Toutes les interrogations formulées ici reflètent clairement une difficulté originelle : la définition du dopage qui sous-tend la définition de l'interdit. Du fait de cette complexité initiale, les réponses ne sont pas évidentes.
Un premier constat : il faut faire très attention à ne pas mélanger dopage et addiction. Le dopage est aujourd'hui un « vaste fatras » et cela nuit énormément à la lutte contre le dopage. Un exemple souligné à juste titre par M. Bernard Debré : l'EPO et les stages en altitude. C'est un exemple caricatural, mais très parlant : l'EPO est interdit alors que les stages en altitude ne le sont pas – tout comme le passage en caisson hypobare d'ailleurs. Pourtant, toutes ces méthodes aboutissent au même résultat : la polyglobulie, considérée comme du dopage si elle provient de l'EPO, mais pas dans les deux derniers cas.
La lutte contre le dopage cherche à garantir l'équité entre les sportifs, mais elle se fourvoie : l'équité n'existe pas dans le sport. Il existe des différences de moyens entre sportifs – tel sportif aura les moyens financiers de faire un stage en altitude, tel autre ne les aura pas –, des différences physiques, etc. Le sport se débat aujourd'hui avec force contre le dopage mais l'application de ces principes en théorie simples me semble insensée. Le parallélisme avec la sécurité routière est intéressant : sur la route, si la norme est fixée à 90 kmh, il est simple de dire qu'on est en infraction à 91 kmh. La lutte contre le dopage est beaucoup plus complexe car les risques d'injustice sont énormes et les frontières difficiles à déterminer. Le cyclisme est très contrôlé, mais, pour autant, son blason est très loin d'être redoré.
On est aujourd'hui dans la course au déploiement des moyens alors que l'on n'a pas encore réfléchi à la racine du problème. Un des produits les plus dopants est, à mon sens, un anti-inflammatoire non stéroïdien qui n'est pourtant actuellement pas considéré comme dopant. Comme de nombreux rugbymen, j'en ai pris en grande quantité pour me soulager après chaque compétition. Je pense qu'une des causes du problème vient d'une vision bien trop hygiéniste du sport de haut niveau. Marcher vingt minutes par jour contribue à maintenir une bonne hygiène de vie, mais en aucun cas la pratique du sport de haut niveau ne peut être assimilée à cela : c'est avant tout une passion, mais une passion parfois lourde de conséquences pour le corps de ces sportifs, car un effort intensif, dans la durée, laisse des traces et les sportifs sont meurtris après ces années de sport professionnel.