Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Parlement a adopté, en juillet 2008, une réforme constitutionnelle d'une ampleur sans précédent depuis 1958, dont le but affiché – comme les effets réels – est de redonner plus de pouvoirs au Parlement qu'il n'en n'a jamais eus depuis l'avènement de la ve République.
Le groupe Nouveau Centre de l'Assemblée nationale et nos amis de l'Union Centriste du Sénat ont permis par leurs votes – joints à d'autres, naturellement – l'adoption de cette révision et souhaitent voir son entrée en application dans les meilleurs délais. J'ai entendu, tout au long de la journée, certains de nos collègues de l'opposition affirmer qu'ils souhaitaient l'application de cette révision afin que le Parlement dispose de davantage de pouvoirs, nonobstant le fait qu'ils n'ont pas voté cette révision et continuent, dans les faits, à s'y opposer.
Ce rééquilibrage des pouvoirs trouve aujourd'hui une première traduction dans le projet de loi organique qui nous est soumis.
Le droit de résolution, un droit parlementaire qui avait été aboli en 1958 suite aux abus qui en avaient été faits sous la ive République, est rétabli dans les dispositions prévues dans le premier chapitre du projet de loi. C'est un droit important, en faveur duquel les centristes de l'Assemblée nationale et du Sénat avaient beaucoup argumenté lors des débats sur la révision constitutionnelle.
Le projet qui nous est proposé prévoit de rétablir le droit de chaque parlementaire de déposer des résolutions, c'est-à-dire de choisir un sujet qu'il souhaite voir débattre et le soumettre au vote. C'est un point important, car il était invraisemblable et assez unique dans les démocraties occidentales que, depuis cinquante ans, les parlementaires, de quelque bord qu'ils soient, en soient en permanence réduits à quémander le consentement du pouvoir exécutif pour obtenir qu'un débat soit organisé sur un thème auquel ils tiennent particulièrement.
Souvenez-vous, chers collègues, de la décision solitaire de Jacques Chirac, alors chef de l'État, de lancer le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne contre la volonté d'une très grande majorité des parlementaires français sur de nombreux bancs – c'est-à-dire des représentants du peuple français – sans même que nous ayons le droit, à aucun moment, de nous prononcer par un vote. Nous n'avions alors eu droit qu'à un débat très pauvre au sein de notre hémicycle. On ne parlait pas alors, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, d'omniprésidence ou d'égoprésidence. Pourtant une telle décision en relevait totalement et nous étions peu nombreux à dénoncer une démocratie bâillonnée où le Parlement n'avait que le droit d'observer, sans dire son mot.
C'est donc une avancée réelle que ce rétablissement du droit de résolution, qui doit permettre au Parlement de faire connaître son opinion même si l'exécutif n'est pas d'accord. Bien sûr, ce droit est encadré pour éviter que le Parlement détourne cette procédure pour mettre en cause la responsabilité ou donner une obligation au Gouvernement. Cependant rien n'empêchera les parlementaires de faire entendre leur voix sur un sujet de leur choix dès lors qu'ils respecteront cette disposition.
Je regrette toutefois, monsieur le secrétaire d'État, que la Constitution ait confié au Premier ministre et pas aux présidents des assemblées le soin de vérifier si les propositions de résolution étaient conformes à notre bloc constitutionnel. Quoi qu'il en soit, si le Premier ministre venait à s'y opposer, le Conseil constitutionnel serait amené à se prononcer sur un éventuel abus de la part du Gouvernement.
Plus important, il ne faut pas que le droit de dépôt de résolution reste un droit virtuel, dans la mesure où il n'y aurait pas de garanties que ces résolutions – ou au moins une partie d'entre elles – viennent en discussion sur décision des groupes politiques qui les auraient déposées. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons rendre ce droit réel et garanti en inscrivant dans le bloc constitutionnel le droit pour chaque groupe parlementaire de faire inscrire deux de ses propositions de résolution par session. Le total de huit propositions auquel nous aboutirions ne serait, convenez-en, pas excessif.
