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Intervention de Gilles Johanet

Réunion du 22 novembre 2007 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Gilles Johanet :

Inutile de détailler la singularité de la consommation française de médicaments, que ce soit en termes de volumes ou de coût. Je remarquerai cependant que la politique engagée il y a une quinzaine d'années pour remplacer le volume par la valeur et faire que le prix français du médicament rejoigne les standards européens et américains, a échoué. L'écart de prix négatif s'est considérablement réduit, mais l'écart de volume positif ne s'est absolument pas réduit. Cela signifie qu'il y a bien des raisons de fond, des causes majeures à l'origine de cette singularité française.

J'insisterai sur une seconde caractéristique française, qui est l'extrême opacité du système de prescription et de consommation. Nous n'avons pas de dispositif de connaissance et de suivi de la prescription hospitalière, a fortiori de la prescription hospitalière par médecin prescripteur. En 1998, lorsque je suis arrivé à la direction de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), un groupe travaillait depuis dix-huit mois sur l'individualisation de la prescription. Neuf ans plus tard, je ne doute pas qu'il continue de travailler avec acharnement, mais les résultats font partie de ce qu'on appelle les « variables discrètes ».

Autre singularité française : l'assurance maladie complémentaire n'a pas le droit de savoir ce qu'elle rembourse. C'est un problème par rapport à la loi du 13 août 2004 qui instaure un partenariat entre l'assurance maladie obligatoire et l'assurance maladie complémentaire, partenariat symbolisé par la création de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de l'Union nationale des organismes d'assurance complémentaire (UNOCAM). Et c'est un obstacle à toute recherche de performance s'agissant des contrats de complémentaire santé, puisqu'il n'est pas possible de sélectionner ce qui sera remboursé, en dehors des expérimentations Babusiaux, sur lesquelles je reviendrai, et d'autorisations acquises à titre exceptionnel.

Autre facteur d'opacité : nous n'avons pas de bilan de la politique conventionnelle suivie entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires, que ce soit par classe de médicaments ou par laboratoire. Il n'y a pas d'articulation entre les baisses de prix décidées par le CEPS et les remises. Une mesure très grossière de ces décisions de baisse ou de remise nous fait penser que l'impact financier des remises est environ trois fois plus élevé que celui des baisses de prix. Toutefois la différence principale est ailleurs : les baisses de prix sont définitives et profitent de façon juste et équitable à l'assurance maladie obligatoire et à l'assurance maladie complémentaire ; les remises de prix sont par essence contractuelles, précaires et ne profitent qu'à l'assurance maladie obligatoire, alors que la cause de la remise, c'est-à-dire un dérapage des consommations, a été supportée financièrement par les complémentaires autant que par l'obligatoire ; enfin, elle aboutit à faire en sorte que le taux de prise en charge officiel de certains médicaments soit très différent de leur taux de prise en charge réel.

Je veux revenir sur les propos tenus devant la MECSS par M. Noël Renaudin, président du CEPS, qui ont été repris par la presse, sur l'apparition et la multiplication de médicaments « de niche » horriblement chers, ce qu'on pourrait traduire par « médicaments à spectre étroit et à prix élevé ». Les opérateurs que nous sommes vont se retrouver devant cette alternative : soit maintenir l'opacité actuelle, et le dérapage est garanti ; soit mettre fin au dérapage, et l'on est devant la perspective d'une traçabilité individuelle des prescriptions et des consommations.

La question se pose alors d'un partenariat entre l'assurance maladie obligatoire (AMO) et l'assurance maladie complémentaire (AMC). Est-ce que nous acceptons que l'AMC devienne un acheteur avisé, en commençant par exemple par le médicament ? Un tel partenariat n'est pas incompatible avec nos réflexions sur d'éventuels transferts entre l'AMO et l'AMC, qui pourraient porter sur les médicaments à 35 %. Mais cette recherche de performance impliquerait qu'on ait accès au code identifiant de présentation (CIP) des médicaments, en commençant par exemple par les codes des médicaments remboursés par l'AMO à 35 %. Cela reviendrait à reprendre et à accepter, pour cette fois, l'amendement proposé par M. Yves Bur, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2005.

Une autre question se pose, celle du desease management (soutien à la prise en charge thérapeutique des patients atteints de maladies chroniques). Nous pensons qu'un desease management encadré peut être positif. C'est ce que font certaines sociétés d'assistance liées avec les sociétés d'assurance. Ainsi Mondial Assistance, qui est liée au AGF, fait du desease management auprès de patients atteints d'ostéoporose, et cela marche bien. Le fait de dire que c'est l'intérêt financier des laboratoires n'épuise pas le sujet, dans la mesure où cela peut avoir aussi une utilité médicale pour les patients. C'est en tout cas une piste à explorer.

Je vais évoquer un dernier point sur l'évolution de l'offre : l'automédication.

Celle-ci est très en retard en France. Elle ne se développera jamais et n'aura jamais d'incidence financière pour l'assurance maladie obligatoire tant que 85 % des médicaments en automédication seront également en prescription médicale facultative.

Je termine en remarquant que le remboursement des médicaments représente un poste de dépenses important pour les complémentaires maladies, et qu'il est en croissance forte.

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