Je me livrerai, moi aussi, à un petit rappel historique. Les banques américaines universelles avançaient exactement les mêmes arguments que ceux que l'on entend aujourd'hui lorsque, en 1933, Roosevelt a pris la décision de les séparer. Depuis dix ans, les États-Unis sont revenus sur ce système. Ils ont eu tort, comme beaucoup de pays ont eu tort de laisser des banques de dépôt, au lieu de faire leur métier de banquier, s'amuser à faire des placements inconsidérés sur les marchés financiers.
Les banques sont plus robustes, dit M. Chartier. Évidemment ! Si une pure banque d'investissement fait faillite à cause de ses placements financiers, il n'y a aucune raison qu'un État la soutienne, à condition toutefois de n'être pas assez importante pour entraîner avec elle l'ensemble du système financier.
La logique de la séparation place, d'un côté, une mission bancaire de service public, de l'autre côté, la spéculation soumise à une loi : quand on se trompe, on assume soi-même ses pertes. Nous ne proposons pas de séparer les banques de dépôt des banques d'investissement, mais de séparer les activités, par exemple en interdisant le trading pour le compte propre des banques. Que ces dernières réalisent des placements financiers pour leurs clients, c'est naturel : s'ils se trompent dans la spéculation, ce sont eux qui le supporteront et c'est normal. Ce qui n'est pas normal, c'est que les déposants, c'est-à-dire l'ensemble des citoyens, soient mis en danger par des activités de banques mal régulées en interne et sans doute en externe. À cet égard, l'affaire Jérôme Kerviel est tout à fait édifiante, qui a mis en danger tous les déposants de la banque en perdant cinq milliards en un week-end.
Il y a là un vrai sujet. Le Gouvernement peut refuser de nous soumettre un rapport sur l'opportunité d'interdire le trading pour compte propre aux banques à activité principale de dépôt. J'observe toutefois qu'aux États-Unis et dans le monde entier, tout le monde se pose la question. Vous-même finirez peut-être par vous interroger. En tout cas, je pense que tant qu'on ne répondra pas sérieusement à cette question, on ne pourra pas apporter de vraie réponse à la crise.