues totalement désuètes. Ces textes apportent les simplifications attendues. Il est déjà compliqué d'obtenir un jugement, il est insupportable de ne pouvoir l'exécuter pour des raisons de procédure.

Vous avez d'autre part souhaité, madame la garde des sceaux, faire en sorte que les professionnels du droit français soient plus compétitifs, qu'ils puissent « régater » avec les cabinets européens ou américains qui sont leurs concurrents. En permettant aux sociétés d'avocats d'accueillir des avocats étrangers, en autorisant l'ouverture du capital, nous remplissons parfaitement cet objectif.

Au coeur de ces textes – à l'article 1er du projet de loi – figure l'acte d'avocat, qui a fait l'objet d'une discussion de fond. Que n'avons-nous pas entendu à ce sujet ? Il s'agirait d'un être juridique innommé, d'une création qui va déstabiliser le droit français. J'ai lu, comme certains d'entre vous, un opuscule qui explique que, la Chine s'étant inspirée du droit français et ayant transposé dans son droit positif les principes fondamentaux de l'acte authentique, nous allions déstabiliser le droit chinois. Nous avons même appris que la note AAA de la France en matière de sécurité financière et de garantie des paiements pourrait être compromise par l'acte d'avocat, car nous allions nous rapprocher du droit anglo-saxon et ébranler un édifice ancien hérité de Cambacérès, voire d'Henri IV.

Il n'y a rien de tout cela dans ce texte, qui se fonde au contraire sur un constat : les Français doivent aujourd'hui appliquer 8 000 lois et 400 000 décrets. Pour cela, ils ont recours à des conseils ou – de plus en plus souvent hélas – vont chercher sur internet des formules toutes faites ou, dans diverses publications, des formulaires qu'ils remplissent un peu à l'aveuglette et qui sont de véritables nids de contentieux. Pour remédier à cette situation, il est aujourd'hui proposé de créer l'acte contresigné par avocat. Il ne s'agit pas de créer un acte authentique bis, mais de renforcer l'acte sous seing privé, de lui donner plus de force et de permettre à ceux qui le rédigent d'être mieux reconnus, voire respectés.

Un avocat français me disait, lors d'une audition, qu'il était tout de même étonnant qu'il ne puisse pas signer un bail commercial qu'il a préparé avec un cabinet anglo-saxon, alors que l'avocat étranger qui a conseillé l'une des parties peut le faire. Tel est le problème de fond. Il s'agit de donner au droit français un outil juridique nouveau qui lui permettra de mieux relever les défis de la concurrence internationale. En signant l'acte, l'avocat attestera de la capacité à contracter des parties. Il attestera aussi, le cas échéant, de l'origine des fonds – on pourra dire qu'il l'a vérifiée. Il attestera de son rôle de conseil. Il attestera de l'identité des parties. L'acte ainsi contresigné aura une force probante renforcée et fera foi de son origine.

En quoi cela fragilise-t-il l'acte authentique ? L'activité des notaires reste ce qu'elle est. Aucun élément ne permet aujourd'hui de penser que l'acte sous signature d'avocat empiétera sur le champ d'activité des notaires. L'acte authentique sera d'ailleurs, dans notre droit, le seul acte qui conservera la force exécutoire, car il est revêtu de la formule exécutoire. Rappelons que, pour être exécuté, l'acte sous signature d'avocat devra être soumis au juge, qui pourra éventuellement lui donner une force exécutoire.

Je ne crois pas que cet être juridique nouveau qui surgit dans notre droit positif bouleversera le droit français. Il sera utile à une profession, mais il le sera surtout aux justiciables, aux utilisateurs du droit, aux Françaises et aux Français.

Permettez-moi de regretter qu'à l'occasion de ce débat on ait présenté ce projet, hérité de la commission Darrois, comme un sujet de conflit entre des professions. Nous ne sommes pas là pour favoriser telle ou telle profession. Nous sommes là, d'abord et avant tout, pour répondre aux besoins de sécurité juridique des Français. Dans un monde de plus en plus judiciarisé, elle leur est indispensable. L'acte sous signature d'avocat contribuera à la leur donner. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

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