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Intervention de Martine Faure

Réunion du 16 juin 2010 à 21h30
Lutte contre l'absentéisme scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Faure :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'absentéisme scolaire est une plaie qu'il faut absolument guérir. Je pense que nous en sommes tous d'accord. Mais comment y parvenir ? C'est l'analyse des causes et la recherche du traitement qui font apparaître les divergences, au-delà des clichés et des accusations de laxisme.

Certains éléments de l'exposé des motifs auraient pu nous donner quelques motifs d'espérer, monsieur le rapporteur ; mais ce n'était qu'un écran de fumée, destiné à dissimuler l'union entre la logique comptable et la méthode répressive. Nous le regrettons.

On ne punira pas directement les enfants, mais on s'en prendra à leurs parents : impossible de se défaire de cette bonne vieille nostalgie du châtiment qui, expulsée par la porte, revient par la fenêtre, parce qu'il faut toujours des coupables : coupables, les parents dépassés, impuissants, malheureux ; coupables, les mères accablées de charges et de soucis qui élèvent seules leurs enfants ; coupables, les pères au chômage, dévalorisés, qui perdent peu à peu toute autorité.

Comme si cela ne suffisait pas, la loi va ajouter à leur détresse et leur infliger une peine supplémentaire, parce que l'on a choisi de traiter les effets sans se préoccuper des causes. Cependant cette violence faite aux adultes rejaillira sur les enfants, que l'on rendra nécessairement responsable du surcroît de difficultés financières que connaîtra la famille.

Il y a quelque chose d'indécent dans cette proposition qui subordonne l'attribution des allocations familiales à l'assiduité des enfants, comme si l'argent était un moteur plus puissant que le désir d'assurer l'avenir d'un enfant.

L'école n'est pas un privilège ; elle est un droit formidable dont tout enfant doit profiter au maximum pour devenir une femme, un homme, un citoyen. C'est la porte grande ouverte sur le futur, le passeport pour l'avenir.

Cette loi est inutile. Elle ne servirait qu'à mettre en place un outil de plus après la mallette des parents, le médiateur de la réussite scolaire, le contrat de responsabilité parentale et bien d'autres dispositifs qui n'ont pas donné les résultats attendus.

Si les dispositifs existent bel et bien, les moyens véritables font défaut. C'est à l'école que doivent être redonnés les moyens de traiter l'absentéisme scolaire.

Cette loi est injuste car elle contribue à stigmatiser les familles les plus modestes, à précariser les plus fragiles. Il faut chercher les véritables causes et se demander pourquoi il y a, en France, deux millions d'enfants pauvres.

Cette loi est injuste car ses auteurs se donnent bonne conscience en rejetant la responsabilité sur les parents. Elle déplace le problème du collectif vers l'individuel alors que c'est l'ensemble du système éducatif qui est en danger et que c'est son affaiblissement qui génère l'absentéisme.

Pour lutter efficacement contre l'absentéisme, il faut chercher des solutions, pas des sanctions. Cela implique de redonner tout son sens à l'enseignement scolaire et de réveiller l'envie d'école. Cela passe par l'élaboration d'une charte de qualité pour des écoles, des collèges et des lycées accueillants, qui deviendraient les maisons des élèves. Il faut des enseignants en nombre suffisant, motivés, formés, mieux payés et un véritable statut pour les directeurs d'école déchargés d'enseignement afin d'avoir davantage de temps à consacrer aux familles et à la vie dans l'école. Ce sont encore des projets d'établissement susceptibles d'éveiller et de retenir l'attention de tous les élèves en dehors des écoles, des contrats éducatifs locaux dotés de véritables moyens, des travailleurs sociaux en nombre suffisant, des horaires professionnels aménagés pour les parents, un emploi pour chaque parent, un environnement attrayant pour tous les jeunes avec des aires de jeux, des lieux d'expression artistique et culturelle en grand nombre, toutes choses susceptibles de réduire la misère au lieu de l'aggraver.

Oui, nous voulons lutter contre l'absentéisme, mais la lutte contre l'absentéisme scolaire ne peut pas rimer, comme vous l'imaginez, monsieur le rapporteur, avec suppression, répression, sanction et démolition du service public…

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