Je suis favorable à l'interdiction générale : dans ce domaine, c'est tout ou rien, puisque ce sont des principes qui sont en cause.
Trois problèmes se posent.
Le plus difficile est celui de l'effectivité et de l'applicabilité. Il serait en effet extrêmement grave que cette loi soit bafouée : il faut donc absolument anticiper les difficultés qui peuvent être rencontrées, à certaines heures et dans certains endroits.
Le deuxième est celui de la conformité à la Convention européenne des droits de l'homme.
Concernant le troisième, celui de la constitutionnalité, je suis moins inquiet que certains collègues. L'avis réservé du Conseil d'État s'explique parfaitement : le Conseil d'État prend position au vu de la jurisprudence – la sienne et celle du Conseil constitutionnel –, mais celle-ci s'élabore à partir de cas ; par conséquent, elle ne peut pas anticiper – puisque les arrêts de principe sont interdits en droit français. Il me semble donc qu'il ne faut pas avoir trop de craintes ; il y a dans notre bloc de constitutionnalité des principes sur lesquels peut s'appuyer cette interdiction générale et absolue : la dignité humaine, la fraternité, et aussi la confiance. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'inspire en effet largement des écrits des philosophes des Lumières, parmi lesquels le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau : pour vivre ensemble en société, il faut pouvoir se faire confiance, ce qui implique de pouvoir s'identifier et d'agir à visage découvert.
La suggestion faite par notre collègue Urvoas d'une saisine du Conseil constitutionnel par le Premier ministre me paraît bonne. Il ne faudrait pas rester dans l'incertitude jusqu'à ce qu'une question prioritaire de constitutionnalité soit posée et tranchée.