Je me réjouis de cette audition, car l'occasion nous est trop peu donnée à l'Assemblée nationale de débattre des problèmes d'éducation. Je remercie le Président Picq pour la présentation de son rapport, dont je partage l'essentiel des conclusions.
Je suis actuellement chargé par le Premier ministre d'une mission sur la direction et la gouvernance des écoles du premier degré. Votre rapport de novembre 2008 soulignait déjà la non-application, faute de décret, d'un article de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui permettait de créer, à titre expérimental, des établissements publics d'enseignement primaire (EPEP). C'est pourquoi nous ne disposons malheureusement d'aucune expérimentation permettant d'évaluer l'opportunité d'approfondir cette piste. La mission que je conduis a pour objet d'analyser les moyens de faire évoluer le statut des directeurs et celui des écoles et d'envisager à l'avenir des écoles du socle commun, qui sont comme l'aboutissement de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école de 2005, dont je fus le rapporteur. Vous avez évoqué les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) dont j'ai pu constater, sur le terrain, qu'on a du mal à les intégrer aux pratiques quotidiennes.
Quid de l'école maternelle ? Vingt ans après leur définition par la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, dite « loi Jospin », on prend conscience de la pertinence des cycles qui sont pourtant très peu utilisés dans la pratique. Vous avez évoqué le redoublement dont vous avez mentionné à juste titre le coût colossal et l'efficacité très faible. Le cycle des apprentissages fondamentaux devrait permettre d'établir un lien entre l'école maternelle et l'école élémentaire mais force est de constater que cette approche en termes de cycles, qui a le mérite de prendre en considération les décalages d'apprentissage entre les enfants dus aux différences de maturité, a du mal à se traduire sur le terrain. Je souhaiterais connaître votre point de vue sur ces sujets.
Je constate aussi sur le terrain une très forte résistance à la notion de hiérarchie. Il y a une perception erronée de la fonction de directeur d'école chez les parents d'élèves, les élus locaux et même les parlementaires qui ne se rendent pas compte que le directeur d'école, dont la mission est clairement définie par un décret de février 1989, a d'importantes responsabilités mais n'a pas le pouvoir de piloter son école comme il l'entend. Les enseignants n'acceptent pas que le directeur d'école devienne un supérieur hiérarchique aux responsabilités redéfinies par rapport à celles des inspecteurs d'académie et des inspecteurs de l'éducation nationale. Comment expliquez-vous cette situation ? Comment peut-on faire accepter à l'école primaire un supérieur hiérarchique qui soit à même d'imposer son autorité et d'assumer pleinement son rôle pédagogique de pilote du projet d'école ?
Dans votre rapport de 2010, vous relevez que « les moyens d'enseignement restent répartis comme si l'offre scolaire devait être uniforme sur tout le territoire ». Je pense en effet que la répartition de la dépense publique n'est pas adaptée aux situations locales et que l'effort n'est pas suffisant dans les zones en grande difficulté.
S'agissant du second degré, je constate que nous n'avons plus que des enseignants spécialistes. Il y a une vingtaine d'années, il y avait des professeurs d'enseignement général de collège (PEGC) qui étaient bivalents, ce qui facilitait l'établissement des emplois du temps par les chefs d'établissements. Aujourd'hui, il n'y a plus que des spécialistes qui occupent de plus en plus des « postes chaînés » consistant à enseigner sur plusieurs établissements. Ces enseignants ont par conséquent du mal à se sentir impliqués dans ces établissements, ce qui nuit à l'efficacité globale de l'enseignement.