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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 10 juin 2010 à 15h00
Régulation bancaire et financière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en matière de régulation il y a loin des discours aux actes. À la fin de cette matinée, Sandrine Mazetier faisait le parallèle entre le discours de Toulon et les réalisations. Force est de reconnaître que, dans cette crise, la France et les pays européens n'ont pas pris la mesure des réformes qu'il fallait mettre en oeuvre pour y répondre.

La régulation fondamentale consiste à obtenir que les banques fassent leur métier. Or le métier de banquier, c'est de gérer des dépôts, c'est d'accorder des crédits aux entreprises et aux consommateurs, ce n'est pas de spéculer sur les marchés financiers.

Les États-Unis ont pris à bras-le-corps cette question. Le président Barack Obama a proposé une séparation des activités de dépôt et d'investissement, reproduisant – dans un contexte nouveau – ce qui avait été fait en son temps par Roosevelt après la crise de 1929. Ce dernier avait notamment séparé les banques de dépôt des banques d'affaires, avec une idée très simple : les banques de dépôt ont une mission de service public : gérer des dépôts et attribuer des crédits.

Les États-Unis avancent en matière de régulation et nous, en Europe, nous bougeons peu. Madame Lagarde, vous nous disiez ce matin que les États-Unis avançaient lentement parce que les lois en question sont en discussion. Mais que dire de celle-ci ! Proposée par le Gouvernement en décembre, elle est discutée seulement maintenant et je pense que, si elle est redevenue d'actualité, c'est en partie parce que la crise l'a ramenée à l'ordre du jour. Quant aux conclusions, elles seront adoptées de façon définitive en septembre. Cela ressemble étrangement à la façon dont l'Europe réagit à cette crise : toujours avec un temps de retard.

Le secteur financier – Henri Emmanuelli le disait ce matin – est un secteur prédateur. Quand il ne fait pas ce pour quoi il a été fait, c'est-à-dire assurer le financement de l'économie, mais qu'il passe son temps à spéculer sur les marchés financiers, il ne crée pas de richesses : il ne fait que s'accaparer une rente à travers la spéculation. En effet, le résultat de la spéculation, c'est une rente, comme le montrent les chiffres : sur la longue période, la rentabilité du secteur réel, c'est-à-dire celle des fonds propres, n'a pas bougé en cinquante ans – elle se situe toujours autour de 6 à 7 %. Au contraire, celle du secteur financier a explosé jusqu'à la crise, passant d'un ordre de grandeur semblable au précédent – de 6 à 7 % – à près de 20 %. Ces chiffres s'appliquent notamment au Royaume-Uni, pour lequel on dispose des données sur une longue période.

Réagir face à la spéculation, madame la ministre, c'est en finir avec les ventes à découvert. Nous subissons depuis trois mois une spéculation sur les dettes souveraines. Il est totalement absurde de maintenir cette pratique qui permet à un acteur économique ne disposant pas de titres de dettes souveraines de spéculer à la baisse sur ces titres : il les vend sans les posséder et il les rachète quand leur valeur a baissé.

Cela ne sert qu'à la spéculation, car j'aimerais bien que l'on m'explique l'utilité, en dehors de mécanismes spéculatifs, des ventes à découvert à nu.

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