Le point de vue des socialistes mérite plus de respect, monsieur le ministre. Hier, lors des questions au Gouvernement, vous vous êtes livré à un exercice qui n'est pas digne de vous-même et de votre fonction et qui ne respecte pas l'opinion que nous défendons.
Personne ne nie le fait que le problème des retraites doit être pris à bras le corps. Mais le Gouvernement doit choisir une argumentation et s'y tenir : il ne peut pas invoquer à la fois les déterminants démographiques et présenter la réforme comme une réponse à la crise, pour justifier le pillage du Fonds de réserve pour les retraites.
On sait qu'un demi-point de croissance économique en plus jusqu'en 2025 permettrait de couvrir la moitié du besoin de financement prévu. Il s'agit donc aussi d'une question de croissance et de politique active de l'emploi, et pas seulement de démographie.
Il est d'autant plus injuste de siphonner le fonds de réserve qu'il a été constitué pour financer la retraite de générations plus jeunes : les mesures que vous proposez constituent donc une atteinte aux jeunes générations. D'autant que vous faites porter l'essentiel de l'effort sur les revenus du travail. Or, nous considérons dans notre projet que les efforts doivent être répartis équitablement, c'est-à-dire à égalité, entre les revenus du travail et les revenus financiers. Ne caricaturez pas notre projet, il a sa cohérence, il est juste, il est durable et va au-delà de 2018.
En fait, la réforme que vous proposez est faite non pour les Français, mais pour les marchés financiers, auxquels vous voulez envoyer des signes dans un mouvement de panique. C'est aussi pour cette raison que le Président de la République s'aligne sur les positions de Mme Angela Merkel sur la question des déficits publics.
Sur la question des 60 ans, vous voulez nous ringardiser. Mais, les réactions populaires sont claires : les Français sont conscients que la retraite à 60 ans constitue un droit, pas une obligation, et qu'elle profite en premier aux ouvriers, qui ont entamé leur carrière tôt, et qui ont eu les métiers les plus pénibles. Vous répondez à la question de la pénibilité par une réponse médicale. Mais, elle existe déjà : c'est l'invalidité !
D'ailleurs, pour compenser la pénibilité de certains métiers, le Premier ministre en fonction en 2003 avait promis une négociation avec les partenaires sociaux. Au lieu de cela, vous mettez en place un dispositif compassionnel limité à 10 000 personnes.
Enfin, il serait juste et démocratique que tous les débats relatifs à un projet de loi, qui engage l'avenir de tous les Français, soient publics. J'en appelle donc au Gouvernement, ainsi qu'au président Méhaignerie, pour que soient ouverts au public et retransmis sur LCP-AN tous les travaux de la commission, et pas seulement l'audition des ministres. Il faut que les Français puissent juger par eux-mêmes, sans attendre le mois de septembre. De même, il ne serait ni juste ni démocratique de recourir à la procédure accélérée et au temps législatif programmé, qui ne nous permettraient d'examiner le texte qu'à la sauvette. Tant que les débats ne sont pas publics, le Gouvernement a beau jeu de faire croire aux Français qu'il n'existe qu'une seule réponse au problème des retraites, alors qu'il existe des solutions alternatives. Monsieur le président, n'ayez pas peur de dire oui à notre demande.