À l'origine, l'intitulé du projet de loi était « Rénovation du dialogue social dans la fonction publique », ce qui nous laissait espérer le mieux. Il était présenté comme la première étape de la mise en oeuvre des accords dits de Bercy, signés le 2 juin 2008 par six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique.
Malheureusement, nous avons eu le pire : une lettre rectificative – totalement hors sujet et dont vous n'avez absolument pas parlé, monsieur le secrétaire d'État – a ajouté un titre II intitulé « Dispositions diverses relatives à la fonction publique ». Ce titre sibyllin cachait, dans un seul article, des conséquences très lourdes. J'y reviendrai.
Lors de la discussion en première et unique lecture, le groupe SRC avait formulé deux objections principales pour s'opposer au projet.
D'abord, nous avons dénoncé la suppression du paritarisme dans la fonction publique territoriale, mesure revenant à un déni sinon à une dénaturation du dialogue social et non à sa rénovation ou son amélioration contrairement à ce que laissait entendre le titre. Ensuite, nous nous sommes opposés au passage en force, s'agissant de la retraite des infirmiers et personnels paramédicaux.
À ces deux points sont venues s'ajouter des dispositions inacceptables, relatives à la rémunération des fonctionnaires, que le Gouvernement a introduites à la dernière minute.
S'agissant du dialogue social, je n'ai cessé de dénoncer l'intention de rompre purement et simplement l'équilibre de la représentation paritaire, aussi bien au niveau local que dans les instances nationales.
Certes, il avait été question, lors de la négociation des accords de Bercy, de modifier les règles du paritarisme qui sont jugées parfois trop rigides pour permettre un bon dialogue, mais certainement pas de les supprimer totalement.
Cela n'a pas gêné le Gouvernement puisque son texte prévoit la suppression du paritarisme au sein des comités techniques, des conseils supérieurs des trois fonctions publiques, ainsi que dans l'instance commune à ces trois conseils supérieurs.
Or ce n'était ni l'esprit ni la lettre de ces accords dits de Bercy et auxquels vous vous référez régulièrement pour justifier votre mauvais coup.
Les comités techniques ont pour fonction de permettre des pourparlers entre les représentants du personnel et ceux de l'administration ou de la collectivité. Or un tel dialogue ne peut valablement s'instaurer que si les parties concernées sont représentées de façon plurielle et équitable. Si une seule d'entre elles peut prendre part au vote, la discussion devient purement formelle. Il ne s'agit plus alors que d'un semblant de démocratie.
La suppression du paritarisme conduira donc à un affaiblissement de la qualité des débats, voire à leur disparition. Il est paradoxal que, dans un texte relatif au dialogue social, le Gouvernement introduise des dispositions qui n'ont fait l'objet d'aucun accord et qu'il supprime un outil de régulation démocratique. Cela est d'autant plus injustifiable que ces mesures figurent dans un projet de loi dont l'une des dispositions principales est l'instauration des accords majoritaires.
Nos débats ont permis d'infléchir quelque peu le texte, en offrant à chaque collectivité territoriale la possibilité de maintenir le paritarisme dans les comités techniques. Le Sénat a introduit la même règle pour les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Cela n'est pas suffisant. Nous ne pouvons pas accepter un paritarisme à la carte, les représentants des employeurs de la fonction publique territoriale ne participant au vote que si une délibération le prévoit.
Je ne referai pas le débat, mais la suppression du paritarisme dans les instances consultatives de la fonction publique ne favorisera pas le dialogue social entre employeurs et fonctionnaires, notamment dans la fonction publique territoriale où le paritarisme est une réalité et même une nature, monsieur le maire de Draveil !
En effet, dans les collectivités territoriales, le dialogue social fonctionne correctement et il est de qualité. Or ce projet de loi constitue une défiance de l'État à l'égard des élus locaux. Il est en totale contradiction avec le pacte et avec les principes républicains. Il n'apporte pas la démonstration qu'il favorisera le fonctionnement des instances consultatives et qu'il permettra une amélioration de notre fonction publique et du service public.
Vous m'avez interpellé de la tribune, et je dois dire que vous avez été un très bon secrétaire d'État pendant les quelques secondes durant lesquelles vous avez répondu à une question que j'avais posée. (Sourires.)
Notre seconde objection concerne le passage en force, en ce qui concerne la retraite des infirmiers et personnels paramédicaux. L'article 30 conditionne le passage des infirmiers à la catégorie A, qui marquera la reconnaissance légitime du niveau licence de leur diplôme. Ce serait très bien s'il n'y était posé une condition : le renoncement au départ à la retraite à cinquante-cinq ans, les personnels en fonction pouvant exercer un droit d'option valable seulement six mois.
Ce dispositif a été introduit par le Gouvernement qui ne peut se prévaloir d'un accord avec les organisations syndicales pour justifier sa réforme, puisque toutes s'y sont opposées quand elles ont été consultées et quand les conseils supérieurs ont exprimé leur avis.
Pourquoi imposer ce troc scandaleux aux infirmiers ? Pourquoi traiter à part la situation de ces agents de la fonction publique hospitalière ou territoriale, au lieu de l'intégrer à la réforme des retraites qui doit être prochainement examinée par le Parlement ?
