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Intervention de Claude Bodin

Réunion du 17 juin 2010 à 9h30
Accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales ou privées — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bodin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi émanant du groupe socialiste du Sénat a le mérite d'ouvrir un débat sur la pertinence du maintien dans notre droit positif de règles qui imposent d'être ressortissant français ou communautaire pour accéder à certaines professions libérales.

De toute évidence, ce texte pose la question de notre politique d'immigration professionnelle, et la démarche est intéressante. Il existe en effet de nombreuses professions dont l'accès est difficile ou impossible aux étrangers. Deux niveaux de restriction peuvent être distingués dans le droit actuel : la condition de nationalité et la condition de qualification.

La condition de nationalité est celle dont l'effet est le plus direct sur l'accès à certaines professions. Le plus souvent, les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen n'y sont pas soumis. Notre législation ainsi que plusieurs dispositions réglementaires comportent actuellement des restrictions à raison de la nationalité pour une quarantaine de professions libérales ou privées, dont une dizaine restent soumises à une condition de nationalité uniquement française.

Les emplois fermés aux étrangers se dénombrent avant tout dans le secteur public. Les postes de titulaire dans les trois fonctions publiques – d'État, hospitalière et territoriale – sont interdits aux étrangers non communautaires et représentent près de 5,2 millions d'emplois. Dans les faits, les règles sont souvent contournées. Ainsi, des étrangers non communautaires exercent également au sein des fonctions publiques, par exemple des enseignants ou des médecins ayant un statut de contractuel. Quant aux professions libérales, leurs statuts contiennent le plus souvent des procédures permettant d'admettre, au cas par cas, des étrangers non communautaires au sein de l'ordre concerné.

S'agissant de la condition de diplôme et de formation, la réglementation européenne invite désormais, en vertu de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, à reconnaître comme ayant une valeur équivalente à celle des diplômes nationaux les diplômes des ressortissants communautaires délivrés par les universités de leur pays d'origine et à leur assurer la liberté d'exercice de la fonction à laquelle leur diplôme ouvre droit.

À l'extérieur de l'Union européenne, l'exigence d'un diplôme français ou communautaire peut, dans certains cas, être atténuée par des procédures de vérification des connaissances acquises. Le passage devant une commission ad hoc chargée d'examiner chaque demande individuelle est alors la procédure habituelle.

La présente proposition de loi – qui a été adoptée par le Sénat avec de substantielles modifications par rapport au texte d'origine – maintient les conditions d'accès aux professions concernées tenant à la qualification, mais vise à assouplir les conditions de nationalité posées pour l'exercice de sept professions : quatre relèvent du secteur médical ou paramédical – médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et vétérinaires –, les trois autres étant les géomètres-experts, les architectes et les experts-comptables.

Le groupe UMP est sensible à la nécessité de promouvoir dans toute la mesure du possible l'intégration des immigrés par le travail, qui constitue, nous le savons, le vecteur le plus puissant d'insertion dans la société. Il peut donc paraître légitime de s'interroger sur la suppression des conditions de nationalité qui subsistent encore dans certains domaines de notre droit et restreignent l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales, en particulier lorsque les travailleurs concernés ont fait leurs études en France.

Toutefois, cette proposition de loi aurait dû s'accompagner d'études d'impact plus détaillées, permettant d'en mieux mesurer la portée. Nous sommes actuellement dans l'impossibilité d'évaluer les conséquences exactes de son adoption et c'est la raison pour laquelle la commission des lois a décidé de rejeter ce texte. Avant toute chose, il serait préférable de procéder à une évaluation prospective préalable de nos besoins dans les différents secteurs d'activité concernés. Si nous voulons faciliter l'accès des étrangers non communautaires aux professions libérales réglementées, il nous faut inscrire notre démarche dans une politique d'immigration d'ensemble, fondée sur des évaluations à court, moyen et long terme de nos besoins de main-d'oeuvre et de nos capacités d'accueil, en concertation avec les pays d'émigration.

Cette politique doit être en rapport étroit avec les besoins et les capacités d'accueil de notre pays. C'est la condition d'une bonne intégration et d'une bonne insertion dans l'emploi. Elle doit tenir compte de l'intérêt de la France, certes, mais aussi de celui des pays d'origine. Ainsi, nous devons veiller à ne pas gêner leur développement en favorisant ce que l'on appelle la « fuite des cerveaux ». Les personnes étrangères qui ont effectué leurs études en France, avec le soutien financier de leur pays d'origine, doivent faire profiter celui-ci des connaissances et de la formation qu'ils ont acquises dans notre pays. Je suis à cet égard très étonné que nos collègues de gauche, qui prônent l'aide au développement, soutiennent un texte qui peut aller à l'encontre du développement de certains pays.

Pour être comprise et acceptée par nos concitoyens et être conforme à l'intérêt général, la politique d'immigration de la nation doit être équilibrée. C'est tout le sens de la notion d'immigration choisie que le Gouvernement met en oeuvre, sous l'impulsion du Président de la République.

Parmi les nombreuses réserves émises lors de l'examen de ce texte en commission des lois, l'absence de condition de réciprocité a par ailleurs été plusieurs fois évoquée.

Le groupe UMP estime donc préférable que nous reportions l'examen de cette proposition de loi, quel que soit l'intérêt de son contenu, afin de travailler préalablement avec des membres de la majorité à l'élaboration d'un texte cohérent, dont chaque disposition aura été étudiée avec soin. Nous ne souhaitons pas examiner à la va-vite des dispositions d'une grande approximation, qui ont des conséquences importantes sur la fonction publique et sur certaines professions libérales.

En conséquence, le groupe UMP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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