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Intervention de Gérard Pelhate

Réunion du 19 mai 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

Gérard Pelhate, président du conseil d'administration :

Je rappelle que le régime de retraite des agriculteurs a été créé en 1952 et consolidé en 1955, mais que, depuis cette date, notre pays a fait pour son agriculture des choix qui expliquent la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Notre agriculture est productive, compétitive, et elle a atteint son objectif de proposer des produits alimentaires à faible coût. Toutefois, les diverses incitations mises en place, notamment le versement d'indemnités viagères de départ, ont entraîné la diminution du nombre d'exploitants. Entre 1963 et 1988, ce sont 1,3 million d'exploitations qui ont été transférées dans le cadre du dispositif de cessation d'activité. Depuis vingt ans, le nombre d'exploitations a diminué de 50 % et nombreux sont les exploitants qui n'ont pas effectué une carrière complète et n'ont donc que de faibles revenus. Les choix politiques et économiques que notre pays a faits étaient justifiés par la solidarité nationale : il est donc aujourd'hui légitime de revaloriser les petites retraites agricoles.

Au sein de la MSA, nous réfléchissons à la réforme des retraites sans pour autant nous engager à la place des partenaires sociaux que sont les syndicats de salariés ou les syndicats agricoles, comme la FNSEA. Cependant nous souhaitons vous présenter quelques remarques.

Tout d'abord, il faut savoir que 97 % des salariés qui bénéficient d'une retraite agricole sont des polypensionnés. Or, la méthode de calcul utilisée pour la retraite des polypensionnés est défavorable par rapport celle qui s'applique pour les personnes qui ont toujours relevé du même régime. En effet, elle s'appuie sur les vingt-cinq meilleures années, mais à l'intérieur de chacun des régimes auxquels les salariés agricoles ont été affiliés. Ceux-ci considèrent qu'il serait plus juste que le calcul des vingt-cinq meilleures années prenne en compte l'ensemble de leur carrière, tous régimes confondus, et souhaitent vivement que le système soit amélioré.

Les salariés agricoles souhaitent, par ailleurs, que leur retraite prenne en compte les courtes périodes d'activité. L'agriculture a besoin de ces travailleurs saisonniers qui font le choix de travailler de façon irrégulière, soit à certaines périodes de l'année, soit lorsque l'occasion se présente. Ils représentent une force de travail indispensable pour l'agriculture, qui a besoin d'eux pour les récoltes ou la taille des arbres fruitiers. Or, ces personnes doivent travailler 200 heures au cours du trimestre, sous le même régime, pour que leur droit à la retraite soit validé, bien que leur employeur cotise auprès de l'organisme de retraite. Elles ont donc beaucoup de mal à rassembler le nombre de trimestres nécessaires pour une retraite à taux plein. Il faut mettre fin à cette injustice.

En ce qui concerne les exploitants agricoles, n'oublions pas que la retraite à soixante ans, mise en place en 1983 pour le régime général, n'a été appliquée qu'en 1990 aux agriculteurs. C'est également à cette date qu'a été instaurée l'assiette sur le revenu réel, qui a aligné la retraite agricole sur la retraite de base du régime général. Auparavant, l'assiette de cotisation était calculée sur un revenu forfaitaire et donnait droit à un certain nombre de points, mais ceux-ci n'étaient pas alignés sur le régime général.

À la MSA, nous considérons que le régime de retraite proposé aux non-salariés de l'agriculture est exemplaire et que la base forfaitaire pourrait convenir à tous les salariés du régime général qui ont exercé une carrière complète, mais n'ont perçu que de faibles revenus. Nous estimons que ceux qui ont travaillé toute leur vie ont droit à une retraite de base. Cette solidarité nous paraît parfaitement justifiée. Le problème est qu'actuellement la solidarité s'exerce à l'intérieur du régime des exploitants agricoles, ce qui pénalise ceux qui ont atteint le plafond des cotisations, à qui l'on prend des points pour les donner aux autres. Le système est généreux, mais compte tenu de l'évolution de la structure des populations, il va devenir difficilement tenable.