Cet article pose donc un problème fondamental et trois raisons nous ont amenés à nous y opposer et à demander sa suppression : le mépris affiché à l'égard des partenaires sociaux dont l'avis sollicité à la dernière minute a été ignoré ; l'inutilité de ces mesures à quelques mois d'une réforme globale des retraites ; la suppression de toute prise en compte de la pénibilité.
À l'issue du sommet social du 15 février dernier, le Président de la République – auquel vous ne manquez pas de vous référer régulièrement, monsieur le secrétaire d'État, comme tous les membres du Gouvernement – indiquait ne pas vouloir passer en force sur la question des retraites.
On voit ce qu'il reste de ces belles déclarations ! Cela augure particulièrement mal de la suite des discussions sur la réforme des retraites, telle qu'elle a été rendue publique la semaine dernière. Autant expliquer d'emblée que les consultations syndicales ne seront que de façade, qu'elles n'ont pas pour objectif de rechercher un accord mais seulement d'afficher un semblant de concertation.
À propos de ce débat sur les retraites, le groupe SRC a demandé la publicité des travaux des commissions. Refus de la majorité. Nous avons demandé une durée non limitée des débats. Refus de la majorité. C'est comme si cette dernière voulait faire passer le plus vite possible cette réforme que les Françaises et les Français rejettent dans leur grande majorité.
Le plus choquant dans ce texte est l'absence de prise en compte de la pénibilité du travail des infirmiers dans la définition des conditions de leur départ à la retraite. Je comprends que, dans ce système, ces personnels se sentent floués et mal aimés.
Sous couvert de permettre une meilleure reconnaissance du métier à travers la mise en place d'un recrutement à bac plus trois au moins, ce texte revient en réalité à le banaliser, à en nier certaines spécificités, au premier rang desquelles figure la pénibilité du travail accompli. En réalité, il poursuit d'autres desseins.
D'ailleurs, j'attire l'attention de la représentation nationale sur un fait : dans le cadre de la réforme des retraites, le dispositif annoncé pour tenir compte de la pénibilité de certains métiers doit s'appliquer au secteur privé mais pas aux fonctionnaires. Allez comprendre ! Le Gouvernement continue de faire comme si, a priori, les fonctionnaires étaient des nantis qui coûtent cher au contribuable, comme le disait un ancien Premier ministre, il y a quelques années.
Le Gouvernement devra expliquer en quoi cette différence de traitement rendra sa réforme juste et facilitera le rapprochement entre les secteurs public et privé. Il devra également s'expliquer sur la hausse de la cotisation vieillesse qu'il veut appliquer aux fonctionnaires. Une telle mesure reviendra à baisser leur pouvoir d'achat alors que le document d'orientation du Gouvernement écartait « toute solution qui baisserait le niveau de vie des Français. »
Au-delà de ces deux points principaux, l'introduction d'amendements gouvernementaux, au cours de notre examen en séance, est indigne des principes de dialogue social posés par le projet de loi. C'est une belle illustration, monsieur le secrétaire d'État, de votre conception du dialogue social, puisque l'intéressement collectif et le grade à accès fonctionnel ont été rejetés par les organisations syndicales !
Pour ma part, je persiste à penser que la valeur du point d'indice doit demeurer la composante centrale de la rémunération des agents. Vous avez annoncé l'ouverture de discussions sur le point d'indice à la fin de la semaine. Dont acte. J'espère que vous montrerez plus de compréhension et d'ouverture au dialogue que pour ce texte.
En attendant, vous ne faites que multiplier les mesures particulières, au détriment de la base indiciaire des salaires. Ces dispositifs ne sont pas compris dans le calcul des pensions de retraite et nous ne pouvons pas les accepter.
L'introduction du concept de productivité représente des risques pour le service public. En effet, la fonction publique diffère du secteur privé et ne doit pas, à ce titre, être soumise à des objectifs de productivité car l'intéressement collectif des fonctionnaires risque de conduire à mettre les personnels en concurrence et à produire des injustices et des tensions incompatibles avec la bonne organisation des services publics.
Le service public ne se réduit pas à des données quantifiables ; il ne repose pas sur la performance individuelle de ses agents, mais sur le sens que ceux-ci donnent à leur mission. À force d'insérer des articles additionnels abusifs, la volonté affichée de promouvoir le dialogue social est démentie. J'en veux pour preuve le passage en force sur la retraite des infirmiers et infirmières.
C'est pourquoi je doute fortement que ce texte préfigure l'avenir des discussions dans la fonction publique, comme l'annonce pourtant le Gouvernement. Les intentions cachées et les mesures que vous proposez, monsieur le secrétaire d'État, conduiront immanquablement à un simulacre de consultation des syndicats et des élus territoriaux, simulacre destiné à mieux les ignorer.
La traduction législative des accords de Bercy aurait pu, et même dû, constituer un moment privilégié pour conforter les fonctionnaires et les élus territoriaux, et assurer les bases d'un dialogue social rénové. Ce rendez-vous est malheureusement raté car vous avez instrumentalisé ce texte. Je le regrette, tant pour la fonction publique que pour l'avenir des services publics français, car la réforme en cours des collectivités territoriales et celle des retraites comportent également leur lot d'incertitude et d'inquiétude, ce qui viendra encore assombrir le tableau général.
Rien n'a donc véritablement changé, et aucune réponse n'a été apportée aux critiques que nous formulions. Dès lors, nous ne pouvons que voter contre le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)