Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, l'absentéisme scolaire n'est pas une nouveauté.
Lorsque la France était encore essentiellement rurale, à une époque qui n'est pas si lointaine, aux périodes importantes de la vie paysanne – foins, moissons, vendanges – étaient toujours associés les enfants de la famille qui, à cette occasion, rataient parfois l'école. Cependant l'école, souvent, s'adaptait à ces grands rendez-vous. Certains croyaient pouvoir continuer à faire travailler les enfants, imaginant qu'ils échapperaient ainsi à la scolarisation obligatoire en vigueur dans notre pays.
Les lois Jules Ferry de 1881 et 1882 instituèrent une école publique, gratuite, laïque et obligatoire. L'article 8 de la loi du 28 mars 1882 rendit obligatoire l'inscription préalable de tous les enfants d'âge scolaire sur une liste qui devait être tenue à jour : déjà, on surveillait la fréquentation de l'école.
En France, l'absentéisme existe ainsi depuis plus de cent trente ans : il est apparu en même temps que la scolarité obligatoire. Les moyens d'y remédier sont tout aussi anciens mais, jusqu'à présent, tout aussi inefficaces. La pénalisation par l'édiction d'une infraction pénale y figure du reste, même s'il s'agit – il faut bien relativiser – d'une contravention.
Dès 1896, Léon Bourgeois parlait de contrôle des irrégularités et d'assistance des nécessiteux ; déjà le juge de paix, supprimé en 1959, tentait de convaincre les parents d'envoyer leurs enfants à l'école. Le lien entre obligation scolaire et allocations familiales est établi peu après la loi Landry du 11 mars 1932, notamment dans l'ordonnance du 6 janvier 1959, qui subordonnait à l'assiduité le versement des prestations familiales.
Il n'y a donc rien de nouveau sous le soleil, et je comprends mal que cette question soit source de discorde politique, comme s'il s'agissait d'une découverte et que les moyens de la traiter relevaient d'une sorte de crime de lèse-majesté.
Il faut aujourd'hui comprendre que l'augmentation régulière de l'absentéisme scolaire est particulièrement préoccupante. La société a changé. L'absentéisme s'aggrave et touche des élèves de plus en plus jeunes. En moyenne, 7 % de nos jeunes élèves ne sont pas sur les bancs de l'école, mais livrés à eux-mêmes, et viennent grossir les rangs des quelque 150 000 enfants qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification.
De l'école primaire au lycée professionnel, 300 000 jeunes sont absents plus de quatre demi-journées par mois : cela représente la population d'une ville comme Nantes. Les chiffres sont alarmants. Le taux d'absentéisme a augmenté de deux points depuis l'année scolaire 2006-2007.
À une époque où même la possession d'un diplôme ne garantit pas l'entrée dans la vie active, nous imaginons sans peine les difficultés auxquelles ces jeunes seront confrontés lorsqu'il s'agira d'assurer leur avenir. Pire encore, nous connaissons tous les conséquences de leur oisiveté et de leur absence d'encadrement. Sans vouloir les stigmatiser, on peut craindre pour l'avenir d'une partie d'entre eux. Victor Hugo, originaire de Besançon, poète et parlementaire, ardent défenseur de l'école, disait qu'ouvrir une école, c'est fermer une prison ; mais encore faut-il que les intéressés aillent à l'école.
Il est temps de mettre un terme, ou, à tout le moins, un frein à l'absentéisme, en impliquant davantage celles et ceux dont la responsabilité est évidente et directe. Je veux naturellement parler des titulaires de l'autorité parentale.
Le Président de la République aime à rappeler que nous avons des droits, mais également des devoirs. Les parents ont des droits que leur garantit notre nation : par exemple, ils sont assurés de pouvoir scolariser leurs enfants ou de percevoir des aides qui leur permettront d'assumer au mieux leurs obligations. Toutefois, les parents ont également des devoirs. Le premier d'entre eux consiste à veiller à éduquer leurs enfants, à leur permettre de grandir pour s'accomplir et de devenir des hommes équilibrés, cultivés, respectueux d'autrui, mais aussi des citoyens, respectueux de nos valeurs républicaines. Or, parmi ces obligations, figurent celles de scolariser l'enfant et de veiller à sa présence à l'école.
On peut toujours accuser les autres de ses propres turpitudes ou de ses propres insuffisances. On peut toujours vilipender le système. On peut toujours dénigrer l'éducation nationale en général et les enseignants en particulier. On peut toujours décrier le quartier dans lequel on vit, l'immeuble où l'on habite ou le caractère insuffisant des aides sociales dont on bénéficie. Néanmoins il n'y pas à en douter : la responsabilité de l'éducation, sa réussite ou son échec dépendent toujours de ceux qui sont investis de l'autorité parentale.
