C'est un point important, qu'il faut garder à l'esprit.
Ce que j'avais rappelé devant le Sénat, je le réaffirme devant vous : la politique d'immigration de notre pays doit être équilibrée. Or l'un des éléments majeurs de cet équilibre, c'est la prise en compte, au même titre que les capacités d'accueil de notre pays et ses besoins en main-d'oeuvre qualifiée, de l'intérêt des pays d'origine. Respecter les besoins en main-d'oeuvre très qualifiée des pays d'émigration paraît indispensable pour assurer leur développement. Sans cette prise en compte, la notion même de développement solidaire resterait lettre morte.
Le ministre Brice Hortefeux, lorsqu'il était en charge de cette politique, a mené une politique d'accords bilatéraux de gestion concertée entre la France et nombre de pays d'émigration, accords qui ont vocation à satisfaire les besoins des deux parties : la formation de leurs étudiants est assurée par la France mais destinée à ce que ces étudiants formés puissent exercer leur métier dans leur pays d'origine. L'ensemble de ces accords apparaissent exemplaires.
Par ailleurs, et surtout, aucune étude d'impact préalable permettant d'apprécier la portée de la proposition de loi n'a été réalisée. Votre rapport, monsieur le rapporteur, est certes très intéressant, mais une étude d'impact aurait dû être conduite préalablement pour nous permettre d'apprécier cette proposition de loi. Compte tenu des implications potentielles d'une telle évolution, il conviendrait en effet de disposer d'évaluations précises des besoins de main-d'oeuvre dans les professions concernées par ce texte sur les territoires français et dans les pays d'émigration.
Il paraît difficile de faire évoluer la législation sur ces sujets, potentiellement lourds de conséquences pour les professionnels concernés, sans envisager les impacts économiques et sociaux qui en résulteraient. Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, la nécessaire préservation de l'équilibre entre l'intérêt de notre pays et celui des pays d'émigration doit aussi guider la réflexion du législateur.
J'en viens aux amendements déposés sur ce texte, qui visent à étendre cette proposition, initialement consacrée à quelques professions libérales réglementées, à d'autres activités de service, comme celles des entreprises exploitant un débit de boissons à consommer sur place ou des entreprises de pompes funèbres, ainsi qu'à la fonction publique.
Comme le rapporteur l'a rappelé dans son rapport, la liste des professions pour lesquelles l'accès demeure subordonné à des conditions de nationalité est encore importante. Cette liste, parce qu'elle est importante, nécessite un examen au cas par cas afin de vérifier que les conditions qui ont, à un moment donné, justifié une restriction ont suffisamment évolué pour proposer d'abandonner cette restriction.
Pour certaines professions, la loi exige – je m'y arrête un instant pour vous faire toucher du doigt certaines difficultés pouvant survenir faute d'une analyse approfondie – que les antécédents pénaux du professionnel souhaitant exercer soient connus. Or il est évident que tous les pays extracommunautaires n'offrent pas les mêmes garanties en matière de capacité à fournir les éléments d'antécédents pénaux de leurs ressortissants. Ce n'est pas leur faire injure que de le reconnaître. Si nous devions renoncer à cette condition, cela conduirait à une pénalisation à rebours des communautaires et en particulier de nos compatriotes, dont les antécédents pénaux sont connus.
De même, il est parfois légitime de maintenir des conditions de réciprocité pour garantir un traitement non discriminatoire à nos propres ressortissants. À défaut de cette réciprocité, nos ressortissants seraient défavorisés dans les pays d'émigration en question.
Cet exemple, parmi d'autres, illustre le fait que les conséquences d'une ouverture doivent être bien appréhendées avant d'ajouter de nouvelles professions ou de nouvelles activités à la liste résultant de cette proposition de loi.
C'est la raison pour laquelle, dans un souci de pragmatisme, le Gouvernement s'en tiendra à la position qu'il avait adoptée en février 2009, lors de l'examen de la proposition de loi par la Haute assemblée, en s'en remettant à la sagesse des parlementaires. À ce stade de la réflexion, il émettra un avis défavorable sur les amendements visant à élargir le champ d'application du texte.
J'ai bien conscience que cette position ne satisfera pas les auteurs de la proposition de loi, mais je voudrais attirer leur attention sur le point suivant : en l'absence d'études prospectives, nous pourrions déclencher un appel d'air d'étrangers venant faire des études en France dans le but principal de s'y installer. Cela doit être mis en regard tant de la situation de notre marché de l'emploi que des besoins correspondants dans les pays d'origine.