C'est à tort que j'ai utilisé l'expression « contre-pouvoir », mieux vaut parler de : « autres références ».
Les délégués de l'assurance maladie font un excellent travail : ils constatent qu'un médecin consomme plus que les confrères de son secteur, qu'il prescrit plus de transports en ambulance ou plus de médicaments de tel ou tel type par rapport à la moyenne, mais ils n'apportent pas de références et leurs relevés des écarts d'activité ne comportent pas de dimension technique. En fait, ils constatent mais ils n'apportent pas de solution ; ils sensibilisent les médecins, mais ils ne développent pas d'argumentation. C'est toute la différence avec la visite médicale : le laboratoire présente un argumentaire scientifique en faveur de son produit.
À l'université, nous avons fait depuis quelques années un énorme travail de formation à la lecture critique des articles scientifiques. Nous apprenons aux internes à regarder quels sont exactement les critères de jugement de l'étude. En fait, un seul critère doit prévaloir, celui de la morbidité-mortalité : quand on donne une statine à une personne de 80 ans, ce qui est intéressant ce n'est pas de voir si son taux de cholestérol va chuter mais si elle va vivre une ou deux années de plus qu'elle n'aurait vécu sans le médicament. Le taux de cholestérol est un indicateur technique, ce n'est pas un résultat pour la santé.