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Intervention de Jacques Sauret

Réunion du 12 février 2008 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jacques Sauret :

Il sera tout à fait possible de commencer au terme de ce délai et il faudra quelques mois pour couvrir l'ensemble de cette population : une fois que l'on disposera des infrastructures, la montée en charge pourra être très rapide.

S'agissant du coût, la revue de projet a considéré que nos évaluations étaient sous-estimées. Tout dépend du périmètre retenu. Si l'on intègre la carte Vitale, on fait exploser les coûts. Pour notre part, nous avons considéré que les coûts de l'évolution vers la carte Vitale 2 et de la diffusion de la carte de professionnel de santé (CPS) ne pouvaient être imputés au DMP. En effet, même si l'on renonçait aujourd'hui au DMP, le décret du 15 mai 2007 sur la sécurisation de la conservation et de la transmission des informations médicales par voie électronique entre professionnels serait appliqué et les établissements de santé seraient effectivement contraints à distribuer la CPS.

Le coût de la constitution du portail a été estimé par la Caisse des dépôts et consignations à une vingtaine de millions d'euros par an. La vérification par des audits externes a été interrompue dès lors que le gouvernement n'a pas souhaité, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), habiliter explicitement la Caisse des dépôts pour le portail. Il s'agit d'une des décisions politiques que nous attendons. Si la Caisse des dépôts n'est pas retenue, il nous faudra lancer un appel d'offres mais l'ordre de grandeur devrait être le même pour un portail capable d'absorber l'ensemble de la population. Une montée en charge progressive réduirait légèrement les coûts.

Pour un hébergement extrêmement sécurisé et une disponibilité garantie, si l'on traite plus de 10 millions de dossiers et si l'on mutualise, le coût devrait être autour d'un euro par DMP et par an. S'il y avait plusieurs hébergeurs, le coût global serait plus élevé.

Mais l'essentiel des coûts tient à l'accompagnement du changement. Les éditeurs estiment que l'adaptation des logiciels des professionnels libéraux devrait revenir à 200 € par poste. L'assurance maladie dépensant déjà une centaine de millions d'euros chaque année pour les aides à la télétransmission, peut-être pourrait-on négocier une enveloppe globale annuelle de soutien à l'utilisation d'outils informatiques qui éviterait de prendre en charge la totalité de cette adaptation. Nous estimons à environ 90 millions d'euros le coût de mise à niveau des logiciels, d'autant qu'un certain nombre d'éditeurs facturent les mises à jour ultérieures ; que la quasi-totalité des pharmaciens sont informatisés avec des dispositifs parfois obsolètes, mais en général à jour ; que 80 % des médecins sont informatisés et qu'ils utilisent l'informatique à des fins médicales dans 60 % des cas, même s'ils se contentent parfois de relever l'état civil des patients et d'imprimer leurs ordonnances.

Il y aura aussi un coût d'appropriation de l'usage, que nous estimons à 20 millions d'euros par an pendant quatre ou cinq ans. Nous considérons en effet qu'il faudra une ou deux journées de formation, non pas à l'utilisation du DMP, qui devra être très simple et nécessiter un ou deux « clics », mais pour l'appropriation psychologique et l'évolution des pratiques liée à la possibilité d'un partage d'informations. Il reste à déterminer qui prendra en charge cette formation. Nous souhaitons donc lancer en 2008 une étude pour déterminer si cela doit relever des institutions de formation médicale continue ou des éditeurs de logiciels, car le DMP ne sera accessible aux professionnels que par l'intermédiaire de leur logiciel métier. Entre 300 et 600 millions d'euros sont consacrés chaque année à la formation médicale des médecins libéraux, dont 60 millions d'argent public. Tout le reste provient de fonds privés, essentiellement des laboratoires pharmaceutiques. Il faut donc trouver la façon de mobiliser l'intégralité des moyens, se demander à quoi doit être destiné en priorité l'argent public, s'interroger sur les synergies possibles avec l'argent privé afin d'amener les professionnels de santé libéraux à utiliser le DMP.

S'agissant de la formation des personnels hospitaliers, des crédits de formation continue existent, mais il est très difficile de les mobiliser car ils servent souvent à boucler les fins de mois des établissements… Les hospitaliers considèrent qu'il convient de prévoir également le financement d'un dispositif de formation des personnels qui seront le plus amenés à utiliser le DMP et le système de partage des informations.

