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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 18 mai 2010 à 18h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Je commencerai par remettre le projet de loi dans son contexte. Il s'inscrit dans la droite ligne des décisions arrêtées à la suite de la crise financière, au cours des trois G20 qui se sont tenus successivement à Washington, Londres et Pittsburgh, lesquels reposent sur un principe fondamental : aucun pays, aucun marché, aucune institution ou aucun opérateur financier, aucun produit ne devra échapper à une supervision et à des normes communes.

Des chantiers ont été ouverts, des progrès enregistrés, mais le temps de la démocratie n'est pas celui du marché et il défie notre impatience commune. Il faut continuer à agir notamment à l'échelle nationale pour réguler les marchés financiers, éviter de nouvelles crises et accélérer la reprise en recentrant la finance sur le financement de l'économie.

L'Écofin qui s'est tenu aujourd'hui a fait quelques avancées dans la régulation des trous noirs de la finance, c'est-à-dire principalement les marchés de dérivés de gré à gré, les agences de notation et les fonds alternatifs – ou hedge funds –, propices à la spéculation, faute de supervision et de clarté. Le G20 de Pittsburgh avait exigé que « toutes les transactions soient enregistrées dans des bases de données » et réclamé que, d'ici à la fin de 2012, les transactions sur dérivés standardisés soient dénouées par l'intermédiaire de chambres de compensation.

Nous avons bien avancé sur les fonds alternatifs puisque, cet après-midi même, le texte élaboré au sein d'Écofin a été approuvé à la majorité qualifiée, la Grande-Bretagne ayant émis des réserves. Nous avons donné mandat à la présidence d'Écofin pour qu'elle négocie avec le Parlement européen et la Commission un projet commun.

En ce qui concerne les produits dérivés, la Commission européenne, en la personne de Michel Barnier, s'est engagée à proposer en juin une directive. La France exigera des infrastructures solides : des chambres de compensation ayant le statut d'établissement de crédit, donc accès à la liquidité de leur banque centrale, ce qui alimente la discussion avec nos amis britanniques qui n'en voient pas la nécessité et s'interrogent sur l'opportunité d'ouvrir une chambre de compensation en zone euro. Il faut savoir que, depuis le 28 mars, une chambre de compensation fonctionne au plan national pour les dérivés de crédit. Je souhaite travailler avec la représentation nationale pour que le projet de loi de régulation bancaire et financière accompagne le développement de ces infrastructures, afin de nous assurer que, en 2012, plus aucun marché dérivé n'échappera au contrôle.

Venons-en aux agences de notation dont le G20 avait décidé, en novembre 2008, qu'elles devraient être enregistrées. L'échéance avait été fixée à la fin de 2009 et la présidence française, en novembre 2008, avait donné l'impulsion, l'objectif étant d'obtenir le dépôt des systèmes de modélisation et de classement de ces agences. C'est le 7 juin prochain qu'entrera en vigueur le texte qui confie cette tâche à l'Autorité des marchés financiers.

J'en termine par les paradis fiscaux et prudentiels qui illustrent aussi l'écart qu'il y a entre le temps des marchés et celui du législateur. Dans le sillage du G20 de Pittsburgh, il avait été décidé de faire la clarté sur le sujet. Depuis près d'un an, plus de 300 accords d'échange d'informations ont été signés entre des « paradis fiscaux » et d'autres États, dont, je le concède, 10 % de paradis fiscaux. Mais la route est encore longue car les documents doivent ensuite être ratifiés par les Parlements, avant d'entrer en application. En votant la loi de finances rectificative pour 2009, le Parlement français a, quant à lui, adopté des mesures de rétorsion sévères à l'encontre des opérateurs utilisant les paradis fiscaux, qui sont frappés d'une fiscalité très lourde.

Pour parachever l'édifice, il manquait des acteurs pour mettre en oeuvre les décisions. Le G20 a créé le Conseil de stabilité financière, véritable tour de guet qui avait aussi vocation à prescrire la norme pour prévenir le risque systémique. L'Union européenne a transposé le principe en intronisant le Conseil européen du risque systémique.

Mais surveiller ne suffit pas. C'est pourquoi une taxation du secteur financier est à l'étude. Le Fonds monétaire international nous a soumis un premier rapport qui indique des pistes en matière d'assiette – les transactions financières ou des postes du bilan des banques. Nous avons été plusieurs à lui demander de pousser plus avant ses travaux et de soumettre au G20 des recommandations. La crise financière qui touche plus particulièrement la zone euro accentue l'urgence, et des pays comme l'Allemagne ou même la Grande-Bretagne évoluent pour s'approcher de notre position et réclamer un mécanisme de taxation suffisamment large pour atteindre ceux qui sont susceptibles de présenter un risque systémique en raison de leur taille ou de leur comportement.

