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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 23 juin 2010 à 15h00
Rénovation du dialogue social et diverses dispositions relatives à la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Modernisation de la fonction publique, révision générale des politiques publiques et maintenant rénovation du dialogue social dans la fonction publique : à en croire les vocables employés, la fonction publique est au centre de vos préoccupations. Il est vrai qu'à vous entendre, on pourrait croire que, derrière tous ces mots et à la suite de chacune de vos annonces grandiloquentes, se bâtit une nouvelle ère, faite de dynamisme et de renouveau pour la fonction publique. Mais il ne faut pas se laisser prendre à la magie des mots : les faits sont malheureusement tout autres.

Il y a d'abord votre décision de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant en retraite, ce qui conduit à une réduction drastique et très préjudiciable de leurs effectifs, au détriment principalement du service public. Les effets de cette implacable politique comptable, totalement déconnectée de la réalité des besoins de la population, se font en effet sentir quotidiennement auprès de nos concitoyens, qui doivent à présent se contenter d'un service rendu de moindre qualité.

La semaine dernière, M. Éric Woerth se félicitait ici même d'avoir supprimé 100 000 postes de fonctionnaire depuis 2007. Le Gouvernement se louait d'avoir réalisé une économie de 500 millions d'euros par an, à laquelle s'ajoutent quelque 34 000 suppressions annoncées pour 2011. Économies budgétaires obligent, la rigueur s'impose. Mais est-il nécessaire de rappeler que le bouclier fiscal a coûté près de 578 millions d'euros à l'État en 2009 ? Une telle politique témoigne donc d'une rigueur de classe que nous n'avons de cesse de dénoncer. Politique de classe dont témoigne aussi l'indécence des propos du Président de la République, qui, le 20 mai dernier, a annoncé que le périmètre des économie s'étendrait aux niches fiscales et sociales. Assimiler le bouclier fiscal aux tickets restaurant n'effraie d'évidence pas notre Président de la République !

C'est dans cette même ligne que la fonction publique fait les frais d'options idéologiques dont le leitmotiv est l'injustice sociale. Au-delà de ce contexte global, le projet de loi portant rénovation du dialogue social dans la fonction publique avait pourtant bien commencé. Les 29 premiers articles auraient en effet pu constituer le tremplin d'un nouveau type de partenariat social. Ils laissaient croire que vous désiriez voir se développer une véritable culture de la négociation sur les conditions de travail dans le secteur public, des avancées importantes ayant été obtenues sur ce sujet par les organisations syndicales lors de la négociation des accords de Bercy. Ainsi, la généralisation de la logique de l'élection aux organisations syndicales de fonctionnaires, ou encore la création d'une instance de dialogue social commune aux trois fonctions publiques, constituent, par exemple, des progrès appréciables.

Vous auriez donc pu vous féliciter d'obtenir un large consensus sur les bancs de cet hémicycle. Or il n'en est rien, car ces avancées ne sauraient faire oublier les régressions importantes qui remettent en cause l'économie globale du projet de loi.

Tout d'abord, si le relevé des décisions des accords de Bercy évoquait une évolution du paritarisme, cette évolution s'est transformée en une suppression pure et simple du paritarisme. Outre que l'idée d'une rénovation du dialogue social dans la fonction publique est inconciliable avec la suppression de la parité dans les comités de débats, cette décision n'a évidemment pas été approuvée par les organisations syndicales.

La modernisation du dialogue social commence donc par un dialogue de sourds. En employant une méthode pour le moins cavalière, qui consiste à déposer des amendements au dernier moment afin qu'ils ne soient pas débattus démocratiquement, vous avez imposé, après l'article 30, des articles additionnels tout aussi contestables. Loin d'engager la refonte des grilles indiciaires, attendue par les agents pour tenir compte de l'évolution de leur fonction et de leurs responsabilités, l'un de ces amendements s'est limité à proposer une revalorisation du premier échelon du premier grade et la mise en place d'un GRAF, un grade à accès fonctionnel, après le deuxième grade. Mis à part le fait que cette revalorisation ne concerne qu'une infime partie des agents de catégorie A, les huit organisations syndicales représentatives des trois fonctions publiques ont déclaré au ministre que la création d'un GRAF ne répondait pas aux préoccupations des personnels. Ces organisations demandaient en effet une réelle négociation sur la refonte des catégories A, A +, pour l'ensemble de la fonction publique.

C'est selon la même méthode, le dépôt d'amendements portant articles additionnels après l'article 30, que le Gouvernement a souhaité étendre le principe d'intéressement collectif et individuel à l'ensemble de la fonction publique. Il s'agit, non de compenser une absence d'augmentation du traitement indiciaire par une prime perçue uniformément par tous les personnels d'un ministère, mais bien d'instaurer plus de concurrence entre les services et d'exclure certains personnels, sur la seule base d'une évaluation selon des critères plus ou moins objectifs.

Au nom du fameux « Travailler plus pour gagner plus », le Gouvernement s'engage donc vers une dégradation totale des conditions de travail des fonctionnaires. Les services sont de plus en plus démunis face à une demande croissante de la part du public en temps de crise. On le voit dans l'éducation nationale avec l'aggravation de l'échec scolaire et la multiplication des actes de violence, ou encore dans le secteur hospitalier, qui subit de violentes restructurations. S'agissant d'ailleurs de ce dernier secteur, on peut dire que le projet de loi n'y est pas allé de main morte ! Cette fois par lettre rectificative, vous avez fait le choix d'anticiper sur la réforme des retraites et sur le dossier de la pénibilité pour attaquer, encore, les droits des personnels des établissements publics de santé, remettant ainsi en cause leurs acquis en matière de retraite au nom d'une revalorisation qui leur est due et qui leur a été promise par le Président de la République.

Dans le titre II, intitulé « Disposition diverses relatives à la fonction publique », se trouve l'article 30, présenté comme la traduction législative du protocole d'accord du 2 février dernier – « négociations statutaires dans la fonction publique hospitalière » –, ce qui sous-entend que ce protocole a été validé par les syndicats. Or toutes les organisations représentatives, je dis bien toutes, se sont prononcées contre son volet salarial. Ce protocole n'a été signé dans son ensemble que par un seul syndicat, un supplétif pour ainsi dire, le Syndicat national des cadres hospitaliers, ultra-minoritaire et même quasi inexistant. En tant qu'invité, il a pris part au vote, vote qui, comme par hasard, est le seul dont vous tenez compte.

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