Le projet de loi organique ouvre ensuite un second droit important, celui pour les parlementaires que nous sommes d'être parfaitement informés par le Gouvernement non seulement de ses motivations – ce qui est déjà le cas aujourd'hui – mais aussi des travaux d'évaluation préalables à l'élaboration du projet de loi, des possibilités d'agir et de leurs limites à législation constante, des consultations menées avant la saisine du Conseil d'État et d'une programmation dans le temps de la nouvelle législation. Tout cela représente déjà une avancée.
Néanmoins si, comme l'affirme le Gouvernement, on veut revaloriser le travail du Parlement, il faut aller plus loin pour éviter que se débattent et se votent ici des lois superfétatoires ou des projets qui n'ont leur place que dans le domaine réglementaire ou, pire encore, des projets de loi qui ne sont que des déclarations d'intention, parfois de simples outils de communication.
Nous avons tous vu entrer en action, ces dix dernières années, cette véritable mitrailleuse législative qui fait de chaque problème, quelle que soit sa nature, un projet de loi. On frôle le ridicule quand, à chaque fois qu'un chien mord un enfant, il se trouve un ministre pour proposer une loi en urgence et faire le tour des plateaux de télévision pour tenter de convaincre que l'on a réagi. Nous déplorons tous que moins d'un tiers des textes que nous votons, et sur lesquels nous passons parfois beaucoup de temps, soient effectivement entrés en application plusieurs années après.
Je le répète, il nous faut aller plus loin, et, sur ce point, nous souhaitons que le Gouvernement soit attentif aux dispositions complémentaires au chapitre II proposées par notre rapporteur de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, dont Manuel Valls a, à juste titre, souligné que la plupart ont été adoptées à l'unanimité de la commission. Cela montre que les députés ne veulent plus voter en aveugle des textes mal travaillés, mal évalués, mal suivis d'effet, afin de ne pas se perdre dans des débats et des projets inutiles, voire nuisibles, qui discréditent la vie politique et particulièrement la vie parlementaire.
Nous savons que cela impose quelques contraintes supplémentaires au Gouvernement. Cependant, cela est éminemment nécessaire, d'une part pour que nous soyons assurés de l'égalité d'information entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, d'autre part pour garantir qu'un travail sérieux et approfondi a été accompli par le Gouvernement avant de saisir les assemblées parlementaires.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, le groupe Nouveau Centre soutiendra fermement la totalité des propositions de notre rapporteur adoptées en commission, qui sont pour nous la garantie de retrouver le sérieux et la solidité qui sont indispensables quand on touche à ce domaine sacré qu'est la loi,
Après avoir pris acte de ces avancées supplémentaires qui donnent, comme la révision constitutionnelle, des pouvoirs en plus au Parlement, j'en viens au chapitre III, lequel contient les dispositions les plus contestées du texte qui nous est soumis. Si l'article 11 ne pose pas de réelles difficultés, il n'en est pas de même pour les articles 12 et 13.
L'article 12 prévoit une procédure d'examen simplifié en séance plénière pour des textes qui peuvent être traités au fond en commission et qui ne nécessitent pas un débat approfondi dans l'hémicycle. Cette possibilité, qui existe déjà dans le règlement de nos assemblées, est une bonne chose. Toutefois notre tradition intègre également l'idée que cette procédure n'est possible qu'à la condition qu'aucun des présidents de groupe ne s'y oppose, afin d'éviter un détournement de procédure par l'exécutif, qui utiliserait l'examen simplifié pour faire adopter un texte qui le gênerait. Or cette réserve cette forme d'un droit de veto n'est pas reprise dans le texte du Gouvernement, laissant subsister un risque que nous souhaitons voir disparaître.
Je rappelle à chacun de nos collègues que les notions de majorité et d'opposition sont éminemment précaires et que l'on a pu voir, par le passé, une autre majorité commettre des abus. C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons, chers collègues, un amendement qui donne le droit à un président de groupe de s'opposer à cette procédure s'il la juge inappropriée. C'est pour nous une garantie fondamentale de nos libertés de parlementaires, mais aussi la garantie de ne pas nous retrouver un jour avec un député, un président de l'Assemblée ou un ministre socialiste qui déciderait, comme on a pu l'entendre dans les années quatre-vingt, que nous avons juridiquement tort puisque politiquement minoritaires.
Quant à l'article 13, je le dis tout net, monsieur le secrétaire d'État, il vous faudra le réécrire si vous voulez notre soutien, car il n'est pas acceptable en l'état.