Quant à la retraite par points, proportionnelle aux revenus des exploitants et basée sur l'ensemble de leur carrière, elle constitue un bon exemple.

Même s'il est difficile d'en convaincre la FNSEA, la Coordination rurale et la Confédération paysanne, la MSA considère que la retraite complémentaire obligatoire, avec un taux de cotisation de 2,97 %, représente un effort exceptionnel de la Nation : en effet, cette mesure permet, d'une part, d'accorder des droits gratuits à des personnes qui n'avaient jamais cotisé pour la retraite complémentaire et, d'autre part, d'augmenter de 90 euros par mois la retraite des exploitants ayant cessé leur activité. Cela dit, en matière de cotisations, nous sommes loin d'atteindre la parité, puisque celles versées pour les salariés agricoles sont fixées à 7,5 %. Pour aligner les taux, il faudrait augmenter progressivement la contribution pour la retraite complémentaire obligatoire des non-salariés à un niveau similaire. Cela nous amènerait à nous intéresser à la capacité contributive des exploitants agricoles, mais ce n'est pas le moment d'annoncer cela dans les campagnes…

Nous considérons également que le système de financement de la protection sociale n'est pas lisible pour les exploitants agricoles et les travailleurs indépendants. La seule chose que voit l'exploitant, c'est qu'il cotise à hauteur de 43 % de ses revenus. Il s'interroge naturellement sur ce qu'il obtient en retour. Ces cotisations lui donnent certes droit à l'assurance maladie et aux allocations familiales, mais, après tout, tout le monde y a droit. Dès lors, en tant que responsable d'une entreprise, il fait ce qu'il faut pour échapper… Le seul retour sur investissement concerne sa retraite – qu'il calcule d'ailleurs sur l'ensemble de ses cotisations et non sur les 13 % de cotisations destinés à l'organisme de retraite. Il est donc amené – et vous lui avez donné des outils pour le faire – à optimiser son assiette sociale, en créant des sociétés ou en jouant sur les plus-values, afin de limiter ses cotisations, car il a besoin de financements pour investir et faire tourner son exploitation. Certes, cet argent n'est pas perdu puisqu'il est au service de l'économie – ce qu'ont souhaité les parlementaires –, mais la retraite de l'exploitant s'en trouve diminuée et n'est plus le revenu de remplacement qu'il aurait pu souhaiter.

Pour que le système soit lisible, il faut que les prestations universelles (maladie, famille) soient financées par d'autres ressources que les cotisations sur le travail. Il vous appartient d'en débattre, mesdames et messieurs les députés, mais cela pourrait passer par l'instauration d'une TVA sociale, par l'augmentation de la CSG ou par le biais d'un impôt. Si seules les cotisations pour la retraite étaient proportionnelles à son activité, l'exploitant agricole échapperait à l'obligation d'optimiser ses revenus.

Permettez-moi de vous faire une proposition – qui ne fait sans doute pas partie de celles qui nous seront bientôt proposées. Actuellement les points acquis pour la retraite portent sur l'ensemble de la carrière de l'exploitant, ce qui intègre les mauvaises années. Malheureusement, en agriculture, celles-ci sont nombreuses. Ne peut-on, sur les trente ou quarante ans d'activité qu'effectuent la plupart des exploitants, retirer quatre ou cinq mauvaises années pour ne conserver que les vingt-cinq meilleures ?

Nous souhaitons enfin que la solidarité ne s'exerce pas uniquement à l'intérieur du seul régime agricole, mais soit répartie sur l'ensemble de la population.

Pour autant, nous avons compris que ces réformes paramétriques ne sauraient apporter une solution réelle au problème qui se pose ; celle-ci passe peut-être par des mesures plus radicales. Si un basculement du régime devait avoir lieu, il faudrait qu'il soit mis en place rapidement, afin d'éviter de cumuler deux systèmes trop longtemps, sachant qu'il faudrait un an ou deux pour effectuer les ajustements informatiques.

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