Pour le support, c'est-à-dire la « hot line », le coût peut être extrêmement élevé ou très réduit. Il dépendra très fortement de la montée en charge. Il nous est apparu impossible de lancer un appel d'offre à ce stade car il risquerait d'être surdimensionné ou sous-dimensionné. Qui plus est, nous disposons de la plus grande plate-forme de services en Europe, celle de l'assurance maladie. Si cette dernière acceptait de consacrer un numéro de téléphone spécifique à une sorte de « SOS-DMP », on pourrait profiter de son adaptabilité pour mesurer au cours des premières années le nombre et le type d'appels par DMP ouvert et décider ensuite s'il convient de poursuivre avec elle ou de lancer un appel d'offres. L'idée est de préserver l'avenir, le temps que l'on y voie plus clair. Chaque praticien dispose déjà d'une « hot line », opérée par les éditeurs de logiciels et, d'une certaine façon, par l'assurance maladie. Nous pensons qu'il faudrait aller vers un point d'accès unique pour le praticien mais il convient de réfléchir avec les éditeurs et avec l'assurance maladie et de tester le mécanisme avant de se lancer dans un dispositif très onéreux. Le risque de saturation de la « hot line » paraît assez limité avec l'assurance maladie, qui peut lui dédier 2 500 téléopérateurs, ce dont aucun opérateur privé n'est capable. Il serait dommage de ne pas utiliser cette capacité.

Nous sommes toutefois confrontés à une difficulté qui devra être levée à l'occasion de la concertation : pour l'instant, la loi du 13 août 2004 ne permet qu'aux professionnels de santé délivrant des soins d'accéder au DMP. Jusqu'ici, nous avons considéré qu'un téléopérateur qui répond aux patients ne pouvait pas disposer de cet accès. Or, au moment des expérimentations conduites en 2006, nous avons constaté que les patients parlaient de leur santé, ce qui pouvait d'ailleurs poser des problèmes psychologiques aux téléopérateurs des hébergeurs, qui n'ont pas été formés à cela. Nous devrons donc nous demander s'il convient de modifier la loi, non pas afin que les téléopérateurs puissent apporter des réponses médicales, mais pour qu'ils puissent avoir un aperçu du contenu afin de savoir si un document a été effectivement déposé ou par qui le DMP a été consulté. Il conviendrait sans doute que l'opérateur puisse répondre au patient qui s'inquiète de savoir pourquoi tel professionnel a accédé à son dossier. Bien évidemment, on oppose à cette idée la protection de la liberté individuelle et du secret médical. Mais il me semble qu'une « hot line » qui ne pourrait répondre qu'à des questions techniques susciterait des frustrations voire des angoisses chez les patients.

S'agissant toujours du financement, certains syndicats de professionnels de santé considèrent que le DMP demandera un travail supplémentaire et que le système ne pourra fonctionner qu'avec une aide financière. Pour ma part, je juge cela inutile et contre-productif. La demande est de deux C par patient et par an pour un médecin, soit un coût total de 3 milliards d'euros. Or cela ne changerait rien au pouvoir d'achat des médecins libéraux : si le temps de consultation augmente de 10 % en raison du DMP, les deux C ne changeront pas grand-chose au pouvoir d'achat. À l'inverse, si le DMP apporte un véritable service, on n'aura pas besoin des deux C. Qui plus est, dès lors que le gouvernement ou l'assurance maladie céderaient sur ce point, les pharmaciens, les infirmiers, les kinésithérapeutes demanderaient à être traités de la même façon.

Il me paraît d'autant plus injustifiable de consacrer de telles sommes à ce service qu'il suffit d'attendre. Microsoft est en train de tester le dispositif dans deux États des États-Unis, en vue d'une généralisation en Amérique du Nord, voire en Europe, d'ici deux ans. Deux cents personnes se consacrent à plein-temps à élaborer les interfaces avec les plates-formes techniques de Microsoft, afin que les logiciels des professionnels de santé, en hôpital comme en ville, puissent envoyer très simplement, dès lors que le patient en est d'accord, les informations qu'ils produisent vers le dispositif Healthvault. Par conséquent, si on ne fait rien, le DMP existera, simplement, il sera stocké en Amérique du Nord, dans des conditions qui ne dépendront pas des lois françaises, même si France Télécom est en discussion avec Microsoft pour essayer d'être l'opérateur du dispositif en France et en Europe. Il y a donc là aussi une décision politique à prendre pour savoir s'il appartient à la France de décider elle-même des règles selon lesquelles les informations produites par les professionnels de santé sont partagées. En tout cas, le montant à mettre pour conserver un pouvoir de décision en la matière ne doit certainement pas être de plusieurs milliards d'euros. Nous estimons qu'une fois le dispositif installé tout au plus 300 millions d'euros seront nécessaires.

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