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Intervention de Martine Martinel

Réunion du 16 juin 2010 à 21h30
Lutte contre l'absentéisme scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Martinel :

…comme l'a souligné Frédéric Reiss, personne, c'est une évidence, n'a envie de baisser les bras devant l'absentéisme. Cependant votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, veut pointer des coupables : de mauvais parents, qu'il faut punir en leur supprimant les allocations familiales s'ils ne font pas amende honorable.

À titre personnel, et comme l'ensemble des membres du groupe SRC, je voterai contre cette proposition de loi qui, à grand fracas et dans l'urgence, comme l'a indiqué l'un des orateurs précédents, ressuscite un dispositif datant de 1966, abrogé par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance : il était inefficace et inéquitable, comme l'ont notamment montré les conclusions du rapporteur Machard, alors délégué interministériel à la famille. Ce système ne touche que les allocataires, alors que tous les parents ont des obligations légales.

Il est dommage que M. Lachaud nous ait quittés – je ne pense pas que ce soit définitif (Rires) – car, en 2003, c'est lui qui faisait cette déclaration, que l'on peut lire au Journal officiel : « La suspension des prestations familiales s'est révélée injuste et inefficace. »

Cette proposition de loi très manichéenne – les bons parents d'un côté, les mauvais parents de l'autre – ne peut apporter de solution au problème de l'absentéisme. Sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, l'échec est prévisible puisque le Gouvernement se refuse à analyser les causes.

Or l'absentéisme, comme M. Picq nous l'a encore expliqué cet après-midi lors de son audition portant sur le rapport de la Cour des comptes, est un puissant révélateur des inégalités du système éducatif français. Il recouvre une multitude de situations : certains ont un problème d'orientation ; certains ont besoin de gagner de l'argent en travaillant ; certains subissent des violences, du racket, etc. Je ne vais pas répéter ce que mes collègues ont très bien dit.

Un élève absentéiste a le plus souvent une longue histoire derrière lui, faite de difficultés de compréhension, de retards accumulés, de démotivation. L'absentéisme débute au collège et explose au lycée, mais c'est dès l'école primaire que se créent des écarts difficilement réversibles. Selon le Haut conseil de l'éducation, ces élèves sont « condamnés à une scolarité difficile au collège et à une poursuite d'études incertaine au-delà ».

Si l'on veut bien examiner les faits, on verra que l'absentéisme concerne surtout l'enseignement professionnel. Or nous savons tous que c'est là que se concentrent les élèves ayant connu de grandes difficultés au collège et ayant été orientés par défaut. Cela montre, encore une fois, que l'absentéisme est un effet et non une cause ; il faut donc le traiter en amont.

Il existe pourtant en France, monsieur le ministre, des mesures de prévention précoce, dès le périscolaire et le primaire, et, plus généralement, des mesures de soutien à la fonction parentale et des mesures de médiation scolaire. Si elles suivent une méthodologie minimale, elles s'avèrent efficaces, simples à mettre en oeuvre et peu coûteuses.

Ainsi, comme cela a déjà été rappelé, trente-sept collèges ont expérimenté au cours de l'année scolaire 2008-2009 la « mallette des parents », projet conçu pour consolider le lien entre le collège et les parents d'élèves volontaires. Ce dispositif peu coûteux s'est avéré assez satisfaisant. Les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents, mis en place depuis 1999, soutiennent et coordonnent les différentes initiatives professionnelles et bénévoles. Depuis 2005, les universités populaires des parents ont fait naître des débats locaux entre parents, élus et professionnels, ainsi que des projets de coopération.

Ces dispositifs semblent donc faire leurs preuves, et mériteraient qu'on leur porte plus d'attention dans le débat actuel : à défaut d'être spectaculaires et médiatiques, ils sont tout simplement efficaces et justes.

Aussi, avant de rétablir un dispositif abrogé il y a quelques années seulement avec l'accord du ministre Luc Ferry, aurait-il fallu se demander pourquoi il n'était plus mis en oeuvre. La suppression des allocations familiales ne permettait pas de réduire l'absentéisme, et elle ne le permettra pas à l'avenir : cette sanction sera sans effets sur certaines familles, et pour d'autres elle ne fera qu'aggraver la situation de parents souvent dépassés, mais en aucun cas démissionnaires. De plus, les allocations familiales ne représentent qu'une infime partie des ressources des familles nanties : cette sanction ne pénalisera donc en réalité que les plus démunis.

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