En effet, ce n'est ni au chef d'établissement, ni aux enseignants, ni à la police municipale, ni à l'assistante sociale de venir réveiller un jeune ou d'aller le chercher pour s'assurer qu'il va à l'école. C'est bien aux parents que la responsabilité en incombe, même si, je l'admets, cette responsabilité est lourde, difficile à assumer quotidiennement ; nous pouvons tous faillir à un moment ou à un autre et elle est exercée plus ou moins facilement selon qu'on l'exerce seul ou à deux, selon que l'on est disponible ou non, selon que l'on rencontre ou non des difficultés culturelles, éducatives ou financières.
Néanmoins, cette responsabilité existe. Il est regrettable de devoir le rappeler, d'autant qu'il s'agit d'obligations élémentaires, inscrites en quelque sorte dans nos gènes, et qui devraient être innées. Toutefois, puisqu'il faut le faire, faisons-le : rappelons à chacun ses obligations et leur portée. En matière d'absentéisme, et lorsque l'enfant est en danger, c'est bien le parent qui est responsable.
Le texte présenté par notre collègue Éric Ciotti vient compléter et renforcer des dispositions existantes, mais manifestement insuffisantes. Il a pour vertu de rappeler aux parents leurs obligations en la matière. Ce texte est équilibré car, contrairement aux raccourcis opérés par ses détracteurs, il vise principalement non à punir, mais à prévenir.
En effet, il ne s'agit pas d'impliquer les parents par des dispositions n'intervenant qu'en aval et par des sanctions ; il s'agit aussi et surtout d'oeuvrer en amont pour identifier les problèmes et pour les résoudre avec les parents, grâce à des actions de diagnostic et de prévention, d'information et d'avertissement.
Ce texte porte une politique globale reposant à la fois sur des dispositifs d'accompagnement des parents et sur leur responsabilisation. Le système se veut résolument équilibré : d'un côté, les dispositifs d'aide aux familles ; de l'autre, la crainte de la suspension des allocations familiales.
Je vous rappelle au passage, mes chers collègues, que ce texte s'inscrit dans un ordre juridique qui favorise les actions de prévention et d'aide aux parents. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, mais il est parfois nécessaire de se répéter ; à cet égard je rends hommage à votre politique éducative.
Je veux parler des médiateurs de réussite scolaire installés depuis quinze mois.
Je veux aussi parler des dispositifs relais qui prennent en charge temporairement, avant de les rendre à leur cursus habituel, les élèves de collège dont le comportement perturbe gravement le déroulement du cours, les élèves absentéistes ou en voie de déscolarisation et de désocialisation.
Je veux également parler des micro-lycées. Même s'il en est au stade expérimental, ce dispositif est à l'évidence prometteur : il permettra certainement à des élèves en déshérence de reprendre leurs études.
Je veux en outre parler du dispositif de la « mallette des parents », porté par Éric Maurin, mais soutenu par votre directeur général de l'enseignement scolaire, M. Blanquer, lorsqu'il était recteur de l'académie de Créteil. Il a fait la preuve de ses qualités ; je parle du dispositif autant que du recteur ! La « mallette des parents » a pour but de mieux impliquer dans la scolarité de leurs enfants des familles parfois très éloignées du monde de l'école et d'améliorer le dialogue entre les parents d'élèves et l'école.
Je veux enfin parler de l'initiative de Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, qui a annoncé il y a un mois – avant de le répéter tout à l'heure – que son ministère débloquerait 53 millions d'euros d'ici à 2012 pour les familles en difficulté, dans le cadre des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents.
Je souhaite donc que l'on ne retienne pas de cette loi sa seule dimension répressive, qui n'en constitue qu'une partie, et qu'on ne la réduise pas à un texte mettant en danger les personnes les plus vulnérables. Je crois au contraire que le pan de ce projet qui prévoit des actions préventives de manière précise, détaillée et complète permettra d'éviter la répression.
Pas d'obligation sans sanction : les juristes connaissent la formule. Il n'est donc ni extraordinaire ni choquant de rappeler cette évidence : les prestations constituent une aide apportée aux parents pour exercer les devoirs liés à l'autorité parentale ; dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire bénéficier de la solidarité publique ceux qui se désintéressent de ce devoir moral essentiel. Du reste, l'exemplarité ne doit-elle pas présider à nos décisions ?
Tel est le sens de cette proposition de loi. En effet, la sanction que représentent la suspension puis la suppression des allocations familiales, au demeurant graduée, n'aura pas lieu d'être lorsque les parents auront pris conscience de leurs devoirs et que nous les aurons aidés à assumer cette lourde mais gratifiante responsabilité.
Pour ces raisons, madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le groupe UMP soutiendra l'excellente proposition de loi d'Éric Ciotti et les nouvelles règles qu'elle édicte, destinées à combattre enfin et durablement l'absentéisme.