Je me propose de retracer la genèse de ce service, après quoi Mme Ameline fera le point des négociations en cours sur ce sujet et des difficultés résiduelles, tout en traçant les perspectives qui s'ouvrent. L'idée de départ est issue du constat maintes fois réitéré, depuis des années, sur la place de l'Union européenne dans le monde, qui ne reflète ni son poids économique ni la somme du poids politique des États membres qui la composent. Cela est dû au fait que la politique commune, en la matière, est embryonnaire, que les seuls outils réellement structurés et financés étaient jusqu'à présent dans les mains de plusieurs commissaires, et que la responsabilité de l'action extérieure était partagée entre un Haut représentant créé avec le Traité d'Amsterdam, une série de commissaires et enfin la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne.
Voilà qui rendait une clarification nécessaire, mais difficile également. Car si l'on n'en était pas, comme jadis Henry Kissinger, à demander quel était le numéro de téléphone de l'Europe, on constatait bien qu'il y en avait plusieurs ! C'est la raison pour laquelle a été recherché un dispositif institutionnel différent. Dans le cadre de la Convention européenne de 2002-2003, présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing, c'est le groupe de travail n° VII qui, sous la houlette de M. Jean-Luc Dehaene, a recensé les options possibles. Regrouper toute l'action extérieure entre les mains d'un seul commissaire européen était, sinon idéaliste, du moins irréaliste. À l'opposé, s'en remettre à une pure logique intergouvernementale sous l'égide du Conseil ne répondait pas aux objectifs recherchés. C'est ainsi une solution hybride qui a prévalu, avec un Haut représentant chargé de conduire la politique étrangère et de sécurité commune qui soit aussi vice-président de la Commission afin de coordonner l'action extérieure de celle-ci.
C'est cette solution qui a in fine, moyennant les aléas qu'ont connus le projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe et le Traité de Lisbonne, été inscrite dans le corpus juridique de l'Union. L'actuel article 18 du Traité sur l'Union européenne est très clair sur ce point : la fonction créée est hybride, se situant à mi-chemin entre la Commission et le Conseil.
Sur ce fondement, un outil a été imaginé pour doter de services le Haut représentant Vice-président. C'est ce que prévoit l'article 27, paragraphe 3 du Traité sur l'Union européenne issu du Traité de Lisbonne. Ce service européen pour l'action extérieure sera constitué avec des fonctionnaires de la Commission, des délégations de l'Union européenne de par le monde et du Secrétariat général du Conseil, ainsi que de fonctionnaires des États membres, qui à notre sens ne devraient pas nécessairement être tous diplomates. Le Traité prévoit que l'organisation et le fonctionnement de ce service fassent l'objet d'une décision du Conseil proposée par le Haut représentant – en l'occurrence Mme Catherine Ashton –, avec consultation du Parlement européen et accord de la Commission. Mme Ashton a rendu publique sa proposition initiale le 25 mars dernier.
C'est alors que le Parlement européen, représenté par ses rapporteurs, M. Elmar Brok et M. Guy Verhofstadt, s'est saisi de l'occasion de sa consultation pour faire valoir ses propres préoccupations, assez éloignées de celles des États membres approuvées par la Commission, en cherchant à peser sur les aspects financiers du dossier, à exercer une influence sur les orientations de la politique étrangère et à imposer son propre organigramme. Sur ce dernier point, le Parlement européen souhaite que la Haute représentante soit secondée par des adjoints politiques, alors que Mme Ashton a proposé un secrétaire général fort.
Le moment est donc venu de faire savoir ce qu'en tant que Parlement français nous voulons, quant à l'organisation et au fonctionnement du SEAE.