L'AFSSAPS est l'héritière de l'Agence du médicament. C'est une autorité sanitaire déléguée. Elle a reçu une très large délégation de l'État pour accomplir des tâches d'évaluation des produits de santé, notamment l'évaluation du bénéficerisque, avant la mise sur le marché, et après la mise sur le marché.
L'Agence exerce également des missions de puissance publique, dans la mesure où elle est chargée de prendre des décisions publiques de gestion du bénéficerisque : octroi des autorisations de mise sur le marché pour les médicaments, suspension, retrait, modification du régime du médicament au fil des modifications qui peuvent se produire dans sa vie, en raison de l'évolution de la connaissance scientifique et des informations fournies par les conditions réelles d'utilisation de ce médicament, par des milliers, voire des millions de personnes ; en effet, le rapport bénéficerisque ne peut être qu'approché au moment de l'AMM.
Autre mission de puissance publique : l'inspection des sites. Il peut s'agir des sites de production, des laboratoires, des essais cliniques en France ou à l'étranger, des sites où se déploient d'autres types d'activités, comme la thérapie cellulaire.
Dernière mission, qui a pris de l'importance ces dernières années : le contrôle de qualité des produits en laboratoire. Il est bon que des laboratoires publics puissent pratiquer des contrôles, soit de façon aléatoire, soit de façon plus ciblée, en fonction d'une analyse de risques, en fonction de signaux qui leur parviennent par ailleurs, pour vérifier que les produits contiennent la quantité normale de substances actives, que leur qualité pharmaceutique est bonne et éventuellement qu'ils ne comportent pas de substances toxiques, comme on l'a vu dans certains cosmétiques importés.
Ces missions s'exercent au travers de quatre séries de métiers : l'évaluation avant et après l'AMM, l'inspection, le contrôle en laboratoire et la production d'informations touchant au bénéficerisque du médicament.
J'ai été nommé à la direction de l'AFSSAPS en février 2004, quelques mois avant le vote de la loi sur l'assurance maladie, qui a créé la Haute Autorité de santé. Le législateur a décidé de transférer les fonctions d'évaluation du service rendu à la HAS, fonctions qui étaient jusqu'alors rattachés à l'Agence, après l'avoir été au ministère de la santé. Il a donc fallu construire des articulations avec la HAS sur deux points principaux.
Le premier a été le suivi post AMM. Les études post AMM sont utiles pour mieux informer, à partir des données de la vie réelle, pour apprécier le rapport bénéficerisque du médicament – notamment le suivi de la toxicité des produits – et la réalité du service rendu, ce dernier domaine relevant de la commission de la transparence qui fait partie de la HAS.
Au deuxième semestre 2005 a été mis en place un mécanisme de coordination : d'un côté les équipes AMM et du suivi post AMM, de l'autre les équipes de la commission de la transparence. Elles se réunissent très régulièrement, environ tous les quinze jours, pour échanger sur les dossiers et les besoins d'études post AMM en fonction des produits concernés par l'évaluation. En cas d'évaluation française, les produits obtiennent l'AMM et passent ensuite à la transparence. En cas d'évaluation européenne, il faut anticiper les besoins en études post AMM avant même l'obtention de l'AMM européenne.
L'idée est de ne pas faire de demandes dispersées aux laboratoires et d'éviter que ces études ne fassent double emploi. On essaie de configurer des études post AMM susceptibles d'atteindre les deux types de résultats : les données sur le bénéficerisque actualisées en vie réelle et les données sur le service rendu et l'intérêt de santé publique ; ou bien l'on articule les demandes d'études de manière qu'il n'y ait pas de chevauchements.
Cette première collaboration est complétée par des réunions avec la Direction générale de la santé, qui ont lieu deux ou trois fois par an. On n'examine pas l'ensemble des dossiers post AMM, mais on se concentre sur quelques grands dossiers qui représentent un enjeu de santé publique ; Accomplia ou Gardazil, par exemple.
Le deuxième aspect de cette coordination avec la HAS concerne la diffusion de l'information dans le domaine des produits de santé. Il faut remarquer que le terme de « bon usage » a plusieurs significations. Pour le sens commun, c'est l'usage sûr ; c'est la manière d'utiliser le produit en maximisant ses avantages et en minimisant ses risques. Toutefois c'est aussi le bon usage du point de vue de la valeur thérapeutique : l'usage du médicament, dans une stratégie thérapeutique où il n'y a pas nécessairement que le médicament. C'est enfin le bon usage du point de vue du payeur public, dans le sens du meilleur coûtbénéfice.
L'idée a été d'échanger avec la Haute Autorité de santé pour produire des documents qui soient les plus complémentaires possibles et, dans certains cas, produire des documents sous double timbre, comme ce fut le cas pour Accomplia.
Aujourd'hui, le principal problème pour l'information publique du médicament est quantitatif. Il est lié à la capacité de produire une bonne information et de l'actualiser.
On peut citer l'exemple de coopération, hors AMM, avec la HAS et l'Institut national du cancer – INca. Lorsque le décret sur la tarification à l'activité – T2A – est sorti, il a été prévu que les hôpitaux devraient passer avec les agences régionales d'hospitalisation – ARH – des conventions portant notamment sur le bon usage des médicaments. Le ministère s'est aperçu que, pour que ces conventions réussissent, il fallait disposer de référentiels de bon usage. Le plus simple qui existe, et qui est actualisé, c'est l'AMM.
Cependant il y a de très nombreuses prescriptions hors AMM, notamment à l'hôpital et en cancérologie. Il était donc nécessaire de produire des référentiels publics qui permettent de distinguer, à l'intérieur du hors AMM, ce qui est scientifiquement acceptable, car, même si l'on n'a pas le niveau de preuve de l'AMM, on dispose de l'expérience clinique des soignants, et ce qui est scientifiquement moins acceptable, voire pas du tout. On s'est alors rendu compte qu'aucune des institutions prise isolément n'avait les moyens de produire très rapidement l'ensemble des référentiels dont on avait besoin. On s'est donc réparti la tâche de façon pragmatique : la HAS commence à produire des référentiels sur les dispositifs médicaux ; l'INca des référentiels hors AMM en cancérologie ; l'AFSSAPS des référentiels de médicaments hors cancérologie, avec un mécanisme de relecture réciproque entre les équipes d'experts des différentes institutions.