En tout cas, dans une période de spéculation, il faut les empêcher. Les Allemands l'ont fait le 19 mai. Il était très simple pour la France d'emboîter le pas à l'Allemagne.
Si la France et l'Allemagne avaient, à un jour d'intervalle, pris la même mesure, les pays européens se seraient engagés vers la suppression des ventes à découvert. Notre commission des finances a voté un amendement sur le sujet ; nous attendons toujours la réponse du Gouvernement. Mais il est clair que la France a manqué de réactivité.
En ce qui concerne les banques, nous proposons depuis des mois que l'on mette en place une taxe sur les profits bancaires, avec un argument très simple, que l'on entend dans d'autres pays, aux États-Unis par exemple : les États – donc les citoyens – sont venus au secours des banques. Bien sûr, ils devaient le faire, mais il est juste qu'ils ne soient pas les seuls à en supporter les conséquences. Il est normal que les banques contribuent à la réduction des déficits, dont le paiement dans le futur repose, pour l'instant, sur les seuls citoyens. Les banques auraient pu y contribuer de façon très simple si vous aviez fait, à l'époque, ce que nous proposions, c'est-à-dire entrer dans le capital. Si vous aviez soutenu les banques en achetant des actions – le rapport qui vient d'être publié par la Cour des comptes le montre –, l'État aurait pu bénéficier de 5,8 milliards d'euros de plus-value, ce qui aurait été une contribution normale étant donné l'action entreprise par le Gouvernement, qui a permis aux banques de continuer leurs activités et de se redresser.
En matière de régulation, il faut aussi que l'on aille beaucoup plus loin, en Europe, que ce qui est proposé. Je me souviens que, lorsque M. de Larosière est venu devant la commission des finances et la commission des affaires européennes expliquer ce qu'il faisait, il nous a dit qu'il était parti avec l'idée d'obliger les banques à garder 10 % de leurs crédits dans leurs comptes. C'était déjà très peu : autrefois, elles gardaient l'essentiel des crédits dans leurs comptes. Il s'agissait d'éviter qu'elles titrisent la plupart de ces crédits, qu'elles s'en défaussent en les plaçant sur les marchés financiers. Or M. de Larosière a obtenu finalement 5 %. Aujourd'hui, si l'on veut réellement empêcher que des crises se renouvellent, il faudrait porter ce ratio à 20 ou 30 %.
Les agences de notation pourraient contribuer à la régulation, mais c'est l'inverse qu'elles ont fait : en dégradant des notes souveraines à des moments inopportuns, elles ont contribué à accentuer la spéculation. Alors, oui, il faut réguler les agences de notation.
Il faut aussi changer la façon dont elles sont rémunérées : il est absurde que ce soit l'établissement noté qui rémunère l'agence de notation. Il faut envisager la création d'une agence publique européenne de notation. Il convient, par ailleurs, que le régulateur ne s'appuie pas sur les travaux des agences de notation pour réguler les banques : ce sont celles-ci qui doivent expliquer au régulateur les dispositifs qu'elles mettent en place. De son côté, le régulateur ne doit pas s'appuyer sur des notes, dont on voit bien toute l'imperfection, pour vérifier si la banque se conforme aux règles de bonne conduite – qui restent d'ailleurs à établir.
S'agissant des bonus, on ne peut pas rester dans une situation où, dès que les banques ont rétabli leur santé, elles se mettent à en verser de nouveau aux traders, alors que ce sont tous les citoyens qui sont appelés à participer à la réduction des déficits publics.
Nous vous proposerons des amendements pour mettre un peu d'ordre, aussi bien dans les bonus que dans les agences de notation, mais je voudrais, pour terminer, évoquer la situation de l'Europe et des États-Unis dans cette crise.
Je crains qu'on ne voie se reproduire l'histoire. En effet, après la crise de 1929, le seul pays qui ait changé complètement les règles, c'est les États-Unis : en 1933, le président Roosevelt a modifié le système de régulation bancaire. Les règles édictées se sont imposées pendant près de cinquante ans après la Seconde guerre mondiale. Il a aussi changé complètement la fiscalité aux États-Unis, en imposant très fortement les rémunérations les plus élevées. Enfin, il a lancé le New Deal. C'est cette association de trois changements fondamentaux qui, pendant une cinquantaine d'années en Europe, après la guerre, s'est généralisée et a permis que l'économie fonctionne et ne soit pas sous la tutelle des marchés financiers.
Il ne faudrait pas que l'histoire se répète, parce que, après la crise de 1929, dans les années trente, et alors que les États-Unis mettaient en place une régulation, comme le fait le président Obama aujourd'hui, l'Europe s'est quant à elle enfoncée dans des politiques de déflation. Je pense qu'au sein de la zone euro il y a aujourd'hui le même risque.
Je redirai donc, comme ce matin, que, dans la période actuelle, les États-Unis agissent tandis que l'Europe réfléchit et que la France attend. Eh bien, il est temps que l'Europe se réveille et que la France joue son rôle, pas seulement dans des discours ou dans des lettres, mais par des actes, et vous avez l'opportunité de le faire, madame la ministre, notamment aujourd'hui en ce qui concerne les ventes à découvert. Je trouve que le texte qui nous est proposé n'est vraiment pas à la hauteur des enjeux : il faut une réponse bien plus forte à cette crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)