La distorsion qui subsiste à l'égard des étrangers en situation régulière pose une question de principe et représente un enjeu d'intégration. En effet, les étrangers sont cantonnés à des statuts de contractuels précaires, alors même que, bien souvent, ils remplissent des fonctions similaires à celles exercées par les nationaux et les Européens sous statut.
Une évolution apparaît d'autant plus souhaitable que, dans le secteur public, les choses ont sensiblement évolué depuis 1999. En décembre 2002, il y a déjà huit ans, la RATP a unilatéralement aboli la condition de nationalité qui présidait à ses recrutements. Résultat : alors que les étrangers non communautaires représentaient 1 % des recrutements de l'entreprise en 2003, cette proportion a dépassé les 5 % en 2009. Ne menons pas des combats d'arrière-garde !
Toutefois, il convient d'admettre que l'exemplarité de la RATP n'est pas la règle générale dans le secteur public. À cet égard – et cela relève de votre responsabilité, monsieur Novelli – la SNCF constitue l'un des derniers bastions publics des emplois pleinement statutaires fermés aux étrangers. Il apparaît hautement souhaitable qu'un changement puisse intervenir sur ce point, ce à quoi ne semblent opposées ni la direction, ni les principales organisations syndicales de l'entreprise. C'est en tout cas ce qui ressort des auditions que j'ai pu mener.
Fort de ces constats, j'avais déposé des amendements en commission des lois visant à améliorer le contenu de la proposition de loi. Ils étaient notamment liés à des évolutions intervenues entre-temps du fait du Gouvernement lui-même, telle l'adoption de la loi HPST du 21 juillet 2009. J'avais aussi déposé des amendements ayant pour ambition d'élargir le champ d'application du texte.
La majorité a décidé d'y opposer une fin de non-recevoir globale ; c'est assez regrettable. Regrettable d'abord quant au fond de ce nous proposons, et j'inclus dans ce « nous » les sénateurs de la majorité qui s'y étaient associés. Regrettable également car j'ai la faiblesse de penser que si les mêmes propositions que celles votées au Sénat avaient été présentées par un député de la majorité, elles auraient pu avoir un avenir meilleur en commission.
Il nous reste donc, ce n'est pas rien, ce débat dans l'hémicycle pour faire avancer le sujet et ne pas donner, une fois de plus, l'image d'une France crispée et repliée sur elle-même, voyant tout étranger comme un problème plutôt que comme un atout permettant à l'ensemble du pays de progresser.
En effet, je crois que ce débat mérite mieux que les échanges que nous avons eus jusqu'à présent. Le Sénat, en première lecture, a fait un travail de qualité, de sorte que notre assemblée est appelée aujourd'hui à se prononcer sur des dispositions pertinentes. S'il n'est pas possible de nous rejoindre sur l'ensemble des amendements, il me semble que nous pourrions au moins nous entendre sur les dispositions adoptées par les sénateurs, dont les professions concernées se satisfont : je tiens à le préciser.
Cela montrerait non seulement que notre assemblée est capable de s'accorder sur une question importante pour l'intégration des étrangers en France, mais aussi que la journée d'initiative parlementaire réservée à l'opposition peut avoir une quelconque utilité, au-delà de l'affichage médiatique d'une ouverture.
Ce message aurait aussi un intérêt dans les quartiers populaires où vivent de nombreux résidents étrangers, mais aussi beaucoup de citoyens français nés de parents étrangers. Ils connaissent les uns comme les autres des discriminations liées à leur couleur de peau, à leur religion réelle ou supposée, à leur sexe, et même parfois à leur adresse, et ce quelle que soit leur nationalité. Cette avancée aurait ainsi une valeur d'exemplarité pour les enfants français de parents étrangers, qui verraient les compétences de ces derniers pleinement reconnues.
Enfin, je sais, comme nous tous ici, que la République exemplaire à laquelle s'était engagé Nicolas Sarkozy va se traduire par la disparition de fait d'autorités indépendantes : je veux parler de la HALDE, du Défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.