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Intervention de Henri Emmanuelli

Réunion du 10 juin 2010 à 15h00
Régulation bancaire et financière — Après l'article 7, amendements 122 49

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Emmanuelli :

Monsieur Chartier, vous nous avez fait un rappel historique quelque peu tronqué. Aux États-Unis, la distinction n'existait pas jusqu'à ce que M. Roosevelt l'impose après la crise de 1929. Puis, dans les années 1970, un sénateur américain a fait voter un texte qui faisait sauter ce distinguo. Et nous nous sommes retrouvés dans la situation problématique d'aujourd'hui.

Le sujet est certes difficile, mais vos réponses ne sont pas convaincantes. On est en plein procès Société générale contre Kerviel. Cette banque de dépôt avait aussi une activité de marché qui a présenté tout d'un coup – mais ce sera aux juges de le dire – un risque monumental. Qui, s'il n'y avait pas eu la puissance publique pour les garantir, aurait assumé le risque sinon les déposants ? Au minimum, on devrait dire que, pour les banques de dépôt, les activités de marché ne sont pas tolérées au-delà d'une certaine proportion. Car il est vrai que la frontière est difficile à tracer.

Je m'interroge. Alors que M. Obama va essayer, et ce ne sera pas facile pour lui, de pousser les États-Unis dans ce sens et que M. Guaino dit qu'il faudrait le faire, pourquoi tout d'un coup, ici, à l'Assemblée nationale, nous répond-on, sur un ton sentencieux, comme si l'on parlait à des gens pas tout à fait analphabètes mais n'ayant pas dépassé le niveau primaire, que le sujet n'est plus d'actualité ? Je crois que la raison de l'opposition à ce distinguo n'est ni économique ni financière ; elle relève de la sociologie des rémunérations.

Qu'est-ce qui est le plus rémunéré dans les banques ? Les activités de marché et les traders. C'est la haute rémunération de ces traders qui justifie ensuite les rémunérations monumentales, exorbitantes, des managers de banques. Revenir à un distinguo entre banque d'affaires et banque de dépôts remettrait en question cet eldorado qu'ils se sont fabriqué au cours des années. Vous devriez y réfléchir, madame la ministre, car une fois qu'on a pensé à cela, il est difficile de se l'enlever de la tête. Sinon, on ne voit pas pourquoi des banques, dont le rôle économique est de transformer de l'épargne à court terme en prêts à moyen et long terme, se mettraient tout d'un coup à spéculer.

Quel sens économique peut bien avoir le high frequency trading ? Aucun ! Pourtant, il représente jusqu'à 40 % des recettes d'activité de marché. Des esprits brillants pourraient-ils nous expliquer à quoi ça sert ? Je ne le sais pas, personne ne le sait. Ou plutôt si, cela sert à rapporter à des gens. Il y a d'ailleurs forcément des contreparties qui se font plumer en face, mais comme elles sont extrêmement nombreuses et dispersées, on ne s'en aperçoit pas. Ne dites donc pas qu'il n'y a pas un problème d'organisation du système financier. Il y en a un et, quelle que soit la position qu'on adopte aujourd'hui, il faudra bien finir par le régler.

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