Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Jacques Aillagon

Réunion du 9 avril 2009 à 11h00
Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Jean-Jacques Aillagon, président de l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles :

C'est évidemment par boutade que j'ai évoqué, dans cet entretien, l'hypothèse de la suppression du ministère de la Culture, dans la mesure où j'affirmais simultanément mon attachement au principe même d'une action culturelle significative de l'État – laquelle, additionnée à l'action considérable des collectivités locales, permet à nos concitoyens de bénéficier d'un large accès à la culture.

Si j'ai évoqué cette disparition, c'est parce que j'étais agacé de constater que, pour un grand nombre de nos concitoyens, l'action culturelle ne serait née qu'avec la création d'un ministère de la Culture, alors que la IIIe et la IVe Républiques, qui ne disposaient pas de cet instrument, avaient déjà mis en oeuvre des politiques significatives dans ce domaine.

Par ailleurs, je suis dubitatif face à l'adulation sans discernement qu'a fini par susciter ce portefeuille. La nomination d'un ministre de la Culture doit servir à mener une politique, et non à faire plaisir à la personne concernée, même si je comprends fort bien que cela puisse faire plaisir.

Je constate enfin que ce ministère, devenu politiquement très vulnérable, est trop souvent tenté de n'être que le relais de l'opinion des populations dont il a la charge plutôt que d'être en mesure de travailler en toute indépendance aux objectifs d'une action culturelle de l'État. Ainsi, la loi relative aux droits des créateurs dont les oeuvres sont diffusées sur Internet, dont vous avez récemment débattu, donne certes satisfaction aux artistes, inquiets du mépris qui pourrait frapper leurs droits légitimes. Mais elle restera cependant, à mes yeux, largement inapplicable. Comme toujours, les usages l'emporteront. Dès lors, n'aurait-il pas mieux valu promouvoir d'autres modes de rémunération du droit des auteurs ? Je n'évoque cet exemple que parce qu'il est symptomatique du besoin auquel ce ministère est sans cesse exposé de devoir donner aux artistes des gages de sa totale orthodoxie.

Bien sûr, une telle décision de supprimer le ministère de la Culture serait, politiquement, impossible à prendre, car perçue comme le signe d'un désengagement culturel de l'État. Elle constituerait un symbole fâcheux. Continuons donc à pourvoir le poste de ministre de la Culture, mais sans perdre de vue les objectifs qu'il doit viser en sachant faire preuve d'une nécessaire liberté.

J'en viens au Louvre, qui est l'objet même de votre réflexion. Ce très grand musée, l'un des plus grands du monde, bénéficie d'un regain d'énergie depuis que l'État a engagé en sa faveur la réalisation d'un grand projet immobilier, avant de le doter, par étapes successives, d'une réelle responsabilité et d'une réelle autonomie. J'ai connu l'époque où il existait une totale et intime cohabitation entre la direction des Musées de France, la Réunion des musées nationaux et le musée du Louvre : en effet, le directeur des musées de France, qui logeait au Louvre, était le patron de fait de la RMN, dont l'administrateur général avait un bureau voisin du sien.

L'émergence du Louvre comme institution culturelle singulière a été un phénomène culturel important. Elle s'est inscrite dans le mouvement plus général inauguré avec la création du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou. Le Musée national d'art moderne avait en effet bénéficié d'emblée d'une très large autonomie culturelle et d'une autonomie totale en matière d'acquisitions.

Depuis, le phénomène a gagné l'ensemble du paysage des musées nationaux, et j'ai tenu à l'étendre lors de mon passage rue de Valois. Les musées d'Orsay et Guimet sont ainsi devenus des établissements publics ; quant au musée du Quai Branly, il l'était dès sa création. Je pense qu'il aurait fallu pousser encore plus loin le processus, même si tous les musées nationaux ne disposent pas de la taille critique justifiant la création d'un établissement public spécifique.

La situation de Versailles est plus complexe, puisqu'il s'agit à la fois d'un musée et d'un monument. C'est pourquoi son statut d'établissement public, créé en 1995, reste un peu bancal et est appelé à évoluer.

La création d'établissements publics, l'émergence de la personnalité des grands musées, le développement de leurs activités, leur succès public – chacun connaît la fréquentation du Louvre, du musée d'Orsay, du Musée national d'art moderne ou de Versailles –, l'excellence de leur bilan culturel, tout cela finit par poser la question de leurs relations avec la Réunion des musées nationaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion