Le Service hydrographique et océanographique de la marine, est l'héritier du premier service hydrographique officiel créé dans le monde – en 1720, avec 75 ans d'avance sur les Britanniques, ce qui mérite d'être souligné dans le domaine maritime !. Service de la marine nationale depuis sa création, il est devenu en 2007 un établissement public national à caractère administratif, sous la tutelle du ministre de la défense.
Sa vocation est de garantir la qualité et la disponibilité de l'information qui décrit l'environnement physique maritime : profondeurs, marées, courants, amers, balisages, etc. À cet effet, il coordonne le recueil de l'information, son archivage et sa diffusion, pour satisfaire au plus juste coût les besoins de l'ensemble des usagers de la mer, militaires et civils. Il exerce ainsi trois missions d'intérêt général : un service hydrographique national, mission historique ; un service de la défense, mission qui a pris une dimension spécifique au fur et à mesure du développement des systèmes d'armes et des systèmes d'information et de communication ; et un soutien aux politiques publiques maritimes et du littoral, mission implicite jusqu'au changement de statut et désormais explicite dans les nouvelles dispositions codifiées en 2008 dans le code de la défense.
L'intégration de ces trois missions dans un organisme unique permet de faire jouer toutes les synergies qui les lient naturellement, ce qui est la seule façon de faire face de manière aussi économique que possible à des besoins toujours croissants et souvent critiques pour la sécurité de la navigation maritime, les opérations militaires – l'océanographie militaire est évidemment essentielle dans la conduite des opérations – et, plus généralement, la maîtrise d'un espace maritime et littoral de plus en plus sensible et convoité.
Le SHOM emploie 525 personnes – 40 % de personnel militaire et 60 % de civils – et dispose d'un budget annuel de l'ordre de 60 millions d'euros, auquel s'ajoutent les moyens nautiques – navires hydrographiques et océanographiques – mis à sa disposition par la Marine nationale pour un coût de l'ordre de 25 à 30 millions d'euros par an. Son conseil d'administration réunit, sous la présidence du chef d'état-major de la Marine, les représentants de quelques-uns – pas tous malheureusement – des ministères et partenaires concernés par son activité, tels le président de l'Association nationale des élus du littoral (ANEL).
Le SHOM inscrit résolument son action dans une logique d'amélioration constante de son efficience – il est certifié ISO 9001 depuis 2004 – et de coopération, au bénéfice de l'intérêt général, au niveau tant national qu'international, avec ses nombreux partenaires concernés par la maîtrise de l'environnement maritime et littoral.
Son action n'est guère connue voire reconnue au-delà du cercle des initiés : outre que sa culture interne fait passer le savoir-faire avant le faire-savoir, cette action s'inscrit dans le long ou le très long terme. Ainsi, l'âge des données « pertinentes » intégrées dans ses bases de données s'étage sur plus de deux siècles, ce qui est par exemple nécessaire pour traiter de l'accélération ou de la non-accélération de la hausse du niveau moyen des mers. En fait, l'importance de l'action du SHOM, ses limites et l'étendue du « reste à faire » ne sont sensibles que lors d'accidents ou de catastrophes.
La tempête Xynthia en est malheureusement une illustration concrète. Cette catastrophe implique le SHOM en ce qui concerne tant le volet « à froid » de l'évaluation des risques, de la prévention et du retour d'expérience, que le volet opérationnel des systèmes de prévision et d'alerte.
Trois fonctions sont ici mobilisées.
Une fonction, récemment formalisée par une instruction du Premier ministre, de « référent » en matière de niveau de la mer, ce qui va de la coordination des observations à la diffusion, dans des annuaires ou sur notre site Internet, des prédictions dites « de marée ».
Une fonction de service hydrographique national, responsable à ce titre du volet « géométrique » de l'infrastructure géospatiale maritime nationale – la bathymétrie – dont sont issues les cartes marines, mais qui est aussi l'un des éléments essentiels de la capacité de modélisation et de prévision des phénomènes côtiers et, plus généralement, de la gestion intégrée des zones côtières, compte tenu de leur complexité.
Une fonction de soutien opérationnel des forces, dont les capacités sont aussi mobilisables et mobilisées pour le soutien des politiques publiques maritimes et du littoral, notamment à travers le développement dual de l'océanographie opérationnelle qui est l'un des domaines d'excellence de notre pays grâce à l'action résolue et concertée des principaux acteurs – Centre national d'études spatiales (CNES), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), Institut de recherche pour le développement (IRD), Météo-France et SHOM – réunis au sein de Mercator Océan, groupement d'intérêt public en cours de transformation en société civile – et dont l'extension du domaine hauturier vers le domaine côtier est développée à travers le projet PREVIMER coordonné par l'IFREMER.
Les questions que soulève la tempête Xynthia sont complexes. Le SHOM n'est qu'une des briques de l'ensemble apte à y répondre. Ces questions confirment un besoin jusqu'alors sous-estimé de connaissances mais mis en exergue par le Grenelle de la mer, qui porte non seulement sur les abysses, mais aussi sur la zone littorale, siège de la « délicate rencontre entre la terre et la mer », pour reprendre l'un des thèmes du Grenelle. En effet, la prévention des risques sur les plages, dans les ports et sur la terre passe d'abord par la connaissance et la compréhension de ce qui se passe en mer.
Je l'ai dit, la satisfaction de ce besoin s'inscrit nécessairement dans le temps long. À cet égard, les décisions prises par le comité interministériel de la mer de décembre 2009 et visant à mettre en place des programmes nationaux apparaissent aujourd'hui particulièrement pertinentes.
La réponse aux questions soulevées par Xynthia ne doit pas être traitée isolément si l'on veut être efficace et économe des deniers publics. Elle relève d'une approche « multi-risques » et nécessite donc d'assembler des compétences pluridisciplinaires pour croiser objectivement les aléas et les enjeux, pour cadrer les risques que nos moyens nécessairement contraints permettent de maîtriser – par exemple, en construisant et en entretenant des digues – et pour instituer des systèmes de prévision et d'alerte permettant de limiter autant que possible l'impact des risques dépassant nos capacités de prévention ou de protection a priori. La réponse est en bonne partie dans le maintien, voire dans l'accélération, d'un effort de recherche et développement en cours, et dans le bon aboutissement d'actions engagées par les différents acteurs.
Pour le SHOM, ces actions sont de trois ordres. En premier lieu celles dont il a la responsabilité, par exemple la consolidation de son réseau d'observation du niveau de la mer. En deuxième lieu, celles qu'il conduit avec d'autres partenaires : le projet Litto3D avec l'IGN, à la demande du comité interministériel de la mer (CIMER) de 2003, puis du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) de 2004, et pour lequel nous devons donner un coup d'accélérateur à la suite du CIMER de 2009 qui a demandé l'élaboration d'un programme national à cette fin ; ou le projet PREVIMER, que j'ai déjà évoqué et qui n'est à l'heure actuelle qu'au stade du démonstrateur. Enfin, des actions auxquelles le SHOM est associé, comme le projet de centre national d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique nord-est et la Méditerranée, piloté par le Commissariat à l'énergie atomique – CEA –, ou le projet de dispositif de vigilance « vagues-submersion » piloté par Météo-France et auquel sont également associés le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETMEF) et l'IFREMER.
Cela suppose d'assurer dans la durée, au-delà des crises, la cohérence des moyens alloués aux opérateurs concernés avec les attentes exprimées à leur égard, et de veiller à la coordination du pilotage de leurs actions.