Je partage l'analyse de M. Borloo. Le principe de précaution me semble éminemment nécessaire. Je l'avais d'ailleurs défendu au nom de l'UMP, à l'époque où je siégeais sur les bancs de l'Assemblée nationale. Il est également parfaitement fondé. En réalité, il y a un malentendu sur la notion juridique du principe de précaution et sur l'utilisation qui en est faite dans le grand public. C'est pourquoi je suis très heureuse que le président Accoyer ait décidé, avec l'Assemblée nationale, d'engager un débat pour faire connaître la vraie consistance du principe de précaution et faire en sorte qu'il ne soit plus invoqué dans tous les champs de la vie collective et à tout moment.
Le principe de précaution est parfaitement justifié s'il est invoqué conformément à ce que prévoit la charte de l'environnement, pour éviter des dommages graves et irréversibles à l'environnement lorsqu'il y a un doute sur l'innocuité d'une pratique ou d'un objet. Mais on ne peut pas l'appliquer dans tous les domaines de la vie collective. Si le principe de précaution impose des responsabilités aux pouvoirs publics, des militants associatifs ne peuvent pas s'en réclamer pour justifier leurs propres actions. Il n'appartient pas au milieu associatif de se substituer aux pouvoirs publics dans l'application du principe de précaution.
Ce principe doit nous permettre de réagir de manière proportionnée et provisoire, autrement dit d'agir intelligemment en l'absence de faits scientifiquement établis. Pour moi, il est évident que la première application du principe de précaution, c'est davantage de recherche, ce qui est l'une des réactions « provisoires et proportionnées » naturelles face à une incertitude scientifique. En faisant dériver le principe de précaution dans le langage courant, en l'invoquant dans des domaines où il n'a pas à s'appliquer, on contribue à affaiblir sa portée, à le fragiliser et à le décrédibiliser.
Selon le ministère de la recherche, sans recherche scientifique, le principe de précaution n'a pas de sens. Qui dit précaution dit risque ; s'il y a risque, c'est qu'il y a incertitude, et face à l'incertitude, il y a un devoir de recherche.
Mais attention à la tentation d'inverser la charge de la preuve, ce qui arrive très souvent. D'aucuns invoquent le principe de précaution en disant aux pouvoirs publics : « j'ai l'impression qu'il y a un risque, démontrez-moi qu'il n'y en a aucun ; si vous n'y arrivez pas, vous ne pouvez pas agir ». Agir de la sorte, c'est faire du sentiment d'inquiétude le moteur du principe de précaution. Or le principe de précaution ne repose pas sur la crainte ; la crainte ne doit pas être érigée en principe d'action publique.
S'agissant des OGM ou du clonage thérapeutique, par exemple, il faut se garder d'utiliser le principe de précaution pour faire peur. Sur les OGM, il existe des certitudes scientifiques, notamment une : les OGM n'existent pas en tant que catégorie. Chaque organisme qui subit une modification génétique pose ses propres questions, de la même manière que chaque médicament est une molécule différente. Cela signifie que chaque OGM nécessite ses propres études scientifiques. Et puisque nous importons, nous consommons des OGM, nous avons un devoir de recherche.
Sur le maïs Monsanto 810, nous avons invoqué la clause de sauvegarde parce qu'il y avait une incertitude sur les risques. De ce point de vue, nous avons fait une application saine du principe de sauvegarde. La précaution, c'est prendre ses responsabilités en présence d'une incertitude quant aux risques, ce n'est pas conclure d'une incertitude sur les risques qu'il faut arrêter la recherche, comme cela s'est passé à Colmar avec le fauchage de plants OGM expérimentaux. Ces plants avaient certes été mis en place dans le cadre d'une loi précédant celle sur les OGM, mais c'était au terme d'une très large concertation associant des sociologues, des agronomes et toute la population, qui ensemble ont décidé des mesures à prendre pour que l'expérimentation se déroule dans des conditions de risque minimal. Et malgré cela, les plants ont été fauchés.
De tels agissements doivent être considérés comme une rupture de contrat, en quelque sorte. La loi sur les OGM prévoit le maximum de mesures de précaution en application du principe de précaution, moyennant quoi les chercheurs doivent pouvoir chercher dans la sérénité. Un contrat moral, un contrat tacite a été passé entre la représentation nationale…