Il y a effectivement un problème de surconsommation de médicaments dans notre pays : 90 % des visites chez le médecin en France se terminent par une prescription alors que le taux est bien moindre dans d'autres pays.
Les actions de maîtrise médicalisée ont été renforcées au travers de nombreuses mesures que j'ai portées et qui ont été adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, notamment la mise sous entente préalable pour les gros prescripteurs. Il faut concilier la maîtrise médicalisée avec le principe, auquel nous sommes très attachés, de l'accès généralisé et équitable de la population à l'ensemble des médicaments.
La visite médicale n'est pas seule responsable de la surconsommation de médicaments. Cette dernière résulte également du fait que nous avons un champ de protection sociale très large et que nous gardons le taux de prise en charge socialisée des dépenses de santé parmi les plus élevés du monde. La France figure parmi les trois pays qui garantissent le taux de couverture socialisée le plus haut. Par ailleurs, la pratique généralisée du tiers payant crée par nature une demande plus importante, comparativement à nos voisins européens. En notre qualité de docteurs en pharmacie, madame la rapporteure, nous avons pu constater les dérives dues à la déresponsabilisation de la demande. Loin de moi l'envie de critiquer ce que je considère comme une avancée sociale, sur laquelle il ne s'agit pas de revenir, mais on peut quand même indiquer que nous payons celle-ci d'une certaine surconsommation.
L'impact direct ou indirect de la consommation des médicaments sur la morbidité et la mortalité doit être évaluée plus finement, en définissant des indicateurs par pathologie, région, mode de prise en charge, stratégies thérapeutiques, etc. pour mieux cibler les traitements. La faiblesse de l'épidémiologie et notamment de la pharmaco-épidémiologie dans notre pays rendent le suivi de ce type d'indicateurs complexe. J'ai souhaité que ce sujet soit identifié comme prioritaire dans le cadre des travaux du comité stratégique des industries de santé (CSIS).
J'ai également souhaité que la Haute Autorité de santé (HAS) soit investie d'une mission médico-économique, dont elle était privée jusque-là. Elle devra ainsi mieux analyser le rapport coût-bénéfices d'une stratégie de traitement.
Cela étant, il n'y a pas que des inconvénients à cette consommation de médicaments. Les résultats d'une étude académique récente du Commonwealth Fund placent la France à la première place de dix-neuf pays industrialisés pour la prise en charge de maladies médicalement curables. Il ne s'agit pas de clamer que nous sommes les meilleurs mais il faut veiller à ce que les mesures de régulation soient compatibles avec ces bons résultats.
Si j'ai fait ce préambule avant de répondre à votre question sur la visite médicale, c'est parce qu'il ne suffit pas de crier haro sur le baudet et de penser que la surconsommation est uniquement liée à celle-ci. Il faut faire, évidemment, des efforts dans ce domaine. La visite médicale pratiquée par les laboratoires pharmaceutiques n'est pas optimale : elle est trop chère, subjective, orientée vers les médicaments nouveaux, et donc, en général, les plus chers. Mais elle a le mérite d'apporter des connaissances aux prescripteurs : données cliniques, pharmacologiques. La visite médicale doit être améliorée. Les industriels du médicament s'y sont d'ailleurs engagés avec la signature de la charte de la visite médicale, en décembre 2004, et la mise en place d'une certification. La politique de « désarmement » prônée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est une piste à étudier, même si ce désarmement a déjà commencé du fait du déclin de certaines classes « grand public » et par la montée des génériques.
Dans le cadre de la mise en place de la charte, le comité économique des produits de santé (CEPS) a demandé aux laboratoires, en accord avec le LEEM, de diminuer le nombre de contacts avec les visiteurs médicaux pour quatre classes thérapeutiques : les statines, les sartans, les fluoroquinolones et les médicaments de l'asthme. Sur les quatre classes, seules deux – les sartans et les fluoroquinolones – n'ont pas rempli le contrat alors que les deux autres ont vu leur nombre de contact diminuer significativement – autour de 25 %. Pour les deux classes n'ayant pas rempli le contrat, des sanctions de baisse de prix ont été prises.
Cet effort doit être poursuivi en proposant l'élargissement de ce suivi par le CEPS à d'autres classes thérapeutiques. C'est un sujet que je suis d'extrêmement près. Il faut toujours manier la carotte et le bâton.