Refonder et renforcer la régulation des banques, tel est le but de ce projet de loi et des décisions prises tant au plan international qu'européen. La régulation bancaire a été au coeur du G20. Le Comité de Bâle qui rassemble la plupart des gouverneurs des banques centrales, des superviseurs des autorités de marché dans les secteurs de l'assurance, des banques et des bourses, a fait des propositions à la fin de 2009 pour refonder les règles prudentielles sur quatre principes simples : plus de fonds propres en face des activités les plus risquées ; des fonds propres de meilleure qualité ; des règles supplémentaires pour mieux gérer le risque de liquidité ; une atténuation du caractère procyclique du tandem règles prudentielles-normes comptables.

Ces initiatives sont largement combattues par le secteur financier qui objecte que le renforcement des fonds propres risque d'assécher la distribution de crédit et de provoquer un désavantage compétitif par rapport à la concurrence étrangère qui échappe à ces règles. Il faut prendre en considération ces arguments mais ne pas les surestimer. L'augmentation des capitaux propres me paraît indispensable.

Transposer les décisions au niveau national signifie que les règles doivent être homogènes entre des places comme Paris, Londres ou Francfort. En novembre dernier, j'ai publié l'arrêté qui encadre les bonus des opérateurs de marché en application des règles qui avaient été décidées par le G20. Nous sommes les premiers à l'avoir fait.

Après une longue concertation, la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles ont été fusionnées. En dépit des réticences rencontrées, ce rapprochement, opéré par ordonnance comme la loi de modernisation de l'économie l'a autorisé, était nécessaire pour couvrir le spectre complet des activités de banque et d'assurance, y compris la distribution de produits financiers. Avec cette autorité unique, il n'y a plus d'angle mort.

Le projet de loi de réglementation bancaire et financière va plus loin en créant un conseil de la régulation financière et des risques systémiques qui réunit, sous le contrôle du ministère de l'Économie, toutes les autorités de contrôle, c'est-à-dire l'autorité de contrôle du secteur bancaire et des assurances et l'Autorité des marchés financiers ainsi que la direction du Trésor. Ce conseil est en quelque sorte calqué sur l'autorité de supervision des risques systémiques, chargée d'analyser et prévenir les risques au niveau européen. Il sera en outre chargé de coordonner l'action internationale de notre pays dans ces domaines, pour la rendre plus efficace.

L'AMF sera également dotée des pouvoirs nécessaires au contrôle et à la sanction des agences de notation. Le projet tire également les conclusions du constat fait en 2008 selon lequel l'AMF ne disposait pas des pouvoirs d'urgence lui permettant de suspendre, par exemple, les ventes à découvert.

Le texte améliore par ailleurs l'efficacité du contrôle et de la supervision des groupes transfrontaliers par la mise en place des collèges de superviseurs et le renforcement des échanges d'information entre autorités de contrôle. Nous essayons, là aussi, de reproduire au niveau national ce qui a été conçu au niveau européen, c'est-à-dire un comité de supervision des risques et une gestion transfrontalière des groupes bancaires et financiers susceptibles de présenter des risques systémiques.

S'agissant du second volet, j'entends vos remarques, monsieur le président, sur la disparition du dispositif relatif à Oséo car ce projet est aussi destiné à faciliter le financement de l'économie pour soutenir la reprise. Nous devons en effet améliorer le potentiel de croissance détruit par la crise financière. Pour ce faire, le projet prévoit d'améliorer le financement des grandes entreprises, des PME et des ménages grâce, s'agissant de ces derniers, à un instrument financier supplémentaire.

En ce qui concerne les grandes entreprises, un investisseur qui souhaitera obtenir plus de 33 % du capital ou des droits de vote d'une société devra automatiquement déposer une offre publique d'achat sur l'intégralité du capital de la société. Les personnes agissant de concert devront additionner leur participation et seront regardées comme solidaires. Afin de clarifier cette responsabilité, la réforme précise que deux personnes qui ont passé un accord en vue d'obtenir le contrôle d'une société agissent de concert. Il s'agit d'éviter les prises de contrôle rampantes.

Améliorer le financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire est une tâche fondamentale pour stimuler la reprise. Il faut en particulier leur faciliter l'accès aux fonds propres. Sur Alternext, qui est leur marché de référence, obligation sera faite à un investisseur détenant plus de 50 % du capital de déposer une offre publique d'achat, et à l'actionnaire qui deviendrait extrêmement majoritaire de faire une offre de retrait.

J'en profite pour faire une incidente. J'avais demandé à M. Demarigny un rapport sur le financement au niveau européen des petites et moyennes entreprises et des ETI. Après avoir donné une définition des entreprises concernées, qu'il dénomme SMILEs, les Small and Medium Size Issuers Listed in Europe, c'est-à-dire les petites et moyennes entreprises émettant sur le marché, le rapport préconise d'améliorer la liquidité et de donner de la profondeur au marché, sans remettre en cause les marchés nationaux, en faisant fonctionner en symbiose les plates-formes de type Alternext. Un fonctionnement étroit entre plates-formes européennes contribuera à faciliter l'accès de ces entreprises aux capitaux européens.

Enfin, le projet propose un nouvel outil à la disposition des banques pour refinancer les prêts immobiliers consentis aux ménages. Il fonctionnerait sur le modèle des obligations foncières, qui ont bien résisté à la crise. Les obligations à l'habitat faciliteront l'accès des ménages au crédit immobilier.

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