Je ne vous étonnerai pas, monsieur le ministre, en vous disant que notre appréciation est différente de celle de Denis Jacquat. Avant tout, le groupe SRC renouvelle sa demande tendant à ce que les travaux de la commission sur le projet de loi de réforme des retraites soient publics : s'il s'agit d'une réforme phare du présent quinquennat, comme le dit le Gouvernement, pourquoi en débattre à huis clos, à l'abri de tous regards extérieurs ?
On peut également s'interroger sur le statut de la présente audition : M. le ministre a indiqué que le projet du Gouvernement fera, enfin, l'objet d'une négociation avec les organisations syndicales dans les jours à venir, ce qui suppose qu'il est encore appelé à évoluer. Aussi, soit les orientations qui viennent de nous être présentées sont encore en débat, soit la consultation des syndicats est de pure forme.
Sur le fond, des mesures comptables ne font pas une réforme de société. Une réforme de société ne peut pas reposer seulement sur des mesures démographiques. D'ailleurs, s'il s'agit d'une réforme de société qui réponde au sens du travail, pourquoi présenter les mesures qui la sous-tendent comme dictées par la crise économique ? Une réforme dictée par la crise n'est pas une réforme de société : il faut choisir le terrain sur lequel vous vous placez.
En outre, vous présentez cette réforme comme répondant au sens du travail, mais, visiblement, le sens du travail n'est pas le même pour ceux qui ont eu une carrière longue ou pénible, et qui devront travailler plus longtemps, que pour ceux qui, d'ores et déjà, ne pouvaient pas partir à la retraite avant 62 ans.
Lors de votre rencontre avec la première secrétaire du Parti socialiste, nous vous avons expliqué pourquoi la réforme que vous prépariez nous semblait injuste, mais vous n'avez tenu aucun compte de nos remarques lors de son élaboration. Je ne reviendrai pas sur ce point. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Le plan que vous nous exposez me parait irresponsable du point de vue financier. Il retient 2018 comme horizon, et après 2018, c'est le trou noir. Or, 2018 c'est demain. Lorsque les socialistes proposaient un plan de réforme ayant 2025 pour horizon, vous les traitiez d'irresponsables et d'irréalistes et leur reprochiez de ne pas traiter les besoins de financement anticipés jusqu'en 2050 !
En effet, le financement de votre réforme repose, pour moitié, sur des mesures d'âge, qui sont profondément injustes.
Nous reviendrons sur les mesures que vous proposez pour compenser la pénibilité de certains métiers, elles constituent une véritable provocation à l'encontre des salariés. Sauf à être cancéreux ou très gravement malades à 60 ans, ils n'en bénéficieront pas. C'est absolument choquant ! Il aurait mieux valu ne prendre aucune mesure, plutôt que présenter ce qui représente une insulte à l'égard des salariés qui ont été confrontés à de telles situations.
De même, le « CDD senior » d'un an que vous proposez de créer ne règlera bien sûr pas le problème de l'emploi des travailleurs âgés.
Au-delà de ces mesures qui portent sur la moitié à peine du chemin à parcourir, comment bouclez-vous le reste ?
Vous ne demandez qu'une contribution minime aux hauts revenus et aux revenus du capital : les « mesurettes » qui les concernent ne représentent même pas 5 % du financement global, et certaines d'entre elles n'échapperont pas au bouclier fiscal. Bien entendu, nous sommes favorables à une taxation accrue des stock-options et des retraites chapeaux, ainsi qu'à l'annualisation du calcul des allègements de charges, encore que la période choisie ne soit pas la meilleure. Mais, lorsque nous vous avons proposé des mesures en ce sens dans le cadre de la discussion des projets de lois de financement de la sécurité sociale successifs, vous les avez refusées.
Ainsi, en réalité, votre plan creusera les déficits d'ici 2018. D'ailleurs, le gel de l'effort financier de l'État aura pour conséquence un accroissement de 15 milliards d'euros de la dette.
Vous menez ainsi une politique de Shadocks : vous pompez dans les réserves du Fonds de réserve pour les retraites pour passer l'échéance de 2012 et annuler provisoirement le déficit en 2018. Les Français méritaient mieux qu'une réforme de court-terme, qui sera loin de les rassurer et devra être reprise dans quelques années.