Hier soir, en fin de séance, nous avons évoqué le risque d'atomisation du débat salarial dans l'entreprise. En l'absence d'accord collectif, ou en cas de contournement, l'individualisation du débat met, en effet, face à face le salarié et l'employeur, ce qui risque d'entraver la cohésion salariale – elle reste pourtant un objectif de l'employeur – et l'apaisement des conflits.
On l'a bien compris, avec cet amendement le président Méhaignerie visait les entreprises qui n'avaient pas fait l'objet d'une renégociation de l'accord collectif et qui, de ce fait, n'avaient pas appliqué le processus de majoration salariale des heures supplémentaires.
Mais n'est-ce pas en réalité une manière de vider de son contenu l'enjeu que constitue l'achèvement des accords collectifs ? N'est-on pas en train de supprimer l'intérêt de l'accord collectif pour l'employeur et pour certains salariés. Je ne soupçonne pas le président Méhaignerie d'arrière-pensées, mais il faut rechercher l'effet induit par cet amendement.
Certaines sociétés ont choisi dans leur intérêt, et pas dans celui du salarié, de ne pas renégocier d'accord collectif. Demain, cet amendement pourrait accentuer ce phénomène. Le rapport négocié entre l'employeur et ses salariés serait atomisé et remplacé par un rapport à trois entre l'employeur, certains salariés, qui auraient négocié individuellement, et d'autres, qui resteraient dans le processus collectif.
Monsieur le ministre, nous approuvons tous l'idée d'un apaisement des rapports sociaux. Vous préconisez le dialogue social, mais celui-ci doit se dérouler de façon concrète, confronté à la pratique du quotidien des entreprises, à la réalité humaine telle qu'elle est, avec la contradiction des intérêts, avec les jeux de la hiérarchie et de l'encadrement, qui ont leurs propres motivations.
Je ne suis pas certain que cet amendement, motivé par une volonté d'élargir rapidement les accords, n'ait pas l'effet inverse. Pourquoi, en effet, renégocier un accord collectif alors qu'il est possible de bénéficier de systèmes parallèles ? Je le répète : je me pose cette question tout en comprenant l'objectif recherché par l'amendement.