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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 10 juin 2010 à 15h00
Régulation bancaire et financière — Article 7 quater, amendements 1 87 43

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Cet amendement a un but, que notre pays se dote au moins d'un moyen – je ne prétends pas que ce soit le seul – pour lutter contre ce que je juge intolérable, c'est-à-dire la spéculation contre des titres de dette souveraine et contre les certificats d'assurance qui y sont attachés.

Certes, l'activité spéculative est sûrement très difficile à éradiquer partout, c'est d'ailleurs une activité probablement vieille comme le monde, et il est probable que ce n'est pas notre assemblée qui y mettra un terme dans le monde entier, mais ce n'est pas une raison, me semble-t-il, pour baisser les bras et ne vouloir rien faire.

En outre, plus personne aujourd'hui ne défend l'idée qu'une activité spéculative puisse avoir une quelconque utilité, comme cela a pu être parfois le cas il y a une vingtaine d'années, certains ayant théorisé la spéculation comme une façon pour les marchés de revenir à une forme d'équilibre. Plus personne ne défend cette option car tout le monde sait aujourd'hui que la spéculation, si elle est profitable pour certains, est nuisible pour le plus grand nombre.

Ceci étant posé, il me semble que cette activité spéculative est particulièrement nuisible quand elle concerne des titres de dette souveraine et les certificats d'assurance, qu'on appelle les CDS, qui sont attachés à ces titres de dette.

Sur ces deux préliminaires, il me semble que nous pouvons tous être d'accord.

Là où nous risquons de diverger, c'est sur la déclinaison de ces deux principes. On sait que les ventes à découvert à nu des titres de dette ou des certificats, mais des titres de dette en réalité, ont menacé des pays de la zone euro. On se réjouit que cette activité n'ait pas menacé la dette souveraine française et, objectivement, nous pensons que le risque n'était pas grand. L'Allemagne, qui était dans la même position, a quand même adopté une disposition interdisant la vente à découvert à nu des titres de dette de l'Allemagne ainsi que des certificats attachés à ces titres de dette.

Je crois qu'il serait bon que le Parlement adopte cet amendement, pour plusieurs raisons.

Premièrement parce que, objectivement, ce serait un moyen de lutter contre la spéculation, même si nous savons qu'en l'adoptant nous ne garantirions pas que cette activité spéculative serait interdite partout et pour tout le monde. Au moins notre pays aurait envoyé un signal assez fort, refusant par cette adoption que la dette souveraine française puisse faire l'objet de mouvements spéculatifs.

Deuxièmement, parce que l'Allemagne a déjà pris cette mesure. L'Allemagne et la France, qui ont conduit l'Europe, ont vocation à la conduire à nouveau. Il me semble que si la France rejoint l'Allemagne dans ces dispositions, l'exemple serait ainsi donné de manière très forte, non seulement au sein de la zone euro mais au sein de l'Europe elle-même, engageant les autres pays à adopter des mesures comparables. Si l'Europe adoptait à la longue ce type de disposition, luttant contre la spéculation dont sont l'objet les dettes souveraines, il me semble qu'elle aurait avancé, qu'elle aurait manifesté une certaine unité, qu'elle aurait également envoyé un signal au marché qui ne me paraît pas mince par les temps que nous vivons.

Une telle mesure est-elle possible en France ? Oui, car ce type d'interdiction existe déjà. Elle fut énoncée avec des principes juridiques contestables, mais qui ne furent pas contestés et ce fut heureux. Donc le principe lui-même de l'adoption d'une telle disposition n'est pas contestable puisque c'est sous l'empire de cette interdiction qu'un certain nombre de titres de banques qui ont été aidées au moment de la crise sont encore interdits aujourd'hui. Ce genre d'interdiction a déjà été utilisée en France pour certains produits, elle est toujours d'actualité, son principe n'est donc pas contestable.

Par ailleurs, je le répète, un autre pays, et non des moindres en Europe, l'Allemagne, a déjà pris cette disposition. Le fait que la France imite, ou plutôt suive l'Allemagne sur ce chemin serait, je crois, compris.

Je suggère que le Parlement adopte cet amendement. Je sais les réticences de certains au sein de la majorité comme au sein du Gouvernement, mais je crois que le débat permettra à chacun de se prononcer dans un vote que pour ma part j'espère favorable, même si, pour cela, il faut discuter certains termes de l'amendement que je présente. Je pourrais comprendre, par exemple, des dispositions exonérant de cette interdiction ceux que l'on appelle les SVT, les spécialistes en valeurs du Trésor, à l'instar de ce qu'a fait l'Allemagne, dès lors qu'il serait clairement indiqué que les banques exonérées de cette obligation ne le seraient que pour leurs missions, si j'ose dire, de SVT, et certainement pas pour des activités de comptes propres.

Voilà ce que je vous propose, madame la ministre, en espérant être bien compris et en formant le voeu que, ce soir, la France puisse être aux côtés de l'Allemagne, afin d'envoyer un signal très fort, non seulement au marché mais surtout à l'encontre des spéculateurs qui, au fond, attendent de voir quelle faiblesse pourrait se manifester ici ou là afin d'en profiter, pour leur compte certainement, mais très certainement aussi au détriment des populations des pays concernés.

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