Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre ce texte. Le fait qu'il ne fasse pas l'objet d'un vote solennel et que nous soyons si peu nombreux pour participer au vote est significatif.
Vous avez fait adopter en juillet une loi pompeusement baptisée « Travail, emploi et pouvoir d'achat » – la fameuse loi TEPA ! – qui devait provoquer un choc de croissance, lequel n'a pas eu lieu. La note de conjoncture de l'INSEE indique que, malgré les 10 milliards qu'a coûtés cette loi et le déblocage anticipé de la participation, le pouvoir d'achat va diminuer. Et pourtant, nous savons que l'INSEE sous-estime le poids du logement dans les dépenses des ménages. Oui, il y a un problème de pouvoir d'achat, notamment pour ceux de nos concitoyens qui ont des revenus moyens ou modestes, mais ce texte ne résout rien. La seule mesure qui vise à réduire les dépenses contraintes des ménages – elles représentent tout de même 70 % des dépenses pour les plus modestes – porte sur les loyers et le dépôt de garantie. Aucune mesure n'est prévue pour réduire les dépenses de chauffage ou de transports. Rien non plus pour limiter l'envolée des prix alimentaires – je pense à la spéculation sur le prix du lait –, les tarifs des assurances ou des divers abonnements que peut souscrire un ménage.
Faute d'agir sur les dépenses, ce texte apportera-t-il des suppléments de revenus ? Pour une toute petite minorité de Français seulement, mais avec des conséquences désastreuses. Non-salariés, retraités, handicapés, allocataires de minima sociaux sont en effet exclus du champ du projet de loi. Seule une minorité de salariés est concernée : il faut avoir des jours de RTT, ce qui n'est le cas que de 38 % d'entre eux, et surtout que l'entreprise ait besoin de jours travaillés supplémentaires. Je dois avouer que vous vous êtes montrés habiles dans l'art de la communication : beaucoup de nos concitoyens, notamment ceux qui n'ont pas de RTT, se sont laissés prendre à la formule du « rachat des RTT ». Ils ont l'impression qu'on va leur verser une somme d'argent sans contrepartie. En réalité, c'est l'employeur qui va décider. Si l'on n'a pas de RTT, il faut avoir un compte épargne-temps, ce qui concerne très peu de salariés, ou la chance de travailler dans une entreprise ayant mis en oeuvre un dispositif de participation. Mais, dans tous les cas, il s'agit de vendre à ces salariés ce qui leur appartient déjà. Il ne s'agit donc pas d'un supplément de revenu !
Ces dispositifs, qui n'apportent aucun supplément de revenus sur le moyen terme, ont en outre pour contrepartie la poursuite de la remise en cause des 35 heures, que vous assumez, et la casse des accords collectifs – cela, vous n'osez pas le crier sur les toits –, laquelle prend maintenant la forme d'expérimentations, car vous essayez d'être discrets. Et, d'expérimentation en expérimentation, nous arrivons à une remise en cause générale du code du travail. Tel est votre objectif.
Cet objectif a été répété publiquement à de nombreuses reprises, après avoir été annoncé par Mme Lagarde en juillet à la commission des affaires sociales : c'est d'en finir avec une durée légale du travail et de renvoyer la fixation du temps de travail hebdomadaire à des accords privés. Le paiement des heures supplémentaires serait ainsi supprimé et les accords collectifs seraient remplacés par une relation individuelle entre les salariés et l'entrepreneur, dans laquelle les premiers seront les immenses perdants. Autant dire qu'on en revient aux relations du travail du début du XXe siècle, voire de la fin du XIXe siècle. Cette vision nous paraît si rétrograde que nous voterons évidemment contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)