S'agissant de la charge de travail des sportifs et de la difficulté de certaines épreuves, notamment de certaines étapes du Tour de France ou d'Italie, on constate une certaine désinformation, parfois relayée par les sportifs. Les entraîneurs sont formés et des outils existent. On peut notamment utiliser une batterie de tests de suivi longitudinal pour savoir à quel moment il y a surentraînement, lequel est toujours visible. Un sportif membre d'un club a un bon entraîneur et le surentraînement n'est dans ce cas pas possible. Il est plus fréquent là où il n'existe pas de bons entraîneurs, ou pas de clubs, comme ce fut le cas à une époque dans le biathlon ou le triathlon.
Par ailleurs, la capacité à supporter des charges croissantes d'entraînement est le propre de tout entraînement : un entraînement permet d'augmenter la charge par adaptation. On le voit, entre ce qui se dit et ce qui est fait, le chemin est important…
En outre, dans certains sports, il n'y a pas surentraînement mais mauvaise conduite de l'entraînement. Ainsi, un sportif blessé qui revient trop tôt en compétition se blessera à nouveau et connaîtra des problèmes de consolidation. Lorsque, avec une entorse à la cheville, un joueur revient sur le terrain quinze jours après s'être blessé, il y a un petit souci…
À l'inverse, sur le Tour de France, les étapes sont certes longues et les cols difficiles, mais cela ne pose pas de réels problèmes lorsque l'on est bien entraîné, car une compétition cycliste – paradoxalement – comporte de nombreuses périodes de récupération. C'est même un des sports qui en comporte le plus. Lors d'un entraînement de cinq heures, on considère que deux heures sont de pure récupération. Sur deux cents kilomètres de course cycliste, 15 à 20 % est considéré comme du « non-effort » du fait des phénomènes d'aspiration et des descentes.
Pourtant, le cyclisme est toujours considéré par l'opinion publique comme un sport inhumain, demandant des efforts démesurés. Pourquoi pas, si cela participe à sa légende, mais je pense qu'il ne faut objectivement pas tout mélanger. Si, pour des raisons de lutte contre le dopage, l'effort demandé aux cyclistes est moindre, je pense que les spectateurs ne seront plus au rendez-vous et les grands champions non plus. On ne se dope d'ailleurs pas pour produire un effort dans la durée, mais pour aller plus vite. On peut donc raisonnablement estimer qu'on se dope moins sur le Tour de France que pour réaliser un 100 m.
S'agissant de la coramine glucose, je vous rappelle que tout le monde en prenait à mon époque puisque ce n'était pas considéré comme un produit dopant. Puis la réglementation a changé. C'est pour cette raison que je plaidais déjà il y a plus de vingt ans pour la mise en place d'un suivi médical longitudinal des sportifs, qui aurait en quelque sorte constitué une « médecine du travail » pour ces sportifs. Lorsque j'avais fait cette proposition à la Commission nationale, on m'avait pris pour un fou. Or, vingt ans plus tard, l'affaire Festina a conduit le Dr Armand Mégret – qui avait été auparavant pendant quatorze ans le médecin de mon équipe – à reprendre avec succès cette idée… Je suis persuadé que, si le système avait été mis en place vingt ans plus tôt, on n'aurait jamais eu à traiter le problème de l'EPO.
Je suis par ailleurs inquiet du décalage existant entre la prévention, la sanction et les discours médiatiques. Ainsi, aujourd'hui, lorsqu'un sportif est dopé, il devient très rapidement une star et augmente sa notoriété. Après une bonne campagne de communication, on le considère même souvent comme une victime ! Sa côte de sympathie progresse par la même occasion, ce qui augmente sa valeur commerciale. Après une telle affaire, il peut donc négocier un nouveau contrat ! Cela me semble inadmissible alors que l'on devrait être dans une logique de sanction de ce type de comportement. Accusé de dopage, Ivan Basso, par exemple, a produit en moyenne un communiqué de presse tous les deux jours pendant quatre ans, communiqué repris régulièrement dans la presse. Ces méthodes lui ont donné une visibilité médiatique que n'aura jamais un sportif non dopé, même performant ! De même, Richard Virenque ou Alexandre Vinokourov sont devenus des icônes dans les mêmes circonstances. Quel exemple donnent-ils à nos jeunes ? Comment ensuite tenir un discours cohérent en termes d'éducation sportive ?
Le cas Armstrong est, à ce titre, symptomatique, comme le montre l'article paru dans Le Monde ce week-end. Les doutes et les suspicions sur ses méthodes sont entretenus depuis des années par les déclarations de ses équipiers, de ses encadrants, du laboratoire de Chatenay-Malabry. Aujourd'hui, une nouvelle campagne tend à nouveau à émettre de sérieux doutes sur son cas et, plus grave, sur la crédibilité de la lutte contre le dopage dans le cyclisme. Pourtant, il n'a jamais été condamné par la justice et, au nom de la présomption d'innocence, le dossier n'est toujours pas clos. Dans ce contexte, doit-il être au départ du Tour de France ? S'il n'avait rien à se reprocher, il plaiderait lui-même pour que l'on examine rapidement tous les prélèvements qui ont été réalisés sur lui. Aujourd'hui, Armstrong est une icône mondiale. Pourtant le public n'est pas dupe. On s'honorerait donc ici à privilégier la morale au droit. Il convient d'être courageux sur ce dossier, pour lever toutes les suspicions et éviter que tous les jours, les journaux ne dissertent sur une ou deux pages de ce sujet, au lieu de parler de sport.