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Intervention de Philippe Folliot

Réunion du 3 juin 2010 à 10h00
Conseil national des communes compagnon de la libération — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

« Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ?

« Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.

« Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes. »

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'ai choisi de commencer mon propos par la lecture de la première strophe du Chant des partisans. J'ai passé, cette nuit, quelques moments à réfléchir à ce que je pouvais dire, devant vous, à cette tribune. Je vais laisser de côté mon discours bien préparé, bien formaté ; je choisis de parler avec le coeur, et je vais vous lire quelques phrases extraites d'un ouvrage majeur. Pour mesurer, ensemble, l'importance et l'actualité de cette proposition de loi, rien ne sera mieux, je le crois, que ces mots que je vous propose de partager.

« Ils venaient un à un, individuellement – et je souligne ce mot, car c'est peut-être ce qui caractérisait le plus fortement ces hommes libres. Vous étiez, camarades, si différents les uns des autres, mais tous marqués par ce qu'il y a de plus français dans notre vocabulaire – individuellement, personnellement – et tout ce qui depuis le début de son histoire caractérisait ce pays fait à la main se retrouvait dans notre esprit d'artisans de la dignité humaine. […]

« Il est difficile de comprendre aujourd'hui ce que signifiaient en 1940-1941 les mots “Français libres”, en termes de déchirement, de rupture et de fidélité. Nous vivons une époque de cocasse facilité, où les “révolutionnaires” refusent le risque et réclament le droit de détruire sans être menacés eux-mêmes. Pour nous, il fallait rompre avec la France du moment pour demeurer fidèles à la France historique, celle de Montaigne, de Gambetta et de Jaurès, ou, comme devait écrire de Gaulle, pour demeurer fidèles “à une certaine idée de la France”. Pour assumer cette fidélité, il fallait que nous acceptions d'être déserteurs, condamnés à mort par contumace, abandonner nos familles, se joindre aux troupes britanniques au moment même où la flotte française venait de couler la flotte française à Mers el-Kébir. Tout cela alors que plus de quatre-vingt pour cent de Français étaient fermement derrière Pétain. Il fallait avoir une foi singulièrement sourde et aveugle pour être sûr d'être fidèle. Je ne prétends point que chacun de nous s'était livré à ses douloureux examens de conscience avant de “déserter”. Ce ne fut pas mon cas, en tout cas. Ma décision fut organique. Elle avait été prise pour moi, bien avant ma naissance, alors que mes ancêtres campaient dans la steppe de l'Asie centrale, par les encyclopédistes, les poètes, les cathédrales, la Révolution et par tout ce que j'avais appris au lycée de Nice des hommes tels que le professeur Louis Oriol. J'avais “déserté” de mon escadre de l'École de l'Air pour passer en Angleterre “dans le mouvement”, en quelque sorte, et j'entends par là le mouvement historique, le brassage des siècles. »

Ainsi s'exprime Romain Gary dans Les Français libres, que l'on peut lire au sein du recueil Ode à l'homme qui fut la France.

Mes chers collègues, nous sommes à un moment important : peu à peu, les derniers témoins de cette page particulièrement tragique et douloureuse de l'histoire de France nous quittent. Cette proposition de loi permet au devoir de mémoire qui nous est si cher de continuer d'être rempli, afin que les générations futures se souviennent de ce que fut cette page si triste de notre histoire, mais également – par la volonté d'hommes et de femmes qui furent autant de pionniers – si glorieuse.

Au moment où le pays s'enfonçait dans l'abîme de la collaboration, des hommes libres se sont levés pour reprendre l'étendard de la France éternelle et poursuivre le combat pour la liberté et l'indépendance.

Cette proposition de loi assure une continuité, par le biais des cinq communes du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors, l'île de Sein. Kentoc'h Mervel, « plutôt mourir » : ces mots sont inscrits sur un monument érigé sur l'île pour rappeler le départ héroïque de ses pêcheurs : comme l'a rappelé lui-même le général de Gaulle, ils composaient en 1940 le quart de la France Libre.

Ils nous ont donné l'exemple, comme beaucoup d'autres de nos concitoyens un peu partout dans notre pays – vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État. Ce qui a fait la force de la France Libre, c'est la diversité des engagements : de l'ouvrier qui a participé à des actions de sabotage et de l'engagé du maquis de Vabre, près de chez moi, dans les corps francs de la Montagne noire, à ceux qui, à Koufra, firent le serment de ne pas se séparer avant que le drapeau tricolore ne flotte sur la cathédrale de Strasbourg.

C'est là la différence entre une nation libre et une nation asservie. Il est essentiel, il est fondamental que le travail de mémoire se poursuive. Je ne puis donc que féliciter le président Accoyer et notre collègue Michel Destot de cette initiative consensuelle, à laquelle tous les républicains, sur tous les bancs, ne peuvent manquer d'adhérer.

Je ne reviens pas sur les dispositions particulières du texte, que nous, centristes, approuvons. L'essentiel, c'est de poursuivre ce mouvement, c'est de permettre à cet effort de mémoire de se perpétuer. Nous le rendons ici possible juridiquement et financièrement.

Dans de tels moments, notre pays à l'histoire tourmentée et au devenir incertain ne peut que se retrouver pour puiser dans le passé l'inspiration qui lui permettra d'affronter l'avenir avec plus de sérénité.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous approuverons bien entendu ce texte. Chacune et chacun d'entre nous ne peut que saluer la mémoire du général de Gaulle et de l'ensemble des Compagnons de la Libération, qu'ils soient morts au combat, morts depuis ou encore en vie. Le sens du sacrifice et de l'honneur dont ils ont fait preuve dans ces moments si difficiles de notre histoire n'aura pas été vain. Des communes, comme des unités de notre armée, continueront à perpétuer cette mémoire.

Ne vont loin que les peuples qui ont de la mémoire ; en votant cette loi, nous montrerons que les Français en font partie. (Applaudissements sur tous les bancs.)

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

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