Si la réforme doit être lisible et équitable, il ne faut pas pour autant, monsieur Jacquat, prendre des mesures au seul motif qu'elles sont symboliques.
C'est notamment le cas de l'idée d'un alignement des conditions d'évaluation du salaire de référence pour le calcul des pensions du secteur privé, où l'on prend en compte les vingt-cinq dernières années, et du secteur public, où l'on ne considère que les six derniers mois d'activité.
En effet, mis à part le cas des cadres supérieurs, les niveaux moyens de rémunération sont assez proches dans les deux secteurs, ainsi que les niveaux de pension. La principale différence entre les deux secteurs tient au statut des indemnités, prises en compte dans le secteur privé mais pas dans le secteur public. Avant d'envisager une intégration des primes dans le calcul des pensions des fonctionnaires, encore faudrait-il harmoniser leurs régimes indemnitaires. Or, il existe aujourd'hui 1 800 indemnités différentes dans la fonction publique de l'État, et autant de régimes indemnitaires dans la fonction publique territoriale qu'il y a d'employeurs, soit près de 45 000. En outre, la part des primes dans le revenu des agents est variable, de 5 % dans l'Éducation nationale à 40 ou 45 % pour certains corps dans d'autres ministères. Un travail préalable d'harmonisation de ces régimes est donc nécessaire et est d'ailleurs en cours, en particulier avec l'extension de la prime de fonction et de résultat prévue par le projet de loi sur le dialogue social dans la fonction publique. Ainsi, si l'alignement du mode de calcul du salaire de référence n'a pas été harmonisé entre le public et le privé, c'est avant tout pour des raisons techniques.
Quant à la participation de l'État au financement des pensions sur laquelle s'interrogeait Marisol Touraine, les travaux du Conseil d'orientation des retraites ont mis en évidence leur augmentation tendancielle : par rapport à 2000, elle a augmenté de 15 %, ce qui représente 15 milliards d'euros. Nous visons à limiter la part de l'État dans le financement des pensions à son niveau de 2008, au moyen d'une hausse progressive des cotisations des fonctionnaires, mais aussi grâce aux mesures d'âge. Lorsqu'il était ministre des finances, M. Dominique Strauss-Kahn avait d'ailleurs déjà étudié le problème de la hausse tendancielle de la part de l'État dans le financement des pensions des fonctionnaires, dont l'impact est évalué entre 1,5 et 2 milliards d'euros par an. Cela tient au fait que le taux de cotisation employeur pour l'État s'établit à 62 % dans la fonction publique de l'État, contre 27 % dans la fonction publique territoriale et 16 % dans le secteur privé. C'est donc dans une double logique d'équité et de maîtrise des dépenses publiques que s'inscrivent les mesures que nous prenons en la matière.
S'agissant par ailleurs des dispositifs en faveur des femmes, il faut souligner que ce n'est pas seulement pour des motifs politiques, mais aussi pour des raisons juridiques que nous supprimons la possibilité offerte à celles qui ont trois enfants de partir à la retraite après 15 ans d'activité. C'est en réalité un dispositif de préretraite, qui conduisait généralement ses bénéficiaires à cumuler une pension avec des revenus tirés d'une activité privée, et son caractère discriminatoire au détriment des hommes était très contestable au regard du droit européen. D'autres mesures favorables aux femmes sont toutefois maintenues : c'est notamment le cas de la bonification de durée d'activité pour enfants, rendue conforme au droit européen en 2003, ainsi que des temps partiels sur-rémunérés, notamment le « 80 % payé 87 % » qui permet aux mères de famille de se libérer le mercredi, ou encore du dispositif de réversion, qui n'est pas modifié. Il y avait une vraie question sur la réversion : les taux et les conditions d'âge et de ressources applicables ne sont pas les mêmes entre les deux secteurs. Mais pour le public, la différence des régimes s'explique notamment par le fait que le régime public est un régime intégré. On ne peut pas tirer des conclusions radicales de ces différences.