J'aimerais connaître les noms de ceux qui ont rédigé les articles 35 et suivants, et avoir une discussion franche avec eux pour essayer de comprendre leur philosophie, car j'ai le sentiment qu'ils n'ont jamais mis les pieds en banlieue. Ils ne savent pas ce que c'est. Ils ne connaissent pas ces territoires et ne savent pas comment, depuis trente ans, les politiques que l'on y mène sont financées.
Le principe de la politique de la ville dans notre pays, c'est, d'une part, le cofinancement – les financements croisés – et, d'autre part, la contractualisation. C'est votre majorité qui a créé, il y a cinq ans, l'ANRU et l'ACSÉ, c'est-à-dire des guichets uniques où l'ensemble des financeurs de la politique de la ville élaborent et signent un contrat – une convention pour l'ANRU, un CUCS pour l'ACSÉ –, cofinancé ensuite par l'ensemble des acteurs publics, qui décident en commun d'intervenir sur des territoires déshérités, relégués, là où la République est en recul. C'est le principe même de la politique de la ville.
Or vous nous proposez, avec les articles 35 et suivants, d'interdire ce cofinancement puisqu'il est écrit que lorsqu'une compétence est attribuée de manière exclusive à une collectivité, elle ne peut être partagée, et qu'en l'absence de compétence exclusive, le cumul des subventions entre la région et le département est interdit. Vous rendez donc globalement impossible la signature de nouvelles conventions ANRU, d'avenants, voire de CUCS, que le Premier ministre, en inaugurant le Conseil national des villes la semaine dernière, a pourtant promis aux collectivités puisqu'il s'est engagé à prolonger d'un an la vie des CUCS actuels.
Pire, comme ceux qui ont rédigé ces articles ne savent pas comment fonctionne la politique de la ville, ils ont ajouté un « ticket modérateur » en obligeant les collectivités locales qui portent des projets, en particulier les communes, à financer pour partie, par exemple à hauteur de 50 % pour les villes de plus de 50 000 habitants, l'ensemble des projets d'investissement.
Or, vous devriez savoir – il suffit pour cela d'étudier les conventions ANRU – que, dans les quartiers les plus défavorisés, dans les 150 villes les plus pauvres de France, l'ANRU accepte régulièrement, par dérogation, des financements jusqu'à 100 % des équipements. Si, dans ces territoires, il n'y a pas 100 % de financement pour les équipements publics, en particulier pour les écoles, ces équipements ne peuvent pas voir le jour. C'est la réalité des projets que vous portez par le biais de l'ANRU ! Il suffit de le demander à notre collègue Gérard Hamel, qui accorde régulièrement de telles dérogations aux catégories de communes retenues, celles qui bénéficient du plus d'aides. En imposant une participation minimale des communes, même à 20 %, vous rendez le financement des équipements impossible dans ces territoires.
On aurait pu imaginer que vous iriez jusqu'au bout et interdiriez complètement le cumul des subventions et les compétences partagées, mais vous avez accepté quelques dérogations. Je me permets de dire à notre collègue de Courson que nous ne vivons décidément pas dans le même pays. Tout le monde a l'air de trouver normal – et tant mieux – que les dérogations en matière sportive et culturelle se justifient.