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Intervention de Jean-Pierre Dupont

Réunion du 3 juin 2010 à 10h00
Conseil national des communes compagnon de la libération — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Dupont, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que l'année 2010 ouvre un cycle commémoratif exceptionnel, avec principalement le soixante-dixième anniversaire de l'Appel du 18 juin, le président Bernard Accoyer et M. Michel Destot ont déposé une proposition de loi visant à modifier la loi du 26 mai 1999 relative au Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».

Deuxième ordre national après celui de la Légion d'honneur, l'ordre de la Libération, créé le 16 novembre 1940 à Brazzaville sur décision du général de Gaulle a pour particularité de ne plus avoir été décerné depuis 1946, exception faite en 1956 et 1960 pour Winston Churchill et le roi George VI.

Les Compagnons disparaissent progressivement. Je rappelle qu'il en reste aujourd'hui 41 vivants, le général René Lesecq étant décédé dimanche dernier. L'Ordre comptait au départ 1 036 titulaires, dont 271 à titre posthume et 65 qui avaient été tués avant le 8 mai 1945, de sorte que seuls 700 d'entre eux étaient vivants au 8 mai 1945. Il convient d'ajouter à ce nombre dix-huit unités combattantes ou bâtiments de marine.

Cette disparition progressive faisant peser un risque sur la pérennité de l'Ordre, la loi du 26 mai 1999 a prévu la création à venir d'un organisme successeur du Conseil de l'Ordre, s'appuyant sur les cinq communes « Compagnon de la Libération » : Nantes, Paris, Grenoble, Vassieux-en-Vercors et l'île de Sein. Il s'agit du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », établissement public national à caractère administratif chargé de poursuivre l'action entreprise par l'Ordre au service de la mémoire.

Adoptée à l'unanimité au terme d'un processus engagé en 1996 par le président Jacques Chirac, la loi de 1999 présente la particularité d'avoir été déposée deux fois à l'Assemblée nationale dans les mêmes termes : en avril 1997 par le gouvernement d'Alain Juppé et en juin 1997 par celui de Lionel Jospin, ce qui témoigne d'un consensus politique tout à fait exceptionnel. Je suis heureux de constater qu'il est toujours d'actualité : cela montre bien que la défense et la préservation de la mémoire combattante sont des préoccupations communes qui dépassent les clivages politiques.

La mise en oeuvre de la loi de 1999 semble toutefois se heurter à des difficultés que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui se propose justement de résoudre.

Il s'agit d'abord de tirer toutes les conséquences du décret du 16 mai 2008, qui a intégré à l'Ordre le musée de l'ordre de la Libération. Géré par une association depuis sa création en 1970, ce musée est la vitrine de l'Ordre ; installé aux Invalides, il assure la conservation, la présentation et la mise en valeur d'une collection où l'on trouve des pièces uniques telles que le manuscrit de l'Appel à tous les Français et certains vêtements personnels de Jean Moulin. Il dispose également d'une importante collection de photographies et d'archives, sans oublier une médiathèque rassemblant près de quatre mille documents.

À la suite d'un contrôle de la Cour des comptes, il est apparu que le musée ne disposait d'aucune existence juridique stable. Le décret du 16 mai 2008 a comblé ce vide en l'intégrant à l'ordre de la Libération. Celui-ci peut désormais recruter du personnel et le mettre à disposition du musée sans enfreindre le droit existant. Le chancelier en fixe le règlement intérieur et les conditions d'accès ; les recettes du musée sont reversées à l'Ordre.

La loi de 1999 ne traitait pas du musée, puisque, à cette date, il ne relevait pas de l'Ordre. Il convient donc de tirer les conséquences du décret de 2008, ce que fait l'article 1er de la proposition de loi, qui précise que le futur Conseil national devra « gérer » le musée, et non plus simplement « veiller » à son bon fonctionnement.

L'article 2 vise à permettre au futur Conseil national de recruter directement des agents contractuels. D'ailleurs, cette faculté est aujourd'hui utilisée par l'Ordre, qui en a recruté six, mais elle n'était pas prévue pour le futur Conseil national par la loi de 1999, qui évoquait seulement la mise à disposition ou le détachement de fonctionnaires de l'État ou de fonctionnaires territoriaux. Il est essentiel que le futur établissement public, qui reprendra l'ensemble des attributions actuellement exercées par la chancellerie, puisse continuer d'employer des contractuels.

L'article 3 complète l'article 8 de la loi de 1999 en introduisant de nouvelles sources de financement, en complément de la subvention versée par l'État – un peu plus d'un million d'euros par an – et des dons et legs. Il s'agit des recettes tirées du musée – qui représentent 1 % de celles du musée des armées, soit 45 000 euros – à travers les droits d'entrée, les visites-conférences, la location de salles ou d'espaces, et du placement des fonds du futur Conseil national. Cette précision est indispensable : sans elle, le futur Conseil national ne pourrait ni diversifier ses offres, ni optimiser sa trésorerie. Il s'agit de donner à l'établissement plus de souplesse, mais aussi plus de liberté et de responsabilité sur le plan financier.

Enfin, l'article 4 de la proposition de loi supprime la référence au nombre de quinze Compagnons pour l'entrée en vigueur du futur Conseil national et précise que la date de création du Conseil national est désormais fixée par la voie réglementaire. C'est un gage de souplesse, qui répond pleinement aux besoins de l'Ordre, comme ont pu me le préciser son chancelier et son secrétaire général.

Sans remettre en cause les objectifs et les solutions retenues par le législateur en 1999, la proposition de loi procède donc à quelques modifications pour que le futur Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » puisse faire vivre et respecter les traditions dont l'Ordre est porteur depuis sa création. Il sera présidé par un délégué national nommé par le Président de la République, la date butoir fixée pour sa création étant le 16 novembre 2012, ce qui correspond au soixante-douzième anniversaire de l'Ordre.

La présente proposition de loi s'inscrit pleinement dans la continuité des modifications apportées en 1999 et je ne peux que rendre hommage au travail accompli par leurs auteurs. Le consensus qui entoure cette proposition doit être relevé, car il montre l'attachement de toute la représentation nationale à l'avenir de l'Ordre.

Ainsi, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une page de l'ordre de la Libération se tourne, mais le symbole de cette croix se trouve résumé dans sa devise : Patriam servando victoriam tulit, c'est-à-dire : « En servant la patrie, il a remporté la victoire » – victoire sur l'occupation de notre pays, victoire sur la barbarie et le nazisme.

Pour tous les Compagnons – auxquels le général de Gaulle remettait la Croix en disant : « Nous vous reconnaissons comme notre compagnon pour la libération de la France dans l'honneur et par la victoire » –, pour ceux qui sont aujourd'hui disparus et ceux qui sont encore en vie, il y a dans la décision que nous prenons aujourd'hui la certitude que notre pays continuera à les honorer, à transmettre la mémoire de leur courage et de leur glorieuse épopée.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter sans réserve cette proposition de loi que la commission de la défense nationale et des forces armées a adoptée à l'unanimité et sans modification. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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