Aujourd'hui, ce projet de loi donne lieu à un branle-bas de combat général dans les communes, les départements et les régions, mais aussi au sein des associations et chez tous les acteurs locaux, qui risquent d'être gravement touchés par la fin des compétences partagées entre collectivités et l'interdiction des cofinancements – de nombreuses interventions, ce soir, ont relayé cette vive inquiétude.
En effet, l'article 35 met un terme à ce que la jurisprudence a consacré comme la « clause générale de compétence » des collectivités territoriales, clause qui, pourtant, permet l'expression de la souveraineté locale, les collectivités pouvant « délibérer des affaires qui concernent leur territoire » et mettre en oeuvre des politiques publiques.
Le chef de l'État, pour dénoncer les compétences croisées de nos collectivités territoriales, parlait, dans son discours de Cahors du 8 avril 2008, de « galimatias ». À mes yeux, il s'agit bien au contraire de compétences complémentaires et partagées. Contrairement à ce qui est dit, il n'y a pas d'enchevêtrement mais des compétences en effet partagées, lisibles, qui permettent à chaque niveau institutionnel de participer aux chantiers des territoires.
La clause générale de compétence prend fin parce que les départements et les régions se voient désormais attribuer des compétences spéciales. Nous l'avons dit à maintes reprises, et il faut le répéter, ce projet de loi inverse la logique institutionnelle qui voulait que les collectivités territoriales soient régies par le principe de compétence générale et les EPCI par le principe de spécialité. Nous aurons désormais des EPCI chargés d'une foule de compétences, comme les métropoles : les premiers absorberont progressivement les communes ; les métropoles, quant à elles, absorberont progressivement les départements.
Les communes et les départements resteront les parents pauvres de la réforme, jusqu'à leur disparition. C'est là toute la contradiction, massive, de ce projet de loi : d'un côté, il promeut l'exclusivité des compétences de chaque niveau administratif ; de l'autre, il dote département et région d'un même élu qui cumule les deux fonctions et gérera donc les compétences des deux collectivités où il siégera.
D'un côté, les cofinancements sont strictement interdits, ce qui est un vrai drame pour la vitalité de nos territoires, mais, de l'autre, le projet de loi n'a de cesse de favoriser les mutualisations de services entre collectivités. Nous aurons l'occasion d'en reparler à propos des services et des personnels. Plus qu'un galimatias, c'est à une véritable pagaille institutionnelle que ces dispositions contradictoires vont donner lieu ; mais sans doute est-ce le but du Gouvernement…
D'autre part, la fin de la clause de compétence générale prive les collectivités de leurs capacités d'action. Avec des collectivités dont les finances sont d'ores et déjà asséchées par la suppression de la taxe professionnelle, les transferts massifs de compétences non financés, le gel des dotations, comment notre pays et nos territoires pourront-ils répondre à la crise ?