Il est temps de clore ce débat sur lequel nous nous sommes souvent opposés.
Il y a un consensus sur le fait qu'il n'y a aucune indulgence à avoir pour des pratiques qui ne sont pas des pratiques religieuses, mais bien des pratiques intégristes et extrémistes. En revanche, nous sommes pour notre part très réticents, voire opposés à une interdiction générale.
S'agissant de l'applicabilité, madame la ministre d'État, vous avez pris l'exemple d'un conducteur de bus dans un quartier difficile. Croyez-vous vraiment qu'il sera plus facile au policier de faire respecter l'interdiction dans la cité, 100 mètres plus loin ? Dans tous les cas, l'application sera très difficile. Ce n'est donc pas l'argument principal.
Le point essentiel est qu'en faisant le choix d'une interdiction générale, vous prenez un double risque juridique, par rapport à la Constitution et par rapport à la Convention européenne des droits de l'homme, qui est aussi le risque de faire un formidable cadeau aux extrémistes. Ce risque-là, nous ne voulons pas le prendre.
Par ailleurs, je poserai quatre questions.
La première porte sur les fondements juridiques. Vous dites que le principal d'entre eux est l'ordre public, mais le texte ne l'évoque pas ! J'ai bien compris que vous faisiez le pari que le Conseil constitutionnel adopterait la conception qu'a le Conseil d'État de l'ordre public social, mais pourquoi ne pas faire référence à l'ordre public tout court ? À l'inverse, vous dites que la dignité est plus fragile juridiquement – et j'en suis d'accord – mais vous l'évoquez dans l'article 4…
Ma deuxième question porte sur le risque constitutionnel. En matière de libertés, en effet, toute la tradition de notre droit veut que l'autorisation soit la règle, et l'interdiction l'exception. Dès lors, l'interdiction générale n'est-elle pas problématique ?
Troisième question : le risque de non-conformité à la Convention européenne des droits de l'homme. Dans l'arrêt Arslan, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie pour une interdiction générale de ce type ; et c'est précisément pour cette raison que le maire de Barcelone, qui l'avait envisagé dans un premier temps, ne prend pas le risque d'une interdiction générale.
Ma dernière question est d'un autre ordre. Les femmes qui portent le voile intégral sont d'abord des victimes, que ce soit d'une idéologie ou d'une personne. L'amende ne devrait-elle pas être infligée seulement après un stage de citoyenneté ou une médiation sociale, en cas de